Horaires et charge de travail: ce qu'on demande aujourd’hui aux résidents

La disponibilité d’un résident peut-elle être prise en considération dans l’évaluation de ses compétences? Officiellement, non. La question demeure cependant sensible dans plusieurs milieux de stage, où la culture du dépassement – voire de l’épuisement – a longtemps été valorisée comme un gage de professionnalisme. Si cette mentalité tend à évoluer, des tensions subsistent entre les impératifs d’exposition clinique, les besoins du système et les attentes des superviseurs; tensions qui varient selon les spécialités.Historiquement, c’est en chirurgie que la question des horaires et de la charge de travail s’est posée avec le plus d’acuité – et c’est encore le cas aujourd’hui. «Je ne vous cache pas que c’est un enjeu qui est régulièrement discuté. Il y a actuellement un clash entre patrons et résidents», reconnaît le Dr Mony Chhiv qui était jusqu’à ces dernières semaines directeur du programme de résidence en chirurgie générale de l’Université Laval (UL). Le médecin indique qu’il s’attend à ce que les résidents prennent en charge des patients, qu’ils interviennent au bloc et qu’ils réussissent leurs opérations. «Comme directeur de programme, mon souci est avant tout pédagogique, mais il y a une charge de travail associée à cela», explique-t-il en ajoutant dans l’équation le respect de la convention collective en vigueur. Celle-ci prévoit que les résidents peuvent travailler 70 heures par semaine, jusqu'à 19 jours consécutifs. Suivant les milieux de stage au Centre hospitalier universitaire de Québec-UL, la journée au bloc d’un résident en chirurgie générale débute généralement à 8 heures du matin et se finit vers 16h, sans oublier la tournée des patients et les consultations. De plus, «ils font neuf gardes de 24h par mois, dont deux fins de semaine», précise le Dr Chhiv. Selon lui, «l’équilibre est délicat à trouver entre exposition et charge de travail. On peut difficilement se comparer aux autres spécialités. En chirurgie, on travaille beaucoup en heures défavorables, le soir et la nuit, car les pathologies ne peuvent tout simplement pas attendre.»Aux soins intensifs aussi, les journées des résidents peuvent être longues, à l’instar de celles des patrons. «Elles commencent tôt, vers 7 heures du matin, et finissent tard, aux alentours de 18 heures, 18 heures 30», admet le Dr François Marquis en signalant que les aspirants intensivistes ont également des gardes à assurer «pas plus, pas moins que nous». Le chef de l'unité des soins intensifs de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont convient que les stages de résidence sont exigeants. «Ça leur en demande beaucoup en termes d’horaires, mais aussi aux niveaux clinique et personnel, car ils sont souvent confrontés à la mort.»Cela dit, le Dr Marquis mentionne qu’il insiste beaucoup sur l’hygiène de vie auprès des stagiaires. «Une carrière ne se bâtit pas en sprintant tous les jours. C’est un marathon. S’ils veulent trop en faire, on va leur calmer la pédale.» Aux soins intensifs de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, l’heure du lunch serait par exemple «sacrée». «Hormis en cas d’urgence, on laisse les résidents aller manger tranquillement. Souvent, les résidents en chirurgie qu’on accueille n’en reviennent pas», observe avec facétie le clinicien.Lire aussi: Des ateliers au musée pour développer les compétences des futurs médecinsSe confronter à la réalitéChargé d’enseignement et de clinique au département de neurosciences de l’Université de Montréal, le Dr Guillaume Lafortune exerce à l’Hôpital de Granby, où il supervise les stages en milieu communautaire des résidents en neurologie. Il signale que ces derniers ne font pas de gardes la nuit, contrairement à lui qui peut enchaîner plusieurs gardes de 24 heures, en plus de sa pratique quotidienne. Dernièrement, le Dr Lafortune a ainsi accompli 21 jours de travail d’affilée en raison des congés ou absences de ses collègues.«Je ne dis pas que cette culture toxique doit être maintenue. Mais c’est une réalité: on est très, très sollicités», souligne le neurologue. S’agissant des résidents, il considère qu’«il ne s’agit pas d’être exigeant pour être exigeant et de leur presser le citron au maximum. En même temps, on doit les préparer à la réalité et à ce qu’ils vont devoir affronter dans leur pratique.»Directeur du département pédiatrie de l’Université de Sherbrooke, le Dr Jean Sébastien Tremblay-Roy déclare tendre à trouver le bon équilibre au niveau de la charge de travail des résidents. «Ils ont leur part de travail à accomplir et ils sont payés pour ça. Mais on n’est clairement pas la pire spécialité.»Le pédiatre souligne par ailleurs que «pour être empathique et donner le meilleur de soi, il faut être bien dans sa peau. Notre programme de résidence est monté afin de respecter au maximum ce point-là.» En conséquence, «on ne compte pas le nombre de gardes que les résidents font et ceux qui en prennent plus ne sont pas mieux évalués», avertit le Dr Tremblay-Roy tout en prévenant les futurs médecins: «Durant la résidence, l’environnement est intense, mais il est contrôlé. Les horaires sont settés, les attentes sont claires, il y a des barrières. En début de pratique, ces barrières tombent. Les tâches étant infinies, il faut apprendre à les prioriser et à dire non pour garder la maîtrise de son horaire.»

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