Loi 10: des impacts dévastateurs sur les services de santé publique

La Loi 10 imposée par l’ex-ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a eu un effet dévastateur sur les services de santé publique, selon un récent rapport de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).En créant les CISSS et les CIUSSS, en 2015, l’ancien gouvernement a aboli les agences régionales, ce qui a fait en sorte que les activités de première et deuxième lignes en santé publique étaient alors intégrées dans une même organisation.Cette réorganisation du réseau de la santé a fortement affecté les services intégrés en périnatalité et en petite enfance, dévoile le document. « On observe une dérive vers une approche plus interventionniste et plus individualiste, indiquent les auteurs du rapport dirigés par Léo-Roch Poirier. Il y a eu aussi un roulement de personnel important au cours des trois dernières années qui n’a pas été accompagné par une formation adéquate. »Pour ce qui est des activités de promotion et prévention en milieu scolaire, il n'y a pas d'équipe dédiée à ce volet dans certaines régions. Le manque de ressources en milieu scolaire impose ainsi des choix aux gestionnaires qui mettent en priorité les activités de vaccination et la réponse aux problèmes de santé courants.En mai dernier, à la suite du décès d'une fillette de 7 ans qui pourrait avoir été victime de négligence parentale, Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, a reconnu qu'il y avait « clairement eu des failles».Les changements organisationnels ont également eu un impact sur le dossier de la vaccination. On observe une diminution des mesures de contrôle et des visites régulières dans les lieux d’entreposage depuis 2015 en plus d’une confusion quant aux responsabilités des directions. « Ici aussi, la question de la diminution des activités de formation est soulevée », souligne l’INSPQ.Des dossiers orphelinsDe plus, l’exercice d’optimisation qui devait entraîner une réduction de 30 % du budget régional de santé publique a eu des conséquences majeures : perte d’expertise, bris dans l’intégration des équipes, perte d’harmonisation dans les pratiques et le contrôle de la qualité ainsi qu’une certaine confusion quant au rôle attendu de l’équipe-conseil.Dans certaines régions, des dossiers sont devenus orphelins. La lutte contre le tabagisme et le soutien à l’allaitement sont deux dossiers particulièrement affectés.« L’impact de ces mesures d’optimisation a été négatif à plusieurs égards, mais à des degrés variés selon les régions », soulignent les auteurs.Ces mesures ont poussé des professionnels de la santé à faire état d’un certain désarroi, surtout au cours des deux premières années de la réorganisation.« Perte de sens »Ce désarroi a également été exprimé par les cadres et les membres de la haute direction qui se sont entretenus avec les auteurs du document. Le constat est fort : l’ensemble des interlocuteurs estiment que la création des CISSS-CIUSSS a grandement affecté les directions de santé publique.Certains parlent d’un changement de culture entraînant « de gros deuils » à faire au sein des équipes-conseils et même d’une certaine « perte de sens ».Les cadres ont soutenu que ce changement de culture ne s’est pas fait dans des circonstances idéales, compte tenu de la très grande instabilité dans l’encadrement supérieur des CISSS-CIUSSS durant les deux premières années de la transformation. Les mécanismes de collaboration avec les autres directions n’étaient pas clairs ou reposaient sur l’informel et les pratiques antérieures, souligne-t-on.Un des interlocuteurs observait que « même si les médecins en santé publique sont les mieux formés pour passer du clinique à l’administratif, on leur en a peut-être trop demandé ».Relations difficilesDe plus, l’augmentation des niveaux hiérarchiques et de la taille des directions ont rendu les relations entre elles plus difficiles et les processus de prises de décision plus complexes, ont-ils observé. Dans les régions où il y a plus d’un CISSS-CIUSSS, des tensions importantes ont été rapportées.Les interlocuteurs ont également noté qu’il y a eu un accroissement du silotage de services de santé publique, à l’exception de la santé au travail, dont l’organisation des services avait été revue peu avant 2015 dans la majorité des régions.« Compte tenu des défis auxquels étaient confrontés les dirigeants des CISSS-CIUSSS dans l’organisation des services cliniques, les services de santé publique n’ont pas bénéficié de toute l’attention requise », constate l’INSPQ.Toutefois, après des années difficiles, une certaine maturité organisationnelle semble sur le point d’être acquise, à en croire les propos des cadres et de la haute direction des établissements.Lors des groupes de discussion, certains ont d'ailleurs mentionné que les constats auraient été plus sévères si les rencontres avaient été tenues un an plus tôt.

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