Place aux questions : Les CO combinés chez les patientes migraineuses : contre-indiqués ?

Au moins 20 % des femmes en âge de procréer sont affectées par les migraines1. Cela implique que des millions de femmes migraineuses prennent ou planifient de prendre des contraceptifs oraux (CO) combinés, bien que ceux-ci soient souvent considérés comme un facteur aggravant de migraine préexistante ou responsables de l’apparition de nouvelles migraines. De plus, les céphalées sont l’effet indésirable le plus rapporté chez les utilisatrices de CO et sont aussi la raison le plus fréquemment évoquée pour éviter leur utilisation5. On estime aussi que les femmes en âge de procréer qui présentent des épisodes de migraine seraient plus à risque d’accident vasculaire que celles qui n’en font pas2,5-7.Il existe deux types de migraine, soit avec ou sans aura. Selon les critères de classification de l’International Headache Society, une migraine sans aura est une céphalée modérée à grave durant plus de quatre heures et moins de trois jours, unilatérale et pulsatile, associée à des nausées et/ou photophobie. Celle-ci se voit aggravée par plusieurs activités de la vie quotidienne (le soleil, la marche, des odeurs fortes). Une migraine avec aura s’accompagne de symptômes visuels réversibles (scintillements, taches ou pertes de vision) ou sensitifs (sensation de piqûres d’aiguilles, dysphagie) qui précèdent la migraine de 10 à 60 minutes4,6,8.Bien que le mécanisme par lequel les CO combinés augmentent le risque d’accident vasculaire cérébral soit encore méconnu, on sait que les CO causent des changements dans la coagulation et auprès de plusieurs paramètres métaboliques liés à une augmentation du risque d’ischémie4. Les facteurs procoagulants et les concentrations de fibrinogènes augmenteraient moins de quatre jours après le début de la prise des CO. Le dosage et le type de progestérone dans les anovulants ne semblent pas influencer les migraines ni le risque d’accident vasculaire5-7.Le risque de thrombose chez les femmes en général serait de 6 cas par 100 000 par an, alors qu’il augmente à 19 cas par 100 000 par an chez celles qui font des migraines2. Le risque serait plus grand chez les patientes présentant des migraines avec aura par rapport à celles présentant des migraines simples (environ deux fois plus)2,3. La dernière classification des migraines de l’International Headache Society a clairement identifié une hormone exogène induisant les migraines pouvant être déclenchées par la prise de tout CO combiné, quelle que soit sa concentration en œstrogène1. Bien que la majorité des études aient utilisé des anovulants contenant 50 µg d’éthinylestradiol, d’autres données scientifiques indiquent que même les anovulants contenant de 20 à 30 µg d’éthinylestradiol auraient un effet sur l’hémostase sanguine et donc sur le risque d’accident ischémique cérébral4.Facteurs à considérerLe nombre d’années depuis l’apparition des migraines et la fréquence de celles-ci semblent avoir une influence sur le risque. Selon McDonaghy et coll., le risque d’accident vasculaire serait plus élevé chez les femmes ayant présenté des migraines durant les quatre dernières années et chez celles présentant des céphalées depuis plus de 12 ans2. Il semble aussi que les migraines peuvent parfois changer de présentation sous l’effet des CO. Bien que nous ne connaissions pas le mécanisme à l’origine de cette transformation, nous savons que le risque d’accident cérébral augmente significativement et devient inacceptable lorsque le type de migraine change de « sans aura » à « avec aura »2. Dans leur étude, Lansson-Cohn et Lundburg ont établi que la plus haute incidence de nouvelles migraines était chez les femmes âgées entre 36 et 40 ans5. De plus, après l’analyse d’une base de données étendue de patientes prenant 30 µg d’éthinylestradiol, Guillebaud a démontré que la fréquence des migraines augmente avec l’âge, pour atteindre son maximum chez les femmes de plus de 35 ans5. Les migraines ne constituent pas une contre-indication en soi à la prise de CO, même si ce sont deux facteurs de risque indépendants d’accident vasculaire1,2. Il faut donc considérer les autres facteurs de risque tels que l’âge, le tabac, l’hypertension artérielle, l’hyperlipidémie, l’obésité et le diabète1,3,4. Par exemple, une femme qui présente des épisodes de migraine, qui fume et qui prend des CO augmente son risque d’accident vasculaire dans un ratio de 345. Pour la majorité des auteurs, la migraine n’est pas considérée comme une contre-indication au recours à des CO en l’absence d’aura ou d’autres facteurs de risque.RecommandationsIl est important de surveiller la fréquence, la durée et la gravité des migraines lors de l’utilisation des CO. Il faut signaler immédiatement l’apparition de migraines avec aura de novo ou de symptômes neurologiques6.L’utilisation des contraceptifs oraux est probablement sécuritaire chez les patientes présentant des migraines sans aura. Par contre, il faut s’assurer qu’il n’y a pas d’autres facteurs de risque significatifs d’accident vasculaire. S’il y a une importante augmentation de l’intensité des migraines, même sans aura, il faudrait considérer l’arrêt des CO4.L’instauration des CO chez une patiente présentant des migraines avec aura repose sur une décision individualisée. L’évaluation de l’équilibre entre les risques et les bénéfices est importante dans tous les cas4. Pour certains auteurs, si l’aura n’est pas fréquent (moins d’un épisode par mois) et court (moins de 30 minutes), simplement avec des symptômes visuels et si la patiente a moins de 30 ans, le risque peut être acceptable en fonction des avantages contraceptifs d’une association œstrogène/progestérone. Mais l’utilisation d’une contraception contenant seulement un progestatif serait un choix plus sécuritaire pour la majorité4,5. En effet, on considère que les conséquences à long terme d’un accident vasculaire, même si le risque est faible, est une raison suffisante pour éviter la prise de CO combinées.Dans le cas d’auras fréquents, prolongés (plus d’une heure) et/ou compliqués (apparition de symptômes neurologiques rares, ophtalmologiques ou négatifs tels dysphagie, hémiparésie ou perte de vision) ou en présence d’autres facteurs de risque, il est préférable d’éviter la prise d’œstrogène, car le risque est considéré inacceptable4,6. La présence de symptômes d’aura peu communs ou de multiples symptômes lors d’une même crise constitue aussi une contre-indication2,4,6.Il faut arrêter la prise de CO s’il y a apparition de migraine avec aura pour la première fois ou une aggravation des symptômes avec la prise de CO. Il est évident que l’arrêt est nécessaire chez les patientes qui voient apparaître des ischémies cérébrales transitoires ou autres maladies vasculaires4.Références* Sandra Bélanger, B. Pharm., Pharmacie Jean-Philippe Fortin1. Allais G, De Lorenzo C, Benedetto C. Oral contraceptives in women with migraine: balancing risks and benefits, Neurol Sci 2004, 25: S211-214.2. Donaghy M, Chang Cl, Poulter N. Duration, frequency, recency, and type of migraine and the risk of ischaemic stroke in women of childbearing age, Short report, J Neurol Neurosurg Psychiatry 2002, 73: 747-750.3. Black A, Francoeur D, Rowe T. Consensus canadien sur la contraception, JOGC, février 2004, 280-286.4. Becker, Werner J. Use of oral contraceptives in patients with migraine, Neurology, Septembre 1999, 53 (4), suppl. 1, s19-s25.5. Loder WE, Buse CD, Golub RJ. Headache as a side effect of combination estrogen-progestin oral contraceptives: A systematic review, American journal of obstetrics and gynecology, 2005, 193: 636-49.6. ACOG Practice Bulletin. Clinical management guidelines for obstetrician and gynecologists, juin 2006, 73: 1453-72.7. Zern ZR. Progress in clinical neuroscience: Migraine-Strokes: A causal relationship but which direction? Can J Neurol Sci 2004, 31: 451-459.8. The International Classification of Headache Disorder, Cephalalgia 2004, vol. 24. suppl. 1.

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