Le bruit, un signal d’alarme: Ses effets sur la santé

Tony Leroux, Ph. D., est professeur agrégé à l’École d’orthophonie et d’audiologie de la faculté de médecine, Université de Montréal. Son laboratoire s’intéresse aux effets du bruit sur la santé. Il accueille les demandes de groupes de citoyens ou de collectivités désirant documenter l’exposition au bruit dans leur environnement et ses effets potentiels sur la santé ou la qualité de vie. Nous lui avons demandé de nous les résumer.La surdité, conséquence la plus connue de l’exposition au bruit industriel, a été décrite pour la première fois en 1713 par le médecin italien Bernardino Ramazzini, qui l’observe chez presque tous les artisans chaudronniers. Aujourd’hui, on estime que le bruit en milieu de travail est responsable d’environ 16 % des surdités identifiées sur l’ensemble de la planète.Au-delà des milieux de travail, le bruit envahit progressivement notre environnement. Ses sources sont nombreuses : routes et autoroutes, aéroports internationaux et locaux, installations industrielles, motocyclettes et véhicules hors-routes (motoneiges, véhicules tout-terrain, motomarines), équipements de climatisation et de chauffage, etc. Il est de plus en plus difficile d’y échapper, même dans les espaces ruraux. Les problèmes de santé associés au bruit environnemental sont généralement moins connus.Bruit environnementalLes données scientifiques ont mis en évidence une association entre, d’une part, le bruit environnemental et, d’autre part, le dérangement, les maladies cardiovasculaires et la perturbation du sommeil.Le dérangement est la première réaction au bruit environnemental et aussi la plus répandue. L’Organisation mondiale de la santé le définit comme « une sensation de désagrément, de déplaisir provoquée par un facteur de l’environnement (le bruit) dont l’individu (ou le groupe) connaît ou imagine le pouvoir d’affecter sa santé ».Le bruit peut déranger les conversations, empêcher l’écoute normale de la télévision ou de la radio, réduire la vigilance, perturber la détente et les activités exigeant de la concentration. Il peut également avoir une influence négative sur le déroulement des activités sociales, réduire le sentiment d’appartenance à un quartier et affecter la perception de la qualité de l’environnement.En conséquence, le bruit incite à fermer les fenêtres, à changer de pièce à l’intérieur du logement, à consommer de manière plus importante certains médicaments (p. ex., somnifères), à se plaindre aux autorités, à déménager ou à investir dans l’insonorisation de la résidence.Trafic routierLe trafic routier serait la source de bruit environnemental causant le plus de dérangement. Malgré une réduction importante du bruit généré par les véhicules, l’exposition au bruit a plutôt augmenté aux abords des routes et des autoroutes en raison de l’accroissement du trafic routier.Le bruit est un signal d’alarme qui stimule la formation réticulaire du cerveau. La formation réticulaire a pour rôle d’éveiller le cortex cérébral et plus globalement le système nerveux central. Par le biais du système nerveux autonome, le bruit induit des modifications hormonales (adrénaline, cortisol) qui altèrent le métabolisme des systèmes, en particulier celui du système cardiovasculaire.Les hommes plus à risqueLe bruit engendre une réponse de stress agissant sur l’ensemble du corps. Plusieurs recherches montrent que le facteur de risque tend à augmenter avec l’exposition au bruit environnemental pour les maladies cardiovasculaires.Une étude récente de Willich et al., (2005) a montré, sur un échantillon de 4115 patients hospitalisés à la suite d’un infarctus du myocarde, un risque accru de 46 % en moyenne chez les femmes et de 336 % en moyenne chez les hommes, lorsque ceux-ci étaient exposés à du bruit environnemental de jour comme de nuit.En plus du dérangement qu’il induit, le bruit affecte particulièrement le sommeil. Les effets immédiats du bruit sur le sommeil sont les réponses d’éveil (n’amenant pas nécessairement le réveil), les changements de stades de sommeil par la réduction de la durée du sommeil profond et du sommeil paradoxal, les réveils nocturnes et une altération des réponses autonomes (augmentation du rythme cardiaque par exemple).À court terme, les dormeurs exposés au bruit notent une diminution de la qualité subjective du sommeil et une altération de l’humeur durant la journée. À long terme, on soupçonne que l’exposition au bruit durant la nuit entraîne une fatigue accrue, des performances cognitives réduites et un sentiment de dépression. Bien qu’une certaine habituation psychologique puisse s’installer avec le temps, il ne semble pas y avoir d’habituation en ce qui concerne la modification de l’architecture des stades de sommeil et les réponses autonomes.Rens. : www.bruitsociete.caLire la suite du dossierWillich S N, Wegscheider K, Stallmann M, Keil T (2005). «Noise burden and the risk of myocardial infarction». European Heart Journal Access, November 24, p. 1-7.

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