Les «propositions» du syndic Louis Langevin - Pour éviter la faillite

1re faillite6 ansdurée du «purgatoire» après la libération de dettes.2e faillite14 ansdurée du «purgatoire» après la libération de dettes.Seuls8médecins ont demandé à la RAMQ une retenue à la source de leurs impôts, en 2010.Ses clients médecins sont des hommes et des femmes de 30 à 77 ans. Il en voit en moyenne cinq par année, adressés par le PAMQ, un comptable ou un avocat. Certains se retrouvent « classés » dans les 35 000 faillites enregistrées chaque année au Québec (30 000 de personnes, 5000 d’entreprises).Le médecin est un client particulier, explique à L’actualité médicale Louis Langevin, syndic de faillite à Saint-Hyacinthe. Contrairement à bien d’autres en effet, il a un travail quasi garanti, sans chômage, dispose d’un bon revenu, modulable jusque dans certaines limites; son employeur, l’État, n’a pas de fausses créances. Même si le médecin tourne en moyenne à un taux d’imposition de 47 %, il lui en reste encore pas mal dans les poches.Mais tout peut arriver et Louis Langevin a déjà reçu un couple de médecins qui gagnaient à eux deux… 6000 $ nets par semaine et qui n’y arrivaient pas. Ils venaient le consulter pour éviter la faillite.Quatre types de médecinsEn fait, quatre types de médecins aboutissent dans son bureau :1- Le médecin qui, ayant subi une malchance ponctuelle (accident, maladie sans assurance), est pris à la gorge financièrement.2- Le médecin qui a été la proie d’abris fiscaux, surtout dans les années 1990. Il a acheté par exemple des actions d’une compagnie de recherche médicale, qu’il a déduites de ses impôts. Rien d’illégal, mais il est arrivé que ladite compagnie fasse faillite et que le gouvernement annule l’abri fiscal; le médecin se retrouve alors mal pris, avec l’obligation de rembourser l’avantage reçu, pénalité et intérêts en sus. 3- Le médecin qui gère mal ses finances. Ayant pris un mauvais départ, il accumule du retard avec le fisc. « Là, ça va vite, avec les intérêts qui ne sont pas déductibles d’impôts. » Le retard d’impôt, c’est très long à rattraper. Si le médecin ne paie pas, l’État peut saisir sa part à la source, soit à la RAMQ pour une majorité de médecins (une saisie pour un travailleur autonome peut aller jusqu’à 50 % du revenu, contre 30 % pour un salarié). 4- Le médecin, ou résident, qui a contracté un « prêt médecin » auprès d’une banque. Il oscille en moyenne autour de 160 à 200 000 $. Il convient d’y ajouter les 40 000 $, toujours en moyenne, de prêts étudiants à rembourser.Le cas le plus triste, selon le syndic Langevin, c’est celui du résident qui n’a pas réussi ses examens, et qui doit réorienter sa carrière ou carrément quitter la médecine. Mais sa dette le suit et le poursuit. Il évoque aussi la situation de cette résidente en dépression qui comprend que jamais, elle ne pourra composer avec la pression inhérente à la profession. Elle choisit alors de se réorienter avec, sur le dos, un gros prêt à rembourser.Redressement financierC’est avec en mains la Loi sur la faillite et l’insolvabilité* que le syndic Louis Langevin reçoit ses clients.L’outil qu’il utilise régulièrement, c’est la « proposition ». Il s’agit d’un mécanisme, d’un arrangement par lequel la personne, tout en conservant ses biens, prend entente avec les créanciers.Ceux qui sont au bord du gouffre financier ne sont pas tous de mauvais gestionnaires menant un train de vie princier, précise M. Langevin. Certains gèrent bien leurs affaires, mais pour diverses raisons, ils se voient, par exemple, contraints de ne plus pouvoir travailler que trois jours au lieu de cinq. Les revenus ne peuvent plus payer les obligations.« On peut éviter une faillite si le médecin réagit à temps avec un budget serré », selon M. Langevin. D’abord, on voit s’il peut s’en sortir avant d’aller vers la proposition ou la faillite, par exemple en vendant un bien. Ou encore, le médecin peut se repositionner en optant pour une maison de 300 000 $ au lieu d’un million, par exemple. Et si ça ne marche pas, Louis Langevin leur fait une proposition, qui ne se transige que sur une base volontaire.* Elle date de 1949, avec divers amendements; la notion d’infaillibilité a été introduite en 1992, avec la notion de proposition.Lire la suite du dossier «Les docteurs et l’argent»Les constats d’un syndicQuel est le comportement des médecins à l’égard de leurs problèmes financiers ? Nous avons demandé au syndic Louis Langevin de résumer les principaux constats qu’il a établis avec sa clientèle médicale :La maladie ou le cercle vicieux des dettes sont les principaux déclencheurs des problèmes financiers;Beaucoup de médecins versent dans la surprotection (ils achètent trop d’assurance vie), mais sont sous-assurés en ce qui concerne l’assurance revenus;Les symptômes, ou signes avant-coureurs, sont communs à bien des médecins. Ils ont monté au max leur marge de crédit ou « sauté » des paiements de leur carte de crédit ou un acompte provisionnel de l’impôt;Aux problèmes financiers se greffent parfois des problèmes associés, comme le jeu compulsif, les troubles matrimoniaux, la dépendance aux substances.La faillite et ses conséquencesFaire faillite est un acte discret désormais, car depuis 1992, une faillite (du moins une première et une deuxième faillite) ne constitue plus un dossier public susceptible d’être consulté en cour. Mais pour la troisième et les suivantes, ça se passe devant le tribunal, c’est donc public. Louis Langevin a eu des clients qui ont connu… quatre faillites.

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