Les DMÉ peuvent-ils pronostiquer le risque de burnout des médecins?

Les dossiers médicaux électroniques (DMÉ) sont devenus un outil de travail incontournable pour les médecins, en particulier les médecins de famille. À tel point qu’ils passent plus de temps à interagir avec leur DMÉ qu’avec leurs patients, parfois jusqu’à deux fois plus de temps, ont montré plusieurs études. D’autres enquêtes, menées aux États-Unis, ont également révélé que les cliniciens qui utilisent énormément leur logiciel médical sont plus susceptibles de souffrir d’épuisement professionnel, et que 75% d’entre eux pensent que leur DMÉ contribue à leur burnout.Une étude publiée en 2020 dans la revue Annals of Internal Medicine a montré que les médecins américains passaient en moyenne 16 minutes sur leur DMÉ pour chaque patient qu’ils voyaient, soit une minute de plus que la consultation elle-même. Un tiers de ces 16 minutes passées devant l’écran était consacré à l’examen du dossier du patient, un quart à se documenter et à prendre des notes, et 17% à envoyer des prescriptions, comme des tests de laboratoire.Partant de ces constats, des chercheurs de la Mayo Clinic ont tenté de développer un modèle prédictif, capable d’évaluer le risque d’épuisement professionnel des médecins de première ligne, en se basant sur les données d’utilisation de leurs DMÉ. Leur prémisse était que ces informations, plus ou moins granulaires, «reflètent l’environnement de travail et la pratique de chaque médecin», écrivent-ils dans leur étude publiée dans Mayo Clinic Proceedings, la revue scientifique du célèbre centre hospitalier universitaire basé à Rochester, dans le Minnesota.Pour ce faire, ils ont recruté une cohorte de 233 médecins, exerçant dans 60 cliniques de première ligne. À intervalles réguliers, sur une période de deux ans, ils devaient répondre à un questionnaire de satisfaction au travail permettant d’évaluer leur niveau d’épuisement professionnel. Les médecins recrutés étaient à 67% des femmes, dont l’âge médian était de 45 à 49 ans. Le score global d’épuisement professionnel se situait dans la fourchette haute pour 111 des 396 questionnaires (28%) renvoyés par les participants.Dans les trois mois précédant chaque questionnaire, les chercheurs ont collecté quelque 410 données différentes extraites du logiciel médical des participants: temps consacré aux DMÉ par journée, temps passé sur chaque dossier patient en fonction de sa condition, nombre de notes de suivi produites par le médecin et par les autres professionnels de la santé, nombre de requêtes émises, de résultats reçus, de messages envoyés, etc. Ils ont aussi analysé par le menu les notes rédigées par le clinicien, leur longueur, leur niveau de détail, leur subjectivité ou encore les erreurs typographiques qu’elles contenaient. En parallèle, ils ont également collecté des données des systèmes de gestion des cliniques où les participants pratiquaient.Les chercheurs ont ensuite colligé le tout dans un algorithme prédictif qui, à l’aide de tous ces paramètres, calculait un score de risque de burnout pour chacun des médecins. Malgré leurs efforts, ils ne sont toutefois pas parvenus à leurs fins. «Notre modèle a montré une capacité limitée à prédire l’épuisement professionnel individuel et une capacité modérée à identifier les cliniques à haut risque», concluent les auteurs. Ils signalent néanmoins avoir pu identifier plusieurs prédicteurs importants de l’épuisement professionnel chez les cliniciens.Lire aussi: Les astuces de vos pairs pour sauver du tempsPrédicateurs du burnoutAinsi, «l’âge du médecin était l’une des caractéristiques les plus prédictives», notent-ils. Plus précisément, ceux en milieu de carrière présentaient le risque le plus élevé, car corrélé à des éléments tels que les responsabilités administratives ou académiques, les besoins de la famille et de la garde d’enfants ou les charges financières.Si le sexe du médecin est généralement admis dans la littérature comme un facteur de risque, les cliniciennes étant plus sujettes au burnout, les chercheurs de la Mayo Clinic n’ont pas pu établir ce lien. Ils n’ont pas constaté non plus que l’utilisation du DMÉ constituait un fardeau plus lourd pour les femmes que pour les hommes.En revanche, ils se sont rendu compte que plus les membres de l’équipe de soins produisaient des notes de suivi et d’évolution, plus le médecin était à risque d’épuisement. Les auteurs considèrent que ce résultat mérite d’être approfondi, mais selon eux, il «suggère au moins qu’il faut être prudent lors de la transition vers un modèle de soins interdisciplinaires afin de discerner les tâches partagées qui réduisent la charge de travail et celles qui peuvent l’exacerber».Les chercheurs ont par ailleurs confirmé les résultats d’études antérieures ayant montré que la charge de travail liée au DMÉ est une source de frustration pour la majorité des médecins, qui sont notamment agacés par les trop nombreuses communications asynchrones à gérer du matin au soir et du lundi au dimanche.

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