Le Collège réclame la pratique mixte

Le ministre Yves Bolduc peut remercier le Dr Yves Lamontagne. Il vient de remettre à l’ordre du jour le débat sur la pratique médicale mixte. En même temps qu’il a officialisé son départ, annoncé pour octobre prochain, le président du Collège des médecins (CMQ) a affirmé que l’on pourrait probablement mieux répondre aux besoins des patients si l’on autorisait la pratique médicale mixte. La conclusion qu’il tire du colloque annuel de la CMQ est que «la majorité des gens souhaitaient avoir un système mixte, c’est-à-dire que le privé pourrait aider davantage le public en fournissant des services qui font partie de l’assurance maladie mais dans des cliniques privées». Le Dr Lamontagne a cependant parlé de balises à mettre en place pour encadrer le soutien du privé au public.Introspection ou pratique mixte?Ce matin, le CMQ a invité ses membres à s’interroger sur leurs choix professionnels et les conséquences de ceux-ci en organisant son colloque annuel autour d’une question «Les choix des médecins répondent-ils aux besoins des patients?» En choisissant d’offrir leurs services dans le privé ou le public, de se spécialiser plutôt que d’aller en médecine familiale ou encore de se consacrer à des actes non médicalement requis, les médecins et les résidents influent directement sur le système de santé. Le pendant de cette affirmation est bien sûr l’impact des décisions gouvernementales sur les choix des médecins et jusqu’à quel point les deux sont liés. Mais le débat a surtout tourné autour de la pratique mixte, de ses avantages et de ses inconvénients. Tous les intervenants se sont accordés pour dire que le système de santé avait besoin d’une réorganisation. Pour le reste, ce colloque a été l’occasion de multiples annonces, questionnements et interrogations, sur lesquels nous reviendrons dans les prochains jours.Des annonces et des demandesSelon le Dr Bolduc, si le nombre de médecins désengagés devait passer à 3 %, «un certain équilibre risque d’être perdu» et le système public pourrait être mis en danger. «Même si l’imposition n’est pas un bon moyen, les médecins ne peuvent plus faire ce qu’ils veulent aujourd’hui. Des choix collectifs doivent être faits.» Le ministre a annoncé que la gestion des PREM se ferait maintenant sur trois à cinq ans et non plus sur un an. Il a aussi demandé aux médecins de collaborer pour mettre de l’avant l’approche Toyota, participer aux changements qu'entraînera l’arrivée progressive du DSQ ou encore trouver de nouvelles sources de financement.Plusieurs médecins ont ensuite présenté leurs choix professionnels ainsi que leur vision du système de santé. Le Dr Michel Bureau, directeur général de la Direction des services de santé et de la médecine universitaire, a souligné que le Ministère subit «une pression énorme pour augmenter le panier de services». Il a expliqué que certains tandems privé-public fonctionnent bien actuellement, comme les services de radiologie pour lesquels on a mis en place un système parallèle au réseau public. Il a par ailleurs mis l’accent sur la nécessité d’une réorganisation du système qui passe par «une meilleure gouverne médicale» réclamant du même souffle une plus grande implication des médecins. Selon lui, il y a présentement une «incapacité des médecins québécois à avoir une saine hiérarchisation des services», prenant entre autres comme exemple le nombre de laboratoires qui traitent des petits volumes. «On dépense 1,2 milliard $ en services diagnostiques.» Le Dr Bureau estime que même si 15 % des tests sont faits inutilement, on pourrait envisager au moins une réduction de 5 % si le système était mieux organisé.Du vécu et des visions Selon le Dr Alain Vadeboncoeur, médecin urgentologue, représentant de Médecins québécois pour un régime public, plusieurs exemples montrent que certains services pourraient finalement coûter plus cher à administrer dans le privé et que les risques de conflits d’intérêts augmenteraient. Par ailleurs, il y a assez de travail à réorganiser le système actuel pour ne pas compliquer davantage la donne avec l’implantation de la pratique mixte.Le Dr Nicolas Duval, chirurgien orthopédiste, directeur de la clinique médicale privée Duval inc., veut que le privé reste privé. «Les médecins ne se battront plus aussi fort pour leurs patients dans un système mixte», explique-t-il. Il prône cependant le droit de travailler en alternance dans les deux systèmes pour ceux qui le souhaitent. «Certains orthopédistes se retrouvent avec trois mois de vacances, car ils n’ont pas accès à des salles d’opération. Ils peuvent alors sortir du système public pour opérer une partie de ce temps.»La Dre Josée Provencher, chirurgienne générale, directrice médicale de la clinique OPMEDIC, a au contraire vanté les mérites d’une pratique mixte expliquant que la pratique dans le milieu public peut «être plus complexe et intéressante, mais qu’il y a un réel besoin pour certains patients d’avoir accès à des services dans le privé et qu’ils sont prêts à payer».Pour le Dr Gilles Beauregard, chirurgien plasticien, président de l'Association des médecins spécialistes en chirurgie plastique et esthétique du Québec, la définition des actes non médicalement requis ne reflète pas la réalité de sa pratique. Selon lui, «il faudrait mieux parler de services assurés ou non assurés ainsi que de services essentiels ou moins nécessaires». Il a aussi affirmé l’importance d’intégrer les médecins à tous les échelons décisionnels dans le système de santé.Enfin, le Dr Yann Dazé, président de la Fédération des médecins résidents du Québec, a entre autres souligné que les nouvelles générations de médecins sont bilingues ou trilingues et que si on leur impose trop de contraintes, elles risquent de quitter massivement la province. Par ailleurs, il a affirmé que «reconnaître la pratique mixte sous-entend que le système public n’est pas capable de répondre aux besoins des patients». Il a souligné que le patient paie actuellement pour les erreurs passées, ce qui n’est pas normal.À l'occasion du colloque, la Dre Anne Magnan, directrice générale du Programme d'aide aux médecins du Québec a reçu le Prix Mérite du Conseil interprofessionnel du Québec. Le Dr Paul Grand'Maison, vice-doyen aux études médicales prédoctorales à la faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke, a accepté avec plaisir le Prix d'excellence du CMQ. Les deux médecins ont été chaleureusement applaudis par leurs pairs et ont chacun eu le droit à une ovation debout!Ne manquez pas notre dossier sur la couverture du Colloque annuel du Collège des médecins, en ligne dans les prochains jours.

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