Les cibles visées avec les mesures de pertinence ne seront pas atteintes en 2023, craint la Vérificatrice générale

Mme Guylaine Leclerc, Vérificatrice généraleIl y a un risque important que les objectifs d’économies, que doit identifier l’Institut de la pertinence des actes médicaux (IPAM) en trois ans, ne soient pas atteints dans les délais prévus, dit craindre la Vérificatrice générale (VG) dans le chapitre de son rapport 2021 sur la santé qui porte spécifiquement sur l'Institut.Afin de réduire de 1,6 milliard la masse salariale des médecins spécialistes entre le Ier avril 2018 et le 31 mars 2023, le gouvernement et la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) ont entre autres prévu que des économies totales (récurrentes et non récurrentes) totalisant 450 millions de dollars devaient être réalisées d’ici le 31 mars 2023, grâce aux travaux sur la pertinence des actes médicaux.Or, les vérificateurs ont observé que lors de sa première année d’opérations, l’IPAM n’a réussi à identifier qu’une économie récurrente de 6,1 millions, alors que la cible était de 70 millions. Ce 6,1 millions représente à peine 9% de l’objectif de 240 millions d’économies récurrentes fixé pour 2023.Les choses ne s’annoncent guère mieux dans le futur: les gains attendus en 2022-2023 sont estimés à 58 millions de dollars récurrents, soit 24 % de l’objectif de 240 millions. Les retards constatés dans l’atteinte des cibles accentuent la pression sur les deux prochains exercices. Des économies récurrentes de 182 millions restent encore à identifier pour atteindre l’objectif de 240 millions au 31 mars 2023. Mais au total, c’est plus de 338 millions de dollars d’économies (récurrentes et non récurrentes) qui devront être identifiées au cours des deux prochaines années, rappelle la VG, Guylaine Leclerc. Le déficit de réalisation à combler est donc énorme.À lire aussi: L’IPAM publie désormais ses mesures de pertinence sur son site InternetÉconomies dues à la baisse d’activitésAfin de favoriser l’atteinte de la cible d’économies récurrentes de 2020-2021, l’IPAM a pris en considération des gains non récurrents totalisant 55 millions de dollars qui lui ont été suggérés par le Conseil du trésor et la FMSQ. Elles découlent de sommes budgétées en 2020-2021 pour la rémunération des spécialistes, mais qui n’ont pas été dépensées en raison du contexte dans lequel ils ont exercé leurs activités l’an dernier. La VG cite deux exemples d’économies non récurrentes qui ont été proposées:- Une diminution des activités en raison de la pandémie: 25 millions;- Une réduction temporaire des primes d’assurance responsabilité professionnelle: 16,7 millions.L’IPAM pouvait se réjouir de ces économies inespérées, mais pas la VG. «Ces montants épargnés ne résultent pas de travaux sur la pertinence des actes médicaux et elles s’éloignent du mandat de l’Institut», lui reproche Guylaine Leclerc.Suivi déficient des économies réalisées L’équipe de Guylaine Leclerc a aussi découvert une faille énorme. Un suivi annuel pour confirmer la réalisation des économies est prévu au Protocole pour les exercices budgétaires 2020-2021 à 2022-2023. Toutefois, ce suivi se limite à l’analyse des données liées aux codes de facturation qui ont été modifiés ou supprimés, sans vérifier si les actes médicaux ont pu être facturés à partir de codes d’actes similaires. Or, les vérificateurs ont pris connaissance de communications dans lesquelles des établissements proposaient aux médecins d’utiliser des codes de facturation alternatifs, s’ils jugeaient nécessaires de poser des actes médicaux dont le code a été abrogé.«Il y a donc un risque que les économies annoncées soient surévaluées», s’alarme la VG. Le suivi est d’autant plus important, insiste-t-elle, que dans l’éventualité où les économies réalisées s’avèrent moins élevées qu’estimé, l’IPAM doit apporter les ajustements appropriés, par exemple en récupérant la différence à même les sommes disponibles.D’autres défis pour l’IPAMD’autres défis majeurs attendent l’IPAM. Au 31 mars 2021, il avait prévu la réaffectation de seulement 352,3 millions en investissements, ce qui représente 22% de l’objectif à atteindre au 31 mars 2023. De plus, près de 80% de ce montant provient de dépenses en partie récurrentes ayant été identifiées avant sa mise sur pied.La Vérificatrice générale remarque par ailleurs que la création de l’IPAM n’a pas fait l’objet d’un décret du gouvernement comme prévu dans le Protocole, ce qui pourrait l’empêcher de signer les ententes pour le réinvestissement des économies et donc augmenter les délais de réalisation. Elle remarque enfin que les décisions du Conseil de règlement, qui pourrait être appelé à trancher, sont exécutoires, définitives et lient les parties. «Ce processus, met toutefois en garde la VG, demeure à être testé».

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