MedActuel DPC - Projet d'auto-apprentissage - Pharmacothérapie au quotidien: arrêter de fumer

Le plan d’autogestion de développement professionnel continu(dpc)obligatoire depuis juillet 2007 MEDACTUEL-DPC vous facilite la tâche en vous livrant clé en main des Projets d’auto-apprentissage. Nous les avons structurés selon le modèle proposé par le Collège des médecins du Québec dans son plan d'autogestion de DPC. Vous suivez les cinq étapes suggérées, puis vous détachez le document et le conservez dans votre portfolio.Le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada ainsi que le Collège des médecins de famille du Canada privilégient aussi ce genre d’approche réflexive sur votre pratique dans leurs processus de revalidation.Chaque fois qu’un Projet d’auto-apprentissage répond à un de vos besoins, remplissez-le pour le porter à votre port-folio de DPC. En 2006, 20 % des Québécois fumaient, ce qui représente environ 1 300 000 personnes ! Chez les fumeurs qui continuent de fumer, les risques de mourir d’une maladie causée par le tabac sont extrêmement élevés; un fumeur sur deux en mourra ! L’abandon du tabac fait rapidement diminuer ces risques même après de longues années de consommation. Au-delà d’une mauvaise habitude de vie, la personne qui fume souffre d’une dépendance au tabac acquise de façon insidieuse durant l’adolescence dont la nicotine est la principale responsable. Bien que la majorité des fumeurs veulent cesser de fumer, lors de tentatives d’arrêt sans aide, à peine 3 % n’auront pas rechuté dans la période de 6 à 12 mois qui suit. L’intervention en cessation du tabac représente la meilleure intervention préventive qu’un professionnel de la santé puisse réaliser. Les aides pharmacologiques(timbres, gommes et inhalateurs de nicotine et le bupropion)doublent les chances de succès à long terme et sont recommandées comme médicaments de première intention conjointement avec un traitement comportemental. L’approche des lignes directrices de pratique clinique des services de santé publique américains suit les grands principes : demander au patient s’il est fumeur, évaluer sa motivation, lui conseiller de cesser de fumer, l’aider à se préparer et lui assurer un suivi 1. Le soutien médical à l’abandon du tabagisme est maintenant un acte rémunéré pour les omnipraticiens par la Régie de l’assurance maladie du Québec(RAMQ). L’intervention de soutien, les ressources disponibles dans le cadre du programme « J’arrête » ainsi que les recommandations pour l’utilisation des aides pharmacologiques sont résumées dans un outil de travail mis à leur disposition 2. Les meilleurs taux d’abstinence continue obtenus lors d’essais thérapeutiques des aides pharmacologiques comme les timbres de nicotine ou le bupropion en concomitance avec un traitement comportemental chez des fumeurs motivés à cesser de fumer sont de l’ordre de 10 % à 22 % à un an3. La mise au point de nouvelles stratégies de cessation du tagabisme représente donc un besoin médical important. À la suite de la publication des résultats de trois études cliniques dans la revue JAMA en juillet 2006, la varénicline a été homologuée par la Food and Drug Administration(FDA)aux États-Unis et par Santé Canada en 20074-6. Le médicament est disponible depuis la mi-avril 2007. Les mécanismes d’action Les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine(AChN)jouent un rôle important dans la médiation des effets de la nicotine et de la dépendance au tabac. La varénicline a été conçue pour cibler le sous-type a4ß2 des AChN principalement localisés dans l’aire ventrotegmentale(AVT)dans le système dopaminergique mésolimbique(figure 1). Ces récepteurs jouent un rôle primordial dans la dépendance. En tant qu’agoniste partiel, cette molécule cause un relâchement de dopamine au niveau d’axones qui se projettent au niveau du noyau accumbens(NA)considéré comme le centre de la récompense pour plusieurs drogues. Le médicament soulagerait ainsi les symptômes du sevrage nicotinique et atténuerait l’envie de fumer. De plus, cette molécule empêcherait la nicotine de se lier à ces mêmes récepteurs, entraînant ainsi un effet antagoniste empêchant la production des effets biologiques. Les études cliniques Six essais thérapeutiques ont montré l’efficacité de la varénicline. Trois études cliniques ont été publiées dans le JAMA en juillet 2006, deux études comparant la varénicline au bupropion et l’autre utilisant un traitement de maintien après avoir réussi la cessation tabagique avec un traitement initial de 12 semaines par la varénicline 4-6. Par ailleurs, dans une étude d’innocuité rapportée dans la monographie du produit, on a traité des fumeurs durant 52 semaines consécutives 8. Enfin, la monographie du produit rapporte deux autres études; l’une a comparé deux doses différentes du médicament et l’autre a permis aux participants d’ajuster eux-mêmes la dose avec laquelle ils se sentaient le plus à l’aise 7. Deux études de Gonzales et Jorenby qui ont comparé la varénicline au bupropion et à un placebo partageaient une même méthodologie 4,5. Il s’agissait d’études à double insu réalisées auprès de fumeurs consommant au moins 10 cigarettes par jour et qui étaient motivés à cesser de fumer. Les candidats étaient exclus s’ils avaient cessé de fumer durant trois mois ou plus durant l’année précédente, avaient souffert de maladies majeures durant les six mois précédents et avaient utilisé du bupropion ou de la varénicline. Les participants étaient répartis de façon aléatoire en trois groupes : varénicline à 1 mg deux fois par jour, bupropion à libération prolongée 150 mg deux fois par jour et placebo, et ce, durant 12 semaines avec un suivi sans traitement pharmacologique durant les 40 semaines suivantes 4,5. Les taux d’abstinence tabagique continue sur les périodes de 9 à 12 semaines et de 9 à 52 représentaient les principaux paramètres mesurés. Une seule bouffée de cigarette était considérée comme un échec ainsi qu’une mesure du monoxyde de carbone(CO)dans l’air expiré de plus de 10 ppm.Les 2052 participants aux deux études comparatives étaient âgés en moyenne de 43 ans, 80 % étaient de race blanche et 56 % de sexe masculin. Ils fumaient en moyenne un paquet par jour et atteignaient un score de 5 sur 10 sur l’échelle de dépendance de Fagerström. Comme mesures de soutien, les participants ont reçu une brochure éducative et une séance de counselling antitabagique de près de 10 minutes lors de chaque visite à la clinique. Les résultats obtenus dans la période de 9 à 12 semaines se sont avérés identiques pour ces deux études : 44 % des sujets du groupe varénicline sont demeurés abstinents, comparativement à 29 % pour le bupropion et 17 % pour le placebo(p < 0,001 dans les deux cas). La varénicline s’est révélée significativement plus efficace que le placebo avec un rapport de cotes(RC, 3,85; p < 0,001)et que le bupropion(RC, 1,90; p < 0,001). Les taux d’abstinence ininterrompue relevés entre les 9e et 52e semaines pour l’étude de Gonzales et Jorenby étaient de 21,9 % et 23,0 % pour la varénicline, de 16,1 % et 14,6 % pour le bupropion et de 8,4 % et 10,3 % pour le placebo. La varénicline s’est révélée plus efficace que le placebo(RC, 3,09 et 2,66; p < 0,001)et que le bupropion(RC, 1,46; p = 0,057, non significatif)4 et(RC, 1,77; p = 0,004)5. Les effets indésirables sont généralement survenus au cours des premières semaines du traitement dans ces deux études(tableau I). Les nausées ont été plus fréquentes chez les participants des groupes varénicline, 28 % et 29 % contre 8,4 % et 9 % des groupes placebos 4,5. Habituellement décrites comme légères ou modérées et souvent passagères, ces nausées ont causé l’abandon du traitement chez 2,6 % et 2,3 % des participants de ces deux études. Les rêves anormaux ont été plus fréquents chez les participants du groupe varénicline, 10,3 % et 13,1 % contre 5,5 % et 3,5 % pour les groupes placebos. La flatulence et la constipation ont également été rapportées plus fréquemment avec la varénicline. Divers effets indésirables ont causé l’abandon du traitement chez 8,6 % et 10,5 % des participants des groupes varénicline et 9,3 % et 7,4 % des groupes placebos respectivement 4,5. L’étude sur le traitement d’entretien de 12 semaines a été réservée aux fumeurs qui avaient déjà réussi à cesser de fumer après les 12 premières semaines de traitement à l’aide de la varénicline(64 % de 1927 participants)et qui ont alors été répartis au hasard aux groupes varénicline ou placebo. Les résultats de la phase à double insu indiquent que 70,5 % des patients qui avaient initialement cessé de fumer pour ensuite poursuivre le traitement à la varénicline pendant 12 semaines supplémentaires sont demeurés abstinents de la 13e à la 24e semaine, comparativement à 49,6 %(p < 0,001)des patients passés au groupe placebo. À la 52e semaine, 43,6 % de ceux qui avaient reçu la varénicline de la 1re à la 24e semaine étaient encore abstinents comparativement à 36,9 %(p = 0,02)des sujets du groupe ayant reçu la varénicline de la 1re à la 12e et un placebo de la 13e à la 24e semaine. Environ le tiers des sujets ont fait état de nausées durant la phase ouverte de l’étude, mais les nausées ont motivé l’abandon du traitement chez quelque 3 % des sujets seulement. Pendant la phase à double insu avec la répartition aléatoire, la fréquence des effets indésirables a été similaire avec la varénicline et le placebo.La compagnie Pfizer rapporte également une étude d’innocuité où des doses de 1 mg de varénicline deux fois par jour(n = 251)et placebo(n = 126)ont été administrées durant 52 semaines consécutives. Les taux d’abstinence ponctuelle ont été mesurés durant les sept jours précédant les évaluations répétées aux quatre semaines et confirmés par la mesure du CO expiré. Après 52 semaines, 36,7 % des participants du groupe varénicline et 7,9 % du groupe placebo étaient abstinents, 40 % des participants du groupe varénicline et 8 % du groupe placebo auraient rapporté des nausées et 11 % contre 6 % une élévation de la tension artérielle. Des changements mineurs et rarement significatifs ont été observés lors des analyses hématologiques et biochimiques ou dans les paramètres électrocardiographiques répétées aux quatre semaines durant l'année 8. L’étude de comparaison de doses a montré des taux d’abstinence continue de la 9e à la 52e semaine de 22,9 % avec 1 mg deux fois par jour contre 19 % avec 0,5 mg deux fois par jour et 4,1 % pour le placebo(p < 0,0001). Par contre, moins d’effets indésirables ont été notés avec la dose la plus faible : nausées, 16 % contre 30 % et rêves anormaux, 9 % contre 13 %. Enfin, l’étude de dosage flexible sur 12 semaines a montré que les sujets établissaient leur dose à 1 mg, deux fois par jour dans 44 % des cas et à 1 mg par jour ou moins dans 52 % des cas, tout en obtenant des taux d’abstinence continue de la 9e à la 52e semaine de 22,3 % avec la varénicline contre 7,7 % pour le placebo(p < 0,0001). En conclusion, les six études montrent des taux d’abstinence supérieurs avec la varénicline qu’avec le placebo. Les deux études de comparaison(Gonzales et Jorenby)montrent une efficacité de la varénicline supérieure au bupropion. L’étude de maintien a montré qu’un traitement de 12 semaines supplémentaires augmente l’abandon chez ceux qui ont réussi à cesser de fumer en utilisant la varénicline pendant 12 semaines. L’étude d’innocuité à long terme a montré qu’un traitement de 52 semaines était sécuritaire et efficace. L’étude de comparaison de doses a montré des taux d’abstinence un peu plus élevés avec la dose la plus forte, mais moins d’effets indésirables avec la dose plus faible. L’étude de dosage flexible sur 12 semaines a montré que les sujets établissaient leur dose à 1 mg, deux fois par jour dans un peu moins que la moitié des cas. La nausée se manifeste chez environ 30 % des patients exposés à la dose maximale recommandée, et le réglage initial de la posologie s’est révélé bénéfique pour réduire la fréquence des nausées. Le mode d’emploi La varénicline est indiquée chez le fumeur adulte motivé à cesser de fumer conjointement avec un traitement comportemental. L’emploi de la varénicline n’est pas recommandé chez les moins de 18 ans, les femmes enceintes ou qui allaitent, en cas d’allergies aux composantes du comprimé et en présence d’insuffisance rénale terminale(figure 2b). Nous n’avons, de plus, aucune expérience chez les personnes souffrant d’épilepsie, de côlon irritable et d’autres problèmes gastro-intestinaux ou en traitement de chimiothérapie. Des études sont en cours chez les personnes souffrant de maladies cardiaques ou de maladies pulmonaires obstructives chroniques. Le fumeur commence à prendre la varénicline une à deux semaines avant la date fixée pour cesser de fumer 7,9. La varénicline se prend par voie orale, avec ou sans aliments, un comprimé de 0,5 mg, une fois par jour, du 1er au 3e jour, puis un comprimé à 0,5 mg le matin et un comprimé à 0,5 mg le soir du 4e au 7e jour. À compter du 8e jour de traitement, la dose augmente à 1 mg, deux fois par jour(figure 2a). La dose pourra être réduite chez les patients qui ne peuvent tolérer la varénicline 7,9. Chez les patients qui présentent une atteinte rénale grave, la dose maximale recommandée au terme d’un réglage graduel s’établit à 0,5 mg, deux fois par jour. Des mises en garde visent également les personnes âgées chez qui une surveillance de la fonction rénale est recommandée, les patients souffrant de maladies psychiatriques ou de risques de détérioration de ces maladies qui peuvent survenir lors de l’arrêt du tabac et chez les utilisateurs d’autres médicaments dont l’action peut être modifiée en cessant de fumer comme l’insuline, la théophylline ou la warfarine. Comme les étourdissements et la somnolence peuvent survenir lors de l’arrêt du tabac, il est recommandé de s’assurer de ne pas souffrir de ces symptômes avant de conduire des véhicules motorisées ou d’utiliser de la machinerie dangereuse. Plus que 90 % de la varénicline est excrétée par filtration dans l’urine et le reste par transport actif du transporteur de cations organiques(TCO2). Sa demi-vie est de 17 à 24 heures. Chez les patients qui souffrent d’insuffisance rénale grave, l’utilisation d’inhibiteurs TCO2(triméthoprime, ranitidine, cimétidine, lévofloxacine)devrait cependant être évitée. En raison d’effets négligeables sur le système du cytochrome P450, il y a une faible probabilité d’interactions médicamenteuses. L’efficacité de la varénicline en association avec les autres aides pharmacologiques à l’abandon du tabac(thérapie de remplacement de la nicotine [TRN] et bupropion)n’a pas été étudiée. L’utilisation de la TRN et de la varénicline pourrait cependant augmenter les effets indésirables selon une étude clinique d’interactions médicamenteuses. Les TRN et le bupropion ne devraient donc pas être utilisés avec la varénicline(figure 3). Conclusion La varénicline représente un nouveau traitement prometteur qui cible les voies de signalisation responsables de la dépendance et semble supérieure aux aides pharmacologiques dont nous disposions jusqu’à maintenant. Il faut cependant se rappeler que même avec la varénicline, la majorité des participants à toutes ces études ont été incapables de demeurer abstinents9,10 ! Pour arriver à cesser de fumer, il faut d’abord le vouloir et il faut ensuite accepter de travailler à changer son comportement. Bien que ce ne soit pas la panacée, la varénicline leur rendra la tâche plus facile. Références bibliographiques

MedActuel DPC - Projet d'auto-apprentissage - Pharmacothérapie au quotidien: arrêter de fumer

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes