Les greffes d'utérus ont permis à 14 femmes d'accoucher avec succès, mais le processus est compliqué

Au Texas, plus d'une douzaine de naissances vivantes ont eu lieu chez des personnes souffrant d'infertilité due à un facteur utérin, et ayant bénéficié d'une transplantation d'utérus. Mais la procédure comporte encore de nombreux risques et des questions sans réponse, tant pour les receveuses que pour les donneuses.Dans une série de cas publiée dans le JAMA, des chercheurs ont rapporté les résultats de 20 femmes ayant reçu une greffe d'utérus. Parmi les receveuses, 14 (70%) ont eu une transplantation d'utérus réussie et ont donné naissance à un enfant.«C'est la première fois que nous pouvons offrir à des femmes souffrant d'une infertilité jusqu'alors impossible à traiter la possibilité de tomber enceinte et de donner naissance à leur propre enfant. Il s'agit d'une avancée majeure. Il est également passionnant de constater que les enfants nés sont en parfaite santé et se développent normalement», affirme la Dre Liza Johannesson, coauteure de l'étude et professeure associée au Baylor University Medical Center de Dallas, au Texas.L'infertilité utérine absolue touche environ une femme sur 500, laissant traditionnellement les femmes qui souhaitent fonder une famille soit adopter, soit, lorsque c'est légal et possible, opter pour des grossesses de substitution. L'infertilité utérine absolue peut être acquise ou congénitale en raison d'un dysfonctionnement ou d'une absence d'utérus, précise le document.La première greffe d'utérus réussie a eu lieu en 2011 et, depuis lors, un peu plus de 100 procédures ont été menées dans le monde, donnant lieu à environ 70 naissances vivantes. Au total, 48 transplantations ont eu lieu aux États-Unis depuis mai 2024. Les utérus donnés peuvent provenir de donneuses vivantes ou décédées.L'étude DUETS (Dallas Uterus Transplant Study) a commencé le recrutement en 2016. Les transplantations ont eu lieu entre septembre 2016 et août 2019. La sélection des donneuses et des receveuses a été calquée sur les processus existants pour les greffes de rein et de foie.À lire aussi: Comment la grossesse et la maternité modifient le cerveau des femmes«Lorsque l'essai a été lancé, il n'existait pas de directives ou de réglementations spécifiques relatives à la transplantation d'utérus. Tous les aspects du processus d'évaluation, de la prise en charge périopératoire, du suivi et de l'enregistrement des données de l'essai ont été directement dérivés du cadre existant utilisé dans le programme de transplantation d'organes solides de l'institution», indique l'article.Les donneurs et les receveurs ont été soumis à un processus d'approbation par l'intermédiaire d'un comité multidisciplinaire comprenant des médecins transplanteurs, des obstétriciens et des gynécologues, des psychologues, des défenseurs des donneurs et des infirmières coordinatrices de transplantation. Au total, 701 femmes se sont portées candidates à l'étude, mais après exclusion, seules 20 d'entre elles ont été recrutées.Les receveuses de l'étude étaient âgées de 20 à 36 ans, avec un âge médian de 30 ans, présentaient une infertilité utérine absolue, avaient au moins un ovaire fonctionnel et devaient être disposées à subir une fécondation in vitro (FIV). Elles ont également été soumises à un protocole d'immunosuppression en cas de transplantation.La Dre Johannesson a noté qu'il n'y avait «aucune inquiétude concernant les grossesses. Les femmes ayant subi une greffe de rein ou de foie accouchent sous immunosuppression depuis plus de 50 ans et nous savons donc parfaitement quels médicaments sont sans danger pendant la grossesse.»Au total, 18 des femmes souffraient d'une absence congénitale d'utérus sans reconstruction chirurgicale du vagin et deux d'entre elles avaient subi une hystérectomie pour une maladie bénigne dans le passé. Les donneuses étaient âgées de 25 à 56 ans, avec un âge médian de 37 ans, et avaient des antécédents d'au moins une naissance vivante à terme. Au total, 17 utérus provenaient de donneuses vivantes et deux de donneuses décédées.Il n'y a eu «aucune compensation monétaire pour la donneuse. Le don est altruiste», souligne la Dre Johannesson.Tous les embryons ont été créés avec les ovocytes des receveuses en utilisant la technologie de la FIV et les visites prénatales ont eu lieu toutes les deux ou trois semaines à partir de la 20e semaine de gestation, rapporte l'étude. Les bébés ont été mis au monde par césarienne, prévue à partir de 37 semaines de gestation.À lire aussi: Accouchement après une césarienne: une nouvelle intervention pour réduire les risquesLe résultat principal de l'étude était l'efficacité de la procédure conduisant à au moins une naissance vivante. Les résultats secondaires étaient la sécurité pour toutes les participantes, y compris les receveuses, les donneuses vivantes et les bébés.Parmi les receveuses, six ont subi une perte de greffe, dont cinq provenaient de donneuses vivantes. Les chercheurs ont indiqué qu'aucune des 14 participantes restantes ayant bénéficié d'une greffe d'utérus réussie n'a eu de complications graves, bien que certaines aient connu des épisodes de rejet qui ont été traités et résolus.L'étude note que 16 des 24 grossesses cliniques ont abouti à des naissances vivantes. Il y a eu des pertes de grossesse précoces chez quatre receveuses, dont deux ont eu deux pertes.«L'hypertension gestationnelle a été la complication maternelle la plus fréquente (14,3%), et le travail prématuré et l'insuffisance cervicale étaient les complications obstétricales les plus fréquentes (14,3% chacune)», détermine l'article. Parmi les bébés nés, sept étaient de sexe masculin et neuf de sexe féminin. Ils étaient généralement en bonne santé et ne présentaient pas de malformations congénitales.Les utérus transplantés ont été retirés après la naissance, en moyenne 22 mois après la transplantation.«L'utérus est retiré à la fin de l'accouchement, généralement après un ou deux accouchements. Cela permet à la receveuse d'arrêter de prendre les médicaments immunosuppresseurs», explique la Dre Johannesson.Elle a également indiqué que les donneuses avaient retrouvé leur état normal après le don et qu'aucun effet indésirable à long terme n'avait été observé.À lire aussi: Projet pilote pour la santé des femmes après l'accouchement«La transplantation d'utérus était techniquement réalisable et associée à un taux élevé de naissances vivantes après une survie réussie du greffon. Les effets indésirables étaient fréquents, les risques médicaux et chirurgicaux affectant aussi bien les receveuses que les donneuses», concluent les auteurs.Cependant, un éditorial du JAMA a déclaré que l'étude «ressemblait à de la science-fiction», tout en la décrivant comme «une étude fondamentale qui représente un grand pas en avant pour les patientes souffrant d'infertilité due à un facteur utérin [...]. La reconnaissance de cette avancée technique et médicale interdisciplinaire est certainement méritée». En même temps, la complexité de l'ensemble du processus soulève diverses questions sur «la manière dont nous devrions définir la valeur et le risque acceptable dans le contexte d'une transplantation d'organe génératrice de vie plutôt que salvatrice».Le rapport note que la procédure fait l'objet d'un scepticisme similaire à celui observé dans les années 1970 lorsque la FIV a été tentée pour la première fois. Par exemple, à l'époque, le magazine britannique Nova a décrit la FIV comme «la plus grande menace pour l'humanité depuis la bombe atomique».L'éditorial indiquait également que «les préoccupations relatives au coût excessif, à la moralité et à la nécessité médicale qui ont été soulevées contre la FIV sont des critiques courantes répétées contre la transplantation d'utérus». Et en raison du coût élevé et de la complexité des greffes d'utérus, la procédure serait probablement confrontée à des problèmes d'accessibilité.Mais au-delà des succès de l'étude, des taux importants de morbidité ont été relevés à la fois chez les donneuses et chez les receveuses. Au total, 22% des donneuses vivantes ont connu des complications postopératoires qui ont nécessité une intervention chirurgicale, et 55% des receveuses ont connu au moins une complication.

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