L’intégration des nouveaux professionnels dans les GMF soulève des inquiétudes chez les médecins

L’intégration dans les groupes de médecine de famille (GMF) de professionnels pharmaciens, nutritionnistes, psychologues, travailleurs sociaux, kinésiologues, physiothérapeutes et infirmières cliniciennes suscite de l’inquiétude chez plusieurs médecins. Les défis s’annoncent nombreux pour arrimer ces ressources nouvelles aux équipes médicales et certains GMF craignent de devenir des CLSC.Le mouvement est en marche. Les GMF devront rapidement ouvrir leurs portes aux arrivants et s’ajuster dans des délais serrés. Lors de la première évaluation des GMF sous le nouveau cadre, soit un an après leur accréditation, ils devront démontrer qu'ils ont intégré les ressources prévues et nécessaires et que le transfert est complété.Ceux et celles qui ont vécu l’arrivée des infirmières en cabinet après la création des GMF, au début des années 2000, se rappellent encore de cette période épique. Il avait fallu déterminer leurs tâches, les former, les encadrer, leur confier des responsabilités cliniques, apprendre aux médecins et aux infirmières à travailler en complémentarité et en interdisciplinarité et, réalité nouvelle dans les cliniques médicales privées, composer avec leurs conventions collectives du réseau public. Ce processus avait exigé du temps, de l’énergie, de la patience et une bonne capacité d’adaptation des deux parties.La plupart de ces difficultés ont été aplanies au fil du temps, et aujourd’hui plus aucun médecin de cabinet ne se priverait de la présence et de l’apport des infirmières.Mêmes préoccupations en 2016Aujourd’hui, les préoccupations que l’on entend sur le terrain à l’aube de cette deuxième vague sont souvent les mêmes qu’il y a 15 ans : l’espace physique pour accueillir les nouveaux professionnels, le temps requis pour leur adaptation à la formule et au mode de fonctionnement des GMF, la délégation et le partage des rôles et des tâches, le rapport entre le médecin et ces professionnels pour le suivi des patients, les horaires de travail, la gestion de ces ressources, etc. Sauf qu’on ne parle pas d’un seul groupe comme on le faisait à l’époque pour les infirmières, mais de plusieurs.Des comités d’intégration sont en place dans les régions pour faciliter ce passage progressif et assurer l’harmonisation, mais l’existence de ces tables auxquelles siègent des médecins ne suffit pas à calmer les appréhensions. Certains médecins qui ont pris part au dernier colloque de la FMOQ tenu à Québec au début juin en ont fait part publiquement lors d’un atelier portant sur l’arrivée de ces nouveaux professionnels.Lieux et locauxD’abord, il y a la question des lieux et des locaux. Dans certaines cliniques, des bureaux étaient vacants, mais ils ont été comblés par l’arrivée de médecins qui exerçaient à l’hôpital et viennent ou reviennent faire de la pratique en cabinet pour se conformer aux exigences du ministre de la Santé en matière de prise en charge. À d’autres endroits, presque tous les espaces sont déjà occupés et on se demande où et comment on pourra loger deux ou trois nouveaux professionnels supplémentaires. C’est une question très terre-à-terre, mais un casse-tête très préoccupant pour ceux qui doivent composer avec cette situation alors que le temps est compté.La chose s’avère plus simple pour les pharmaciens avec lesquels des ententes ont été conclues car le cadre d’intégration indique qu’ils ne sont pas tenus d’être localisés sur place dans le GMF.Code de déontologie et convention collectiveCertains médecins inquiets soulèvent aussi que ces arrivants sont soumis au code de déontologie de leur propre ordre professionnel. Est-ce que ce mariage au sein des GMF de professionnels qui ont leurs propres exigences et restrictions réglementaires, au même titre que les médecins ont les leurs, se fera en douce ou si au contraire il pourrait créer des frictions dans certaines situations ?Les opposants à ce transfert craignent pour leur part que ces divers professionnels perdent une partie de leur autonomie et de leur indépendance professionnelle et qu’ils soient « au service » des médecins.Il y a aussi tout l’aspect des horaires de travail et des conventions collectives qui en préoccupent quelques-uns. Il a fallu composer avec les contrats de travail des infirmières, il faudra ajouter ceux de tous les nouveaux venus, ce qui veut dire, selon les cliniques, deux, trois, quatre conventions collectives additionnelles selon le nombre de nouveaux professionnels intégrés en GMF.La question des horaires de travail en tracasse aussi certains. « Ces professionnels travaillent de 8 h à 16 h, dit un médecin. Mais nous, les docteurs, nous pratiquons souvent en soirée et les fins de semaine. »L’arrivée de nutritionnistes, de psychologues, de travailleurs sociaux et autres professionnels laisse aussi craindre à certains que les GMF se transforment eux-mêmes en nouveaux CLSC, mais sans avoir toutes les ressources pour gérer cette machine.Pétition contre le transfertLes inquiétudes soulevées par le déplacement de professionnels vers les GMF ne sont pas en sens unique. Le 1er juin dernier, une pétition pour s’opposer à cette mesure comportant 8 570 noms a été déposée à l’Assemblée nationale. On y allègue notamment que cette décision comporte des risques à long terme pour la survie des CLSC et que les services sociaux se donneront désormais selon une approche orientée vers les besoins du médecin. Les signataires redoutent aussi que les professionnels transférés dans un GMF et qui seront sous la responsabilité clinique des médecins voient leur autonomie affectée.La CSN, à l’origine de cette pétition, s’inquiète aussi du fait que ce n’est pas toute la population qui a accès à un GMF pour recevoir les services de ces professionnels.

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