Le coagulomètre portatif, la solution pour faire face à la croissance des patients anticoagulés?

En 2013, environ 1% à 2% de la population prend des anticoagulants et on prévoit une croissance de 10% de cette clientèle en raison du vieillissement de la population.Or, les cliniques en milieu hospitalier qui ajustent le Coumadin sont déjà débordées. Comment pourront-elles faire face à l’afflux de milliers de nouveaux patients dans le futur?La solution réside peut-être dans un petit appareil, un coagulomètre portatif, qui permet à des infirmières de réaliser ces tests à domicile en quelques minutes. Le CoaguCheck a été testé dans trois territoires de la région de Québec. Infirmières et patients s’en sont déclarés très satisfaits.Le bilan de l’opération a été présenté mercredi dans la Capitale lors du 7e Forum de l’industrie de la santé par le Dr André Garon du CHU et Mme Josée Grégoire, pharmacienne.Le système actuelLe Coumadin exige un suivi étroit car la marge de manœuvre est mince et nécessite des ajustements fréquents.Deux choix s’offrent aux patients. Première possibilité: se rendre eux-mêmes dans un centre hospitalier, ce qui n’est pas toujours facile quand on réside loin et que l’on est âgé ou peu mobile. En outre, les cliniques de suivi d’anticoagulothérapie débordent.Deuxième option, obtenir un suivi à domicile. Or, actuellement, dans la région de Québec où une étude a été réalisée, ce service est lourd et plutôt lent. Le processus complet de visites d’infirmières, d’analyses des résultats, de recommandations par les pharmaciens ou les médecins et de transmission aux patients exige entre six et sept heures, ce qui entraîne un délai dans l’ajustement des doses, avec tous les risques que cela comporte pour la santé du patient.ÉtudeEn 2010, trois CSSS de la région de Québec ont interpellé l’Unité d’évaluation des technologies et de modes d’intervention en santé (UETMIS) de l’ancien CHUQ afin de les soutenir dans l’évaluation d’une technologie innovante pour réaliser des tests à domicile: le coagulomètre portable.Cet appareil permet aux infirmières d’analyser une goutte de sang au bout du doigt du patient plutôt que de réaliser une ponction veineuse dans le pli du coude. L’instrument détecte la valeur du RIN, l’indice de coagulation du sang.Les CSSS ont demandé à l’UETMIS de procéder à une étude de recherche documentaire à son sujet. L’année suivante, l’organisme a recommandé de poursuivre la démonstration et de réaliser une étude afin de mesurer la valeur ajoutée de l’appareil par les infirmières et les patients à domicile.Certains médecins hématologues avaient des réticences face aux essais qui ont été menés, et ce, même si le coagulomètre est utilisé avec succès au Danemark et en Finlande depuis une quinzaine d’années.Dans le cadre d’une étude croisée, deux modes d’interventions ont été testés: la ponction veineuse traditionnelle, qui requiert de sept à neuf étapes, et le coagulomètre, qui n’en demande que trois et prend à peine deux minutes.Les CoaguCheck utilisés étaient des appareils de dernière génération qui n’avaient encore jamais été utilisés en situation clinique au Canada. C’est donc la région de Québec qui a eu l’occasion d’en mesurer l’efficacité.Les avantagesL’étude a démontré que les deux techniques, coagulomètre et ponction veineuse, sont comparables pour l’atteinte du RIN thérapeutique et identiques en termes de données probantes.Toutefois, l’appareil mobile s’est révélé supérieur à un grand nombre de niveaux, entre autres:- vitesse de deux secondes pour réaliser le test et obtenir le résultat, comparativement à plusieurs heures pour l’autre technique;- obtention d’une réponse instantanée à la suite de la prise de la goutte de sang, ce qui permet l’ajustement immédiat du Coumadin sans attendre;- sécurité accrue pour les patients en raison de la rapidité d’intervention et d’ajustement;- gain de temps énorme pour les infirmières. Une extrapolation a permis de calculer que le coagulomètre permettrait de sauver une centaine d’heures de temps infirmier par semaine, temps qui pourrait être réinvesti dans le suivi des gens qui présentent des résultats anormaux;- diminution de la charge de travail des pharmaciens d’établissements et des médecins qui recevaient les résultats et devaient procéder aux ajustements de dose, ce qui leur permet de se réserver les cas complexes.Les infirmières ont souligné que le coagulomère permet d’améliorer l’organisation du travail et de diminuer les tâches cléricales sans valeur ajoutée. Selon elles, il est plus facile de piquer le patient et l’appareil est fiable.Perspectives d’utilisationDevant les résultats extrêmement positifs obtenus lors de cette étude régionale, le coagulomètre portatif sera-t-il déployé un jour à grande échelle? Pour l’instant, la grande limitation à son développement semble provenir des coûts. L’appareil lui-même coûte environ 1 500$, mais chaque bandelette utilisée vaut entre 6 et 7$.Pour l’instant, ces bandelettes sont gratuites pour des patients d’exception uniquement. Selon des projections, un patient en utiliserait pour une valeur d’environ 140$ par année.Le ministre de la Santé, le Dr Réjean Hébert, qui prêche activement pour les soins à domicile, se laissera-t-il séduire par cette nouvelle technologie qui diminuerait le nombre de suivis en milieux hospitaliers, et si c’est le cas, trouvera-t-il les fonds dans son ministère pour défrayer les coûts des bandelettes et le déploiement de l’appareil dans la province?Ultimement, c’est lui qui a l’avenir du coagulomètre entre ses mains au Québec.À LIRE AUSSI:Innovation en santé (1/3): «Nous sommes à la croisée des chemins» – Dr Gaétan BarretteInnovation en santé (2/3): L’innovation en santé peut comporter des pièges

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