Le Conseil de discipline de l'OPQ autorise le retrait d’une plainte vieille de 15 ans

«Une affaire d’exception». C’est ainsi que le Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) qualifie sa récente décision1 d’autoriser le retrait sans déboursés d’une plainte disciplinaire à la demande du syndic.Lors d’une audition tenue le 26 juin dernier, la nouvelle syndic en reprise d’instance a en effet demandé le retrait d’une plainte datant de 2011, au motif que les faits reprochés sont trop anciens pour être prouvés aujourd’hui, et que le pharmacien propriétaire incriminé ne représente plus un risque pour la protection du public. Lors de son audition, la nouvelle syndic a précisé que le présent dossier lui avait été assigné par le syndic en chef de l’Ordre le 2 mai 2025, et qu'elle avait repris l’instance le 28 mai à la place de Lynda Chartrand, partie à la retraite en 2023.Informé de l’intention de la nouvelle syndic de demander le retrait de la plainte, le pharmacien propriétaire s’est engagé à ne pas se réinscrire au tableau de l’Ordre. Retour sur les faitsLa plainte2 en question, déposée le 14 octobre 2011, vise un pharmacien propriétaire aujourd’hui retraité, Guy Beaulieu, inscrit au tableau de l’Ordre depuis 1975, et comporte dix chefs d’accusation. Entre 2009 et 2011, le pharmacien propriétaire était ainsi accusé: d’avoir effectué plusieurs fausses ordonnances (des «plugs» dans le langage alors utilisé par le pharmacien propriétaire dans sa pharmacie);d’avoir illégalement enregistré ces fausses ordonnances au Registre;d’avoir réclamé illégalement des remboursements de «médicaments généralement dispendieux» à la RAMQ relatifs à de fausses ventes, y compris en utilisant le numéro de permis d’un autre pharmacien;d’avoir falsifié les dossiers de ses patients en y inscrivant de fausses ventes de médicaments;d’avoir laissé ses techniciennes poser des actes pharmaceutiques seules et sans supervision alors qu’il était absent de sa pharmacie.De plus, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2002, il est accusé par la syndic d'avoir reçu du fabricant de médicaments génériques Apotex des avantages, des ristournes ou des commissions. Enfin, au mois de mai 2011, alors qu’il était sous le coup d’une précédente radiation temporaire, Guy Beaulieu est aussi accusé d’avoir illégalement exercé la pharmacie. C’est l’une de ses pharmaciennes salariées de l’époque qui alerte alors le Service du syndic de l’Ordre, «extrêmement préoccupée par cette situation». Le pharmacien propriétaire lui aurait alors indiqué que «la suspension de son permis lui avait coûté 15 000$ et qu’il se rembourserait en faisant des “plugs”.»Selon son témoignage de l’époque, Guy Beaulieu «n’est pas apte à pratiquer et constitue un danger public». Elle informe aussi le syndic «que le pharmacien rédigeait souvent de fausses ordonnances et laissait les techniciennes seules à la pharmacie en leur ordonnant de servir les clients en son absence», y compris pour servir des médicaments d’ordonnance comme des stupéfiants.Des dires corroborés par plusieurs médecins et pharmaciens travaillant régulièrement avec Guy Beaulieu, et qui le qualifient même «d’individu dangereux» ayant un comportement compulsif. En effet, au cours de la fin de semaine du 20 au 23 mai 2011, alors qu’il était sous le coup d’une suspension et que la pharmacie était fermée, il a effectué entre 20 et 30 fausses ordonnances poru un montant de 6343,49$, ensuite réclamé à la RAMQ.À lire aussi: Le pharmacien Michael Assaraf débouté par la Cour supérieure du QuébecLe 5 octobre 2011, la clinique médicale voisine appelle à son tour le syndic de l’Ordre pour l’informer que le pharmacien a quitté sa pharmacie mais que des services y sont encore offerts. La syndic Lynda Chartrand, accompagnée de sa syndic adjointe, décide alors de se rendre à la pharmacie. Elle se présente munie d’une ordonnance de MotrinMD 400mg. Malgré le retour du pharmacien propriétaire dans son bureau, la cliente est servie par la technicienne en poste ce jour-là, sans supervision. Celle-ci lui remet le médicament sous un format 50 comprimés. «J’ai payé et reçu ce médicament sans qu’un dossier patient ne soit constitué à mon nom, sans que cette vente n’y soit inscrite, sans qu’aucune étude pharmacologique de mon dossier ne soit effectuée et sans que l’on ne me communique les renseignements relativement à l’usage approprié de ce médicament», indique alors la syndic dans sa plainte.Lynda Chartrand assiste ensuite à une négligence du pharmacien propriétaire dans l’exécution d’une ordonnance destinée à un enfant: au lieu de remettre de l’Amoxil suspension, 500mg per os BID X 7 jours comme prescrit, il remet au père de l’enfant du Novamoxin 250mg/5ml avec une posologie d’une cuillérée à thé 2 fois par jour.Le 24 octobre 2011, le Conseil de discipline ordonne la radiation provisoire immédiate de Guy Beaulieu.Le Conseil ne peut pas être juge et partieMalgré la gravité des faits et la décision de radiation provisoire ordonnée en 2011, le Conseil n’a trouvé «aucune raison valable justifiant de ne pas permettre le retrait de la plainte disciplinaire portée contre l’intimé», indique la décision du 26 juin 2025.Parmi les jugements évoqués pour appuyer cette décision, une précédente décision du Tribunal des professions dans l’affaire Tassé datant de 2001, qui mentionne que «puisqu’un comité de discipline ne peut forcer le syndic à porter une plainte, est-il approprié qu’il puisse, en tout temps et sans motif sérieux, le forcer à continuer les procédures nonobstant son désir d’y mettre fin au motif que la preuve disponible n’est pas probante?» Selon la décision rendue le 26 juin dernier, «refuser à la plaignante la permission de retirer la plainte portée contre l’intimé serait contraire à l’intérêt public et pourrait entraîner un gaspillage injustifié de temps et de ressources.»Références: Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Beaulieu, 2025 QCCDPHA 18 (CanLII), , consulté le 2025-08-22Pharmaciens (Ordre professionnel des) c Beaulieu, 2011 CanLII 77437 (QC CDOPQ), , consulté le 2025-08-22

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