MedActuel DPC - Prévention en pratique médicale: vaccin recombinant quadrivalent contre le virus du papillome humain

Le plan d’autogestion de développement professionnel continu(DPC)obligatoire depuis juillet 2007 Medactuel-DPC vous facilite la tâche en vous livrant clé en main des Projets d’auto-apprentissage. Nous les avons structurés selon le modèle proposé par le Collège des médecins du Québec dans son plan d'autogestion de DPC. Vous suivez les cinq étapes suggérées, puis vous détachez le document et le conservez dans votre portfolio. Le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada ainsi que le Collège des médecins de famille du Canada privilégient aussi ce genre d’approche réflexive sur votre pratique dans leurs processus de revalidation. Chaque fois qu’un Projet d’auto-apprentissage répond à un de vos besoins, remplissez-le pour le porter à votre port-folio de DPC. Le 10 juillet 2006, Santé Canada autorisait la mise en marché de Gardasil, un vaccin recombinant contre le virus du papillome humain(VPH)fabriqué par Merck Frosst. Ce vaccin cible quatre types de VPH, soit les types 6, 11, 16 et 18. Les types 6 et 11 sont dits à faible risque ou non oncogènes et sont impliqués dans les infections par le VPH telles que les condylomes acuminés et les lésions néoplasiques de bas grade, tandis que les types 16 et 18 sont dits à haut risque ou oncogènes et causent les lésions néoplasiques de haut grade et les cancers du col de l’utérus, du vagin et de la vulve 1,2. Cas clinique Une patiente vous consulte pour son examen annuel. En fin de consultation, elle vous dit avoir entendu parler du nouveau vaccin contre le cancer du col de l’utérus qu’il est maintenant recommandé de donner aux jeunes filles. Comme elle a une fille de 15 ans, elle veut savoir si elle doit la faire vacciner, si oui, pouvez-vous le faire ? Selon l’OMS, en 2005, le cancer du col de l’utérus a causé la mort d’environ 250 000 femmes dans le monde entier dont 80 % originaires de pays en développement 3. Il est au deuxième rang mondial des cancers affligeant la femme. Au Canada, l’incidence et la mortalité ont tendance à diminuer avec les années. En comparant les taux de 1977 aux taux estimés de 2006, on note une diminution de 50 % de l’incidence et de 60 % du taux de mortalité selon les statistiques de Santé Canada. Cette diminution est principalement attribuable au dépistage à l’aide du test de Pap(Papanicolau), ou cytologie vaginale, et au traitement précoce. Au Québec, il est estimé qu’en 2006, 280 nouveaux cas de cancer du col de l’utérus seront diagnostiqués et que ce cancer sera responsable de 75 décès de femmes. Le VPH est aussi l’agent causal des condylomes acuminés(verrues génitales)chez l’homme et chez la femme dont le risque à vie dépasse 10 % 4. Au cours de leur vie, il est estimé que jusqu’à 75 % des femmes actives sexuellement contracteront au moins une infection par le VPH 2,5,6. Dans la majorité des cas, le virus est éliminé naturellement par le système immunitaire et l’infection se guérit spontanément. Cependant, dans certains cas, l’infection persiste et expose la femme au risque de développer des lésions cancéreuses 7. On a établi que l’infection à VPH chronique était responsable des lésions précancéreuses et du cancer du col utérin7. Les types de VPH considérés à haut risque carcinogène sont les types 16, 18, 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 56, 58, 59, 68, 73 et 82; probablement à haut risque, les types 26, 53 et 66, et à faible risque, les types 6, 11, 40, 42, 43, 44, 54, 61, 72, 81 et CP61081,2,8. Les VPH des types 16 et 18 seraient responsables de 70 % des cas de cancer du col utérin et les VPH des types 6 et 11 causeraient 90 % des verrues génitales 2,9,10. L’arrivée de la vaccination préventive à l’aide d’un vaccin quadrivalent contre le VPH nous offre un nouvel outil dans la lutte contre ce virus. Le virus du papillome humain est composé d’une capside qui contient l’ADN viral et exprime des protéines virales L1. Le vaccin renferme des pseudoparticules virales(PPV)de la protéine L1. Il s’agit d’une capside dépourvue d’ADN et composée de l’assemblage de la protéine majeure L1 de l’enveloppe virale des quatre types de VPH contenus dans le vaccin. Étant donné l’absence d’ADN dans les PPV, elles sont non infectieuses et ne peuvent se reproduire, d’où l’impossibilité de développer une infection à VPH post-vaccination. La vaccination prophylactique a pour but d’induire la production d’anticorps neutralisants dirigés contre la protéine L1 des VPH des types 6, 11, 16 et 185,6,11,12. Les indications Au Canada, le vaccin quadrivalent est indiqué chez les filles et les femmes âgées de 9 à 26 ans en prophylaxie des infections à VPH des types 6, 11, 16 et 18, et des maladies causées par ces VPH : le cancer du col de l’utérus, de la vulve et du vagin, les verrues génitales(condylomes acuminés), l’adénocarcinome in situ(AIS)du col de l’utérus, les néoplasies intraépithéliales cervicales(CIN)de grades 1, 2 et 3, vulvaires(VIN)de grades 2 et 3, et vaginales(VaIN)de grades 2 et 312. Les effets indésirables Dans le cadre des études cliniques, le vaccin contre le VPH a été généralement bien toléré comparé au placebo. Un faible taux de participantes(0,2 %)ont abandonné en raison des effets indésirables, le plus fréquent étant la réaction au point d’injection qui se présente dans un délai de un à cinq jours. La majorité des patientes ont rapporté une douleur au point d’injection, que ce soit avec le vaccin ou le placebo. L’érythème et l’enflure au point d’injection ont été rapportés plus fréquemment chez les patientes vaccinées. Quatre-vingt-quatorze pour cent des sujets vaccinés ont qualifié les effets locaux de légers à modérés. L’effet systémique le plus fréquent a été les céphalées autant dans le groupe vaccin que dans celui du placebo. Le tableau I présente les effets indésirables les plus fréquents 12-19. Les mises en garde Le vaccin quadrivalent ne doit pas être utilisé chez les patientes présentant une hypersensibilité aux ingrédients actifs ou aux excipients qui le composent. De plus, lors de la présentation de symptômes pouvant faire soupçonner une hypersensibilité après la première dose du vaccin, il est recommandé de ne pas compléter la vaccination. Le vaccin a été conçu pour la prévention et non pour le traitement des maladies pour lesquelles il est indiqué. De plus, il ne protégera pas des maladies causées par des VPH des types autres que ceux contenus dans le vaccin. Chez les personnes vaccinées, il y a une possibilité que la protection ne se manifeste pas. La vaccination peut avoir lieu malgré une faible fièvre ou une infection légère des voies respiratoires supérieures. Toute autre situation est laissée au jugement du clinicien. Les femmes qui désirent tomber enceinte ne devraient pas le faire pendant la période de vaccination, car on manque d’études contrôlées pour cette population. Le vaccin peut être administré aux femmes qui allaitent. On ne dispose d’aucune donnée sur la vaccination des patientes insuffisantes rénales ou hépatiques. L’innocuité et l’efficacité du vaccin n’ont pas été évaluées chez les patientes qui prennent un traitement immunosuppresseur présentant une réponse immunitaire altérée, celles infectées par le VIH, les enfants de moins de 9 ans et les personnes de plus de 26 ans12. Ces informations proviennent de la monographie et ne constituent pas une liste complète. Les interactions médicamenteuses Les contraceptifs oraux, les analgésiques, les anti-inflammatoires, les antibiotiques, les préparations vitaminiques ainsi que les corticostéroïdes ne semblent pas affecter la réponse immunitaire au vaccin quadrivalent. L’administration concomitante avec le vaccin contre l’hépatite B(recombinant)est possible à des points d’injection différents. Aucune donnée n’est disponible concernant l’utilisation du vaccin contre le VPH avec des immunosuppresseurs puissants. Par contre, la production d’anticorps en réponse à une immunisation active peut être diminuée 12. La présentation, la posologie et le coût Gardasil est offert en fiole unidose de 0,5 mL ou en seringue préremplie de 0,5 mL. Le vaccin doit être réfrigéré à une température se situant entre 2 °C et 8 °C et être protégé de la lumière. On doit bien l’agiter avant son utilisation. La suspension homogène qui en résulte est de couleur blanche avec un aspect brouillé. Le calendrier de vaccination recommandé est constitué de trois doses de 0,5 mL administrées aux mois 0, 2 et 6. Si le respect de ce calendrier est impossible, il est recommandé d’administrer la deuxième dose au moins un mois après la première et la troisième dose au moins trois mois après la deuxième, soit aux mois 0, 1 et 4. Les régions du deltoïde de la partie supérieure du bras et antérolatérale supérieure de la cuisse sont les sites recommandés pour l’injection intramusculaire du vaccin. Le prix d’achat du pharmacien pour la fiole et la seringue est d’environ 143 $ par injection, soit environ 173 $ par injection pour le patient12. Le coût du vaccin est au frais du patient et ne fait pas partie du programme d’immunisation québécois, même pour certaines populations à risque. Son inclusion dans le calendrier de vaccination est actuellement à l’étude. Les principaux conseils et informations à transmettre aux patientes sont présentés dans l’encadré ci-contre. La place dans la thérapie La vaccination contre le VPH semble être une percée dans la prévention du cancer du col de l’utérus et des verrues génitales. Le Comité consultatif national de l’immunisation(CCNI)a émis une déclaration sur le vaccin contre le VPH et des questionnements y sont exposés20, entre autres sur la durée de la protection conférée par le vaccin et les rappels éventuels. Il pourrait être possible que les trois doses ne soient pas absolument nécessaires pour une efficacité optimale du vaccin. Ces aspects ont un impact déterminant sur les coûts associés à l’introduction du vaccin dans le calendrier de vaccination20. La population cible idéale n’est pas déterminée non plus. D’après les études épidémiologiques, elle serait composée des jeunes filles avant l’âge de 20 ans n’ayant jamais eu de rapports sexuels, donc n’ayant jamais été exposées au VPH. Des études montrent qu’une vaccination à l’âge de 12 ans suivie d’un dépistage triennal à partir de 24 ans serait le meilleur modèle en matière de coût et d’efficacité21,22. Le vaccin serait donc proposé aux préadolescentes et adolescentes. Au Québec, il pourrait éventuellement être introduit en quatrième année du primaire en même temps que le vaccin contre l’hépatite B. À un âge aussi jeune, il est possible que les parents soient hésitants à l’idée de vacciner contre ce type de maladie, d’où l’importance d’un programme d’éducation des jeunes et des parents23,24. L’acceptabilité de la vaccination dans la population et auprès des professionnels de la santé dépendra du message véhiculé : vaccin pour prévenir une infection transmissible sexuellement ou pour protéger du cancer du col5,23. Le CCNI est d’avis que le vaccin devrait être offert à toutes les filles et femmes de 9 à 26 ans indépendamment d’une exposition antérieure au VPH20. Au Québec, une campagne publicitaire télévisée de la compagnie Merck Frosst Canada sensibilise la population à l’agent causal du cancer du col. Qu’en est-il des femmes âgées de plus de 26 ans déjà exposées au VPH ? Bien qu’il soit établi que le vaccin n’a pas d’influence sur une infection active au VPH, il pourra prévenir l’infection aux autres types de VPH chez ces femmes. Des études de phase III sont en cours pour évaluer l’impact de la vaccination chez cette population. Selon le CCNI, aucune recommandation ne peut être faite pour ce groupe d’âge20. Les hommes doivent-ils être vaccinés ? Comme les études actuelles portent presque essentiellement sur les femmes, on a peu de données concernant les hommes. Si le vaccin s'avère efficace, les hommes pourraient en bénéficier afin de prévenir les condylomes et pour limiter la propagation du virus chez la femme. De plus, si le vaccin est efficace pour prévenir les cancers anogénitaux, les hommes pourront en tirer profit. La vaccination offerte aux hommes et aux femmes entraînera des coûts supplémentaires. Il faudra démontrer le rapport coût/bénéfice de cette approche avant d’envisager cette option5,11,25. Selon les données actuelles, le CCNI ne recommande pas l’utilisation de ce vaccin chez les hommes20. Les papillomavirus ont été associés à d’autres types de cancer(p. ex., anus, pénis, oropharynx, larynx et cavité buccale)que ceux pour lesquels Gardasil est indiqué. D’autres études seront nécessaires afin de déterminer si le vaccin quadrivalent sera efficace en prévention de ces autres cancers2. La vaccination par Gardasil n’écarte pas la nécessité d’un dépistage à l’aide de la cytologie vaginale(test de Pap)étant donné la couverture incomplète des types de VPH. La fréquence du dépistage à la suite de la vaccination reste une variable encore inconnue à ce jour22. Le succès relié à la détection rapide des lésions anormales par la cytologie vaginale réduit l’incidence de ce cancer au Canada. L’ajout de la vaccination préventive apporte un outil supplémentaire pour l’éradication quasi complète de ce cancer. La problématique majeure de cette pathologie reste entière pour les pays en voie de développement qui n’ont pas accès au dépistage. Le coût et l’accessibilité de ce vaccin pour ces pays rendent la vaccination aussi difficile que le dépistage5,10. La compagnie GlaxoSmithKline a mis au point un vaccin bivalent(Cervarix)contre les VPH 16 et 18. Les avantages et les inconvénients d’un vaccin par rapport à l’autre restent à établir. Conclusion Le Gardasil est le premier vaccin à prévenir un cancer. Il s’agit d’une percée importante dans la prévention du cancer du col de l’utérus et des verrues génitales, ainsi que pour le développement d’autres vaccins dans la prévention d’autres types de cancer. De plus amples études seront nécessaires afin de résoudre toutes les questions restées sans réponse et afin de positionner le vaccin dans la lutte contre le virus du papillome humain. Références 1. M unoz N, Bosch FX, de Sanjosé S et coll. Epidemiologic Classification of human papillomavirus types associated with cervical cancer. NEJM 2003; 348(6): 518-27. 2. Koutsky LA, Baseman JG. The epidemiology of human papillomavirus infections. J Clin Virol 2005; 32(Suppl 1): S16-24. 3. OMS. Comprehensive cervical cancer. A guide to essential practice 1-282. www.who.int/ [En ligne. Consulté le 2 janvier 2007]. 4. Société canadienne du cancer et Institut national du cancer du Canada. Statistiques canadiennes sur le cancer 2005 et prévisions 2006. Toronto, Canada. www.cancer.ca [En ligne. Consulté le 2 janvier 2007]. 5. M onsonégo J. Prévention du cancer du col utérin : enjeux et perspectives de la vaccination antipapillomavirus. Gynecol Obstet Fertil 2006; 34(3): 189-201. 6. 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