Loi 2: le Collège royal dénonce une approche «réductrice» de la pratique

Les critiques s’accumulent contre la loi 2. Après les fédérations médicales, c’est au tour du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada (CRMCC) de sonner l’alarme. Dans un communiqué diffusé lundi en fin d’après-midi, l’organisme se dit «vivement préoccupé» par l’adoption sous bâillon de cette réforme qui lie une partie de la rémunération des médecins à l’atteinte de cibles de performance collectives. Une prise de position inhabituelle, qui résonne avec les craintes exprimées par les médecins québécois depuis plusieurs semaines.Le CRMCC souligne d’abord soutenir les initiatives visant à améliorer l’accessibilité, la qualité et la sécurité des soins. Mais il insiste: les changements de politiques doivent être «mis en œuvre de façon durable, avec l’appui des prestataires de soins». Or, selon lui, l’application de la loi 2 «ne fera qu’exacerber une crise du bien-être chez les médecins». Le lien direct entre rémunération et indicateurs chiffrés risque de créer une pression supplémentaire dans un réseau déjà fragilisé.À lire aussi: Le ministre Dubé défend la loi spéciale sur les médecins à «Tout le monde en parle»L’organisme pancanadien critique aussi le périmètre choisi par Québec. Les règlements sur les objectifs de rendement «visent uniquement certains résultats cliniques», ce qui fait abstraction des activités indispensables au bon fonctionnement du système - enseignement, mentorat, leadership clinique et recherche. Ces tâches, rappelle le Collège royal, sont souvent réalisées discrètement, sans facturation directe, mais contribuent à la qualité des soins et à la formation des futures cohortes. En les ignorant, la réforme pourrait avoir «des effets néfastes à long terme sur les soins aux patientes et patients et sur la résilience du système de santé».Au cœur du débat se trouve aussi la question de l’imputabilité. Le CRMCC affirme qu’il «n’est pas justifié de tenir les médecins seules et seuls responsables» d’objectifs cliniques «qui exigent une action systémique concertée». Des délais d’accès aux plateaux techniques, la disponibilité des ressources ou l’organisation des cliniques de première ligne ne dépendent pas du seul geste médical. Le Collège royal rejoint ainsi la Fédération des médecins du Québec (FMSQ) et celle des omnipraticiens (FMOQ) qui dénoncent la même logique: une responsabilisation individuelle pour des problèmes structurels.Le CRMCC partage en outre la crainte que cette loi n’accorde la priorité à la «quantité» des soins plutôt qu’à leur qualité. Courir après des cibles pourrait conduire à multiplier les actes, au détriment du temps clinique nécessaire à l’explication, à l’écoute ou à la coordination avec d’autres professionnels. Pour les patientes et patients vulnérables, cette logique pourrait compromettre les résultats, prévient-il.Sur le même sujet: Adieu Monsieur DubéResponsabilités individuelles, enjeux systémiquesEnfin, pour améliorer l’accès, le Collège royal estime que la voie privilégiée par Québec manque sa cible. Il appelle plutôt à «investir de façon soutenue dans les ressources, les effectifs, les infrastructures et la formation». À ses yeux, une rémunération fondée sur le rendement «ne peut à elle seule venir à bout des problèmes systémiques de fond». Le sous-financement chronique, la dispersion des mandats cliniques et la pénurie de personnel soignant seraient autant de facteurs déterminants.À consulter aussi: La loi imposant un nouveau mode de rémunération aux médecins est adoptée sous bâillonDans sa conclusion, l’organisme «exhorte» le gouvernement du Québec à «revoir son approche» et à rechercher des solutions «viables à long terme» pour assurer l’accès aux soins. Une formulation lourde de sens dans le jargon institutionnel canadien. Alors que les tensions demeurent vives dans le réseau, cette prise de position ajoute le poids d’un acteur national réputé pour sa prudence et son souci de la formation médicale.

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