L’Isle-Verte, cinq ans après: La communauté à la rescousse

Cinq ans après l’incendie de la Résidence du Havre de L’Isle-Verte, la pharmacie du village, détruite elle aussi par les flammes, s’est entièrement relevée grâce à l’entraide des citoyens et à leur sentiment d’appartenance envers la communauté. Récit.Le matin du 23 janvier 2014, le téléphone de Marie-Hélène Miousse et de son conjoint Philippe Lépicier sonne sans arrêt. On leur apprend qu’un incendie majeur a eu lieu pendant la nuit à la Résidence du Havre, une résidence pour personnes âgées qui héberge la seule pharmacie du village de L’Isle-Verte dans le Bas-Saint-Laurent. C’est la leur.Les deux propriétaires de l’établissement affilié à la bannière Familiprix allument leur téléviseur et voient les images de l’incendie. Leur pharmacie est complètement ravagée par les flammes, tout comme la résidence.Et s’il ne s’agissait que de cela… Trente-deux personnes ont y trouvé la mort. Marie-Hélène Miousse et Philippe Lépicier se rendent directement sur les lieux. « Il ne restait plus rien. Nous étions là avec les familles des résidents, et tout ce que l’on savait, c’est qu’il y avait des décès. »Les 32 victimes de la tragédie étaient des habitués de la pharmacie. « Les résidents venaient en pantoufle chercher leurs médicaments. On savait qu’il y avait des survivants, mais on ne savait pas lesquels. Au fur et à mesure que l’hôpital nous appelait pour avoir les profils de médicaments de quelqu’un, on savait que la personne s’en était sortie. Nous avions la liste des résidents et on barrait le nom des survivants dès que l’on avait de leurs nouvelles », se souvient Marie-Hélène Miousse.Lors d’une tragédie, les soins de proximité prennent tout leur sens, dit-elle. « Une tragédie comme ça, ça nous a rapprochés de la communauté. On a pleuré ensemble, on a fêté ensemble. Il faut rester proche de nos clients et conserver cette relation privilégiée que nous avons avec eux. »Mais ce nouveau départ pour les deux pharmaciens propriétaires et le processus de reconstruction n’ont pas été de tout repos.Un travail d’équipeDans les heures suivant l’incendie mortel, le couple de pharmaciens a pu récupérer rapidement les dossiers de ses patients grâce à des copies de sauvegarde contenues dans le serveur de Familiprix à Québec. « Heureusement, la pharmacie utilisait un logiciel compatible avec les nôtres », explique Dominique Bouré. Ainsi, les pharmaciens propriétaires ont pu récupérer l’ensemble des données de leurs clients et éviter d’avoir à les recréer une à une.Propriétaires de trois autres pharmacies dans la région du Bas-Saint-Laurent, les pharmaciens ont pu préparer les piluliers les plus urgents dans leur pharmacie de Cacouna, à une quinzaine de minutes en voiture de la succursale de L’Isle-Verte.Cette même journée, Marie-Hélène Miousse et son conjoint ont signé un bail pour la location d’un local dans la salle du club de l’âge d’or du village. Ce local de fortune deviendra leur pharmacie pendant un an et demi.Plusieurs pharmacies concurrentes de la région ont offert de l’aide en prêtant des médicaments au besoin, de sorte que seulement 24 heures après les événements, la pharmacie était prête à servir à nouveau les patients. « Nous avons travaillé toute la nuit. On avait une caisse enregistreuse, tous nos systèmes informatiques, et, au final, nous avions un semblant de pharmacie. Quand tout a été installé et que l’accès à tous les dossiers a été confirmé, nous nous sommes dit “ Ok. Là on est prêt à travailler ”», se rappelle la pharmacienne.« Dans un cas de perte totale comme celui-ci, on fait tout pour qu’il y ait le moins d’impact possible sur les patients et les consommateurs, soutient Dominique Bouré, directrice principale aux opérations de détail chez Familiprix. La priorité reste les médicaments, car la vie des patients en dépend. Il faut redonner le service à la population le plus vite possible, et ça a été réussi. »Nombreux sont ceux qui ont offert leur aide dans le processus de reconstruction et de déménagement. « Les résidents de la municipalité voulaient aider, c’était leur façon de vivre leur deuil. Ils se sentaient bien de se sentir utiles. On ne pouvait rien faire d’autre, le village était sans vie. On se bousculait à la porte pour faire du ménage, classer la marchandise et transporter des boîtes. Une grande solidarité s’est installée dans le village », note la pharmacienne.Personne ne savait combien de temps la pharmacie demeurerait dans ce local temporaire. « La ville était figée, comme si le temps s’était arrêté. Nous ne pouvions pas prendre de décisions trop vite, il fallait laisser la poussière retomber. Nous étions des pharmaciens, mais rapidement il a fallu devenir des gens d’affaires. »Plusieurs options s’offraient aux deux pharmaciens : rouvrir la pharmacie dans un nouveau local et repartir à neuf, attendre de voir si la résidence allait être reconstruite ou fermer définitivement la succursale de L’Isle-Verte. Marie-Hélène Miousse et Philippe Lépicier ont choisi la première option et s’avouent aujourd’hui très heureux d’avoir pris cette décision. L'équipe de Marie-Hélène Miousse et de Philippe Lépicier, lors de l'inauguration de la nouvelle pharmacie, en juillet 2015. Les deux pharmaciens sont au centre de la photo.Il aura fallu un an et demi à la pharmacie pour se reconstruire entièrement. À l’été 2015, la nouvelle pharmacie de L’Isle-Verte a vu le jour dans son nouveau local permanent.Le mouvement de solidarité né à la suite de l’événement s’est aussi manifesté par une hausse de la clientèle de la pharmacie de L’Isle-Verte, cinq ans plus tard. La propriétaire explique que, depuis la tragédie, de nombreux habitants ont fait transférer leur dossier à leur succursale. Les habitants ont exprimé vouloir encourager les commerces locaux et être desservis par les services de leur municipalité.« Ces propriétaires sont très impliqués dans leur communauté. Ils sont présents dans leurs pharmacies et la clientèle s’est rapidement identifiée à eux », juge Dominique Bouré.Avec cinq ans de recul, Marie-Hélène Miousse retient de cette tragédie l’entraide et le soutien de la communauté et de ses employés. Selon elle, s’entourer d’une bonne équipe de travail est essentiel pour surmonter de tels événements. « On ne pourra jamais effacer les 32 décès qui ont eu lieu. La cicatrice va rester. Par contre, on peut maintenant garder la tête haute et avancer. Nous avons tous grandi grâce à ça. »

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