Les signes vitaux sont-ils toujours aussi vitaux?

En tant que médecin-chef dans une clinique de soins semi-urgents en région, on me demande parfois d'examiner des cas de «quasi-accidents». Le point commun? Un manque d'attention à un élément crucial des signes vitaux relevés. Dans notre clinique, chaque patient bénéficie d'un bilan complet de ses signes vitaux, quelle que soit sa situation. Le problème? Ces chiffres ne sont souvent que cela: des chiffres. S'ils ne sont pas notifiés ou rapportés verbalement, ils peuvent facilement passer inaperçus. Les signes vitaux sont-ils toujours vitaux? Oui, absolument! Et non, leurs jours ne sont pas comptés.Dans le cadre traditionnel des urgences, l'un des membres les plus expérimentés de l'équipe est souvent l'infirmière au triage, généralement une praticienne chevronnée avec des années d'expertise. Lorsque ce «sergent instructeur» aboie ses ordres, tout le monde le sait: le personnel et les médecins se mettent immédiatement au travail. Cette réaction rapide est souvent motivée par les signes vitaux, l'apparence du patient ou simplement l'intuition que les choses pourraient rapidement dégénérer. Ce type de jugement s'appuie sur des années d'expérience auprès de patients gravement malades et s'affine grâce au nombre de cas traités, ainsi qu’aux résultats obtenus en temps réel.Transposons maintenant ce scénario dans une clinique communautaire. La plupart des patients qui s'y rendent sont malades, mais pas dans un état critique. Pour une infirmière auxiliaire nouvellement formée, il faudra peut-être des années d'expérience pour acquérir la capacité de différencier un patient qui a besoin d'une attention immédiate d'un autre qui peut être vu le lendemain. Ce n'est pas une critique à l'égard de qui que ce soit, c'est simplement la réalité de la courbe d'apprentissage en fonction du lieu où l'on exerce. Une clinique qui reçoit uniquement des patients gériatriques pourrait avoir du mal à prendre en charge un enfant malade, tout comme une clinique pédiatrique serait dépassée par un octogénaire. Mais qu'en est-il des cliniques communautaires qui traitent un large éventail de cas? Dans ce contexte, les signes vitaux devraient aider à orienter le triage, mais le recours croissant à la technologie fait que les «signes vitaux» sont considérés comme de simples «chiffres» à documenter. Examinons quelques exemples de cas pour illustrer mon propos.Tension artérielle - En hausseLes mesures élevées sont souvent écartées avec des excuses telles que: «Il y avait beaucoup de circulation» ou «Je n'ai pas trouvé de place de stationnement». Il s'agit peut-être du syndrome de la blouse blanche. Si le chiffre est trop bas, nous pouvons blâmer un appareil défectueux. Mais que se passe-t-il réellement? Ignorons-nous les tendances de la tension artérielle qui pourraient être essentielles pour reconnaître les crises imminentes? Se contenter d'écarter une mesure élevée en la mettant sur le compte du stress ou d'un appareil imprécis, c'est passer à côté d'une occasion d'améliorer les soins prodigués aux patients.Pouls - Test 1, 2, 3Le plus souvent, le pouls est pris à l'aide d'un tensiomètre numérique, devenant ainsi un simple chiffre de plus au tableau. Si quelque chose «cloche», on accuse généralement l'appareil. Mais le jugement clinique doit toujours entrer en jeu. Le pouls enregistré correspond-il au pouls réel du patient? Il faut le sentir soi-même, et ne pas se fier uniquement à l'affichage numérique. Le rythme est-il compatible avec une fibrillation auriculaire? Des extrasystoles? La pression différentielle correspond-elle à la pression artérielle? Ce sont là des questions qui requièrent des compétences; compétences qui, heureusement, peuvent s'acquérir.Fréquence respiratoire - Pas difficileC'est un signe vital pour lequel nous ne pouvons pas nous fier à la technologie. Il faut en fait observer et écouter le patient. Il n'est pas surprenant que la fréquence respiratoire soit l'un des signes vitaux auxquels le personnel accorde le plus d'attention, car elle implique d'observer directement le patient et d'évaluer son «travail respiratoire», un concept clé pour identifier une détresse respiratoire.Température - Ça chauffe?Je ne sais pas si je suis le seul dans ce cas, mais j'ai du mal à faire confiance à un gadget qui me donne quatre mesures de température légèrement différentes à la suite. Ou pire encore, trois appareils différents donnant trois chiffres différents. Bien sûr, il est pratique de «pointer et déclencher» pour obtenir une mesure rapide, mais est-ce cohérent avec l'état clinique du patient? Un enfant qui a 38-39°C de fièvre depuis un jour ne devrait pas afficher 36,9°C sur un thermomètre, surtout s'il est chaud au toucher. La méthode traditionnelle qui consiste à vérifier le front d'un patient avec le dos de la main peut sembler archaïque, mais dans certains cas, elle constitue une solution de secours fiable lorsque les mesures des appareils semblent erronées.Saturation en oxygène - La sécurité avant toutLe fameux test de saturation en oxygène au doigt - parfois difficile à réaliser. Des doigts trop froids, arthritiques ou trop petits peuvent fausser les mesures (bonjour les accessoires néonatals coûteux). Mais voici l'élément crucial: tout résultat inférieur à 90% est anormal, et plus il est inférieur à 90%, plus le patient a besoin d'une attention rapide. Il s'agit d'un signe vital pour lequel les faux négatifs sont rares. Si le moniteur ne parvient pas à obtenir une mesure, il n'affiche tout simplement pas de chiffre, ce qui oblige le praticien à évaluer si le patient souffre d'une détresse respiratoire ou d'une hypoxie. Une bonne chose! Tout rassembler - Oh hisse!Les signes vitaux sont-ils toujours vitaux? Le bon sens répondrait oui. Mais il est clair que nous avons perdu un peu de ce bon sens, ainsi que certaines compétences cliniques et pratiques, en cours de route. Les meilleures machines et gadgets ne pourront pas nous les rendre. C'est à nous de nous rappeler que si la technologie est utile, elle ne peut remplacer le jugement clinique qui découle de l'observation, de l'expérience et de l'évaluation pratique. Je me sens tellement vieux jeu. Le Dr Ted Jablonski est un artiste et écrivain. Médecin de famille retraité, il se consacre désormais à la médecine sexuelle et à la santé des personnes transgenres dans le sud de l'Alberta, tout en restant fermement ancré dans le domaine des soins primaires aigus.

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