L’autogestion du dosage de la warfarine par les patients améliore leur qualité de vie

Des patients anticoagulés avec de la warfarine sur une longue période, qui ajustaient eux-mêmes leur dose de warfarine après avoir été formés par un pharmacien, ont amélioré significativement leur qualité de vie et ils ont réduit le temps qu’ils consacraient au monitorage de leur INR.Les chercheurs de l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM) qui ont mené cette étude, en majorité des pharmaciens du département de pharmacie, soulignent dans leur conclusion que la qualité de l’anticoagulation a été comparable à celle d’une clinique d’anticoagulothérapie dirigée par des médecins spécialistes.Ils précisent, dans l’étude qui a été publiée dans la revue Pharmacotherapy, édition d’octobre 2012, que cette nouvelle approche d’autogestion n’a pas encore été largement adoptée en Amérique du Nord. Objectif et méthodologieCette étude avait pour objectif « d’évaluer les impacts d’un programme d’autogestion du dosage de la warfarine, dirigée par des pharmaciens, sur la qualité de vie et le contrôle de l’anticoagulation des patients comparativement à un suivi effectué dans une clinique d’anticoagulothérapie dirigé par des cardiologues ».Pour cet essai prospectif, randomisé, contrôlé et ouvert, les chercheurs ont recruté 114 participants, âgés de 18 à 75 ans, qui étaient suivis à la clinique d’anticoagulothérapie de l’ICM.Tous recevaient de la warfarine depuis au moins six mois avant le début de l’étude et devaient poursuivre ce traitement pour un minimum de quatre mois.Les patients ne pouvaient pas participer à cette étude s’ils avaient une condition d’hypercoagulation, soit : un cancer actif, un saignement majeur actif ou dans les trois derniers mois, une chirurgie ou un événement cardiovasculaire récent, une déficience physique ou cognitive qui limite leur motricité ou leur compréhension.Après avoir assisté à une formation sur l’antiocoagulothérapie donnée par un pharmacien, les participants ont été répartis aléatoirement en deux groupes : groupe autogestion (58 participants) et groupe contrôle (56 participants).Les patients du groupe contrôle ont continué d’avoir un suivi standard à la clinique d’anticoagulothérapie de l’ICM.Ceux du groupe autogestion ont reçu une formation pratique pour être capable de se servir de l’appareil CoaguChek XS et pour utiliser un algorithme développé par les chercheurs pour ajuster leur dose de warfarine.Chaque semaine, ils monitoraient leur INR, ils ajustaient leur dose de warfarine selon l’algorithme et ils communiquaient ces résultats aux pharmaciens.Ces derniers communiquaient avec les patients s’ils n’avaient pas reçu de téléphone de leur part ou s’il y avait une erreur dans l’ajustement posologique.Ce sont les pharmaciens qui ajustaient les doses de warfarine des patients en dehors des limites de l’algorithme (≤ 1,5 ou ≥ 4,5 pour une cible d’INR de 2,0-3,0 ou ≤ 2,2 ou ≥ 5,0 pour une cible d’INR de 2,5-3,5).Chaque semaine, les patients remplissaient aussi un questionnaire pour identifier de nouveaux facteurs qui pourraient affecter leur INR (nouveaux médicaments ou produits naturels, nouveaux problèmes de santé, oublis de doses, changement dans l’alimentation).En présence de tels facteurs, les patients devaient aviser leur pharmacien avant de procéder à un ajustement posologique.Au début et à la fin de l’étude (quatre mois de suivi), chaque participant a rempli un questionnaire validé pour évaluer sa qualité de vie et s’est soumis à un test oral validé de connaissances de l’anticoagulation.Les chercheurs ont aussi évalué le contrôle de la qualité de l’anticoagulation en utilisant le temps passé dans l’intervalle thérapeutique.Résultats« Après quatre mois de suivi, une amélioration significative dans le groupe autogestion a été observée par rapport au groupe contrôle dans quatre des cinq domaines sur la qualité de vie (p ‹ 0,05) », indiquent les chercheurs.Le temps passé au monitoring de chaque INR a été significativement moindre dans le groupe autogestion que le groupe contrôle, respectivement en moyenne de 5,3 minutes versus 158,0 minutes (p ‹ 0,001).En ce qui a trait aux connaissances sur l’anticoagulothérapie, des améliorations ont été constatées dans les deux groupes après que les patients eurent assisté à la formation donnée par un pharmacien et elles ont persisté jusqu’à la fin de l’étude (p ‹ 0,05 pour tous).Pour ce qui est du pourcentage de temps passé dans l’intervalle thérapeutique, dans 80 % du temps, les participants dans le groupe autogestion se trouvaient dans l’intervalle thérapeutique comparativement à 75,5 % dans le groupe contrôle (p = 0,79).Le pourcentage de temps dans l’intervalle thérapeutique élargi (cible d’INR +/- 0,3) a été similaire entre les deux groupes (93,2 % pour le groupe autogestion versus 91,1 % pour le groupe contrôle, p = 0,30).Enfin, les chercheurs soulignent que « la proportion des individus qui ont présenté un événement indésirable a été similaire entre les deux groupes. La majorité des événements ont consisté en des saignements mineurs, principalement des épistaxis ».En entrevue à Profession Santé, la chercheuse principale de cette étude, Lucie Verret, a déploré que l’appareil CoaguChek XS et les bandelettes d’analyse ne soient pas remboursés par le régime public d’assurance médicaments, ce qui est à son avis un frein au développement au Québec de cette nouvelle approche d’autogestion du dosage de la warfarine qui améliore la qualité de vie des patients.Cette dernière indique toutefois qu’à sa connaissance, il n’y a pas de tel programme en vigueur au Canada.Référence:Verret L, Couturier J, Rozon A, Saudrais-Janecek S, et al. Impact of a Pharmacist-Led Warfarin Self-Management Program on Quality of Life and Anticoagulation Control : A Randomized Trial. Pharmacotherapy 2012;32(10):871-879.

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