L'obésité: une maladie dangereuse pour la survie du système de santé

Pour la Pre Laurette Dubé, directrice scientifique du Centre de la convergence en santé et économie de l’Université McGill, il faut commencer par cesser de miser aussi fortement sur la santé pour régler la question de l’obésité. Selon elle, la science prouve que cette approche n’est pas suffisante à court et à long terme. « C’est très dangereux pour les coûts de santé de foncer à pleine allure pour régler la question des maladies chroniques via un angle clinique et médical. »« Des recherches américaines ont montré que le tiers des innovations médicales n’améliore pas l’état de santé de la population. Cela vaudrait donc peut-être la peine d’explorer si l’on peut agir autrement », déclare la Pre Dubé. On a pourtant le réflexe inverse pour le moment, en intervenant médicalement de plus en plus tôt avec, par exemple, la prise en charge et la médicamentation des prédiabétiques.« On assiste à un glissement qui consiste à considérer le style de vie comme une maladie. Et si l’on n’accorde pas ce que l’on fait côté santé et soins de santé avec ce que l’on fait dans la société, à la rapidité où l’on nourrit ces pipelines, on ne pourra plus rien faire d’autre que se payer des soins de santé comme société », avertit-elle.Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de solutions pour la chercheuse. Les sciences de la complexité ont permis de modéliser des systèmes composés d’un grand nombre de constituants en interaction. Elles permettent ainsi de faire émerger de nouveaux outils de pensée pluridisciplinaire et d’utiliser des leviers de changement adaptés à la complexité des situations. Elles devraient donc être en mesure de répondre à l’impasse épidémiologique que représente l’obésité.Trouver les bons leviers de changement« On utilise par exemple des feuilles de route très pointues pour enclencher des transformations concrètes sur le terrain, dans différents secteurs, que ce soit pour promouvoir la production et la consommation de fruits, de légumes et de légumineuses ou encore, dans le secteur des soins de santé, pour utiliser la technologie numérique afin de faciliter l’accès aux soins », précise la Pre Dubé. Et cela aboutit à des projets très concrets d’innovation convergente qui prennent en compte le développement humain ainsi que les aspects économiques et qui agissent sur des leviers différents, tels que l’école ou l’industrie.Au Québec, une équipe élabore une feuille de route pour promouvoir la consommation de fruits et de légumes. Elle vise à mettre en place des partenariats entre les acteurs du milieu agricole, des communautés et la santé publique.Il s’agit aussi de créer un partenariat avec l’Association québécoise de distribution des fruits et des légumes pour que les médecins puissent prescrire des fruits et des légumes aux jeunes obèses d’une population défavorisée. Un montage logistique et financier permettrait de remettre à ces jeunes des coupons échangeables contre ces aliments sains. Une intervention de ce type existe d’ailleurs déjà aux États-Unis sur plusieurs sites. « Du côté des soins de la santé, la prévention n’a jamais vraiment été prise au sérieux. En prescrivant des légumes plutôt que des statines, de la metformine ou n’importe quel autre médicament, on change la perspective par laquelle on voit la prévention dans le monde médical, et dans la société en même temps », précise-t-elle.La santé publique commence d’ailleurs elle aussi à agir dans ce sens et a débloqué des budgets de plusieurs millions pour transformer l’écosystème. Si la recherche montre l’efficacité de ce genre d’actions à long terme, elles sont cependant plus longues à démarrer la plupart du temps. « Ce n’est pas pour rien que les premières mesures portent sur les fruits et les légumes, ou sur les légumineuses. En sciences de la complexité, on prend toujours le point qui va susciter le moins de résistance dans le système », dit Laurette Dubé.Lire la suite du dossier Obésité

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