L’AQPP lance la première «journée sans remplaçants»

Pas moins d’un million d’heures de remplacement sont effectuées chaque année dans les pharmacies du Québec. Une situation «rendue intolérable» selon le président de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP). «C’est un phénomène en croissance, et on n’a pas besoin de toutes ces heures», estime Benoit Morin. Pour alerter sur cette mainmise de plus en plus importante des agences de remplacement en pharmacie communautaire, l'AQPP lance, ce mardi 27 mai, la première journée officielle sans remplacement. «Nous voulons faire du bruit pour sensibiliser tous les preneurs de décision, les intervenants, la communauté proche mais aussi le gouvernement à cet enjeu qui ne fait aucun sens», précise son président. S’il concède que renoncer totalement au remplacement dans un contexte de rareté de main-d’œuvre peut-être compliqué pour les pharmaciens propriétaires, il les invite à se mobiliser autant que faire se peut. «Ce sera difficile de le faire à 100%, mais on leur demande de discuter avec leurs équipes et de les conscientiser à cet enjeu, poursuit-il. Ce n’est qu’un début.»Un recrutement agressif ciblant les jeunes et les pharmaciens en posteSelon Benoit Morin, les agences alimentent la pénurie de pharmaciens dans la province, en recrutant par paliers. D’abord au sein des Facultés de pharmacie, avec des kiosques de plus en plus nombreux lors des journées carrière au cours desquelles les agences font miroiter aux étudiants un «modèle de frivolité». «On vend ces salades aux jeunes en début de carrière alors que c’est le moment idéal pour eux de devenir pharmacien propriétaire, de développer leur pratique clinique en s’investissant dans un milieu stable et d’établir un lien de confiance avec les patients», dénonce le président de l’AQPP. En outre, certaines agences ne se gênent pas pour démarcher des pharmaciens salariés déjà en poste selon lui. «Certains de mes pharmaciens salariés se font contacter pendant qu’ils travaillent! Les agences leur proposent des salaires attractifs, avec moins de quarts de travail en soir et de fin de semaine», déplore le propriétaire d’une pharmacie à Montréal. Une problématique comparable à celle de la main-d’œuvre indépendante chez les infirmières. À lire aussi: Contribuer en tant que dernier rempartAvec cette journée, l’AQPP veut particulièrement sensibiliser «les jeunes sur l’importance qu’ils ont dans le système et sur la manière dont ils peuvent nous aider à améliorer nos milieux de pratique», mais aussi les pharmaciens plus expérimentés, qui peuvent trouver un intérêt au remplacement en fin de carrière. «C’est plus facile de s’adapter au changement dans un seul milieu de pratique. Ils ont beaucoup d’expérience et un grand rôle à jouer auprès des jeunes.»«On risque d’être inefficaces et de diminuer l’accessibilité»Ce poids supplémentaire étrangle la croissance financière des pharmacies, alors que les activités cliniques, elles, sont en constante expansion. «Les activités cliniques ont augmenté de 51% depuis 2019, et le volume moyen des ordonnances a augmenté de 4,3%, souligne Benoit Morin. Tout cela augmente quatre fois plus rapidement que le nombre de pharmaciens.»Alors que l’arrivée imminente du PL67 est selon lui en passe de réaliser le rêve de bon nombre de pharmaciens, il est d’autant plus crucial d’adresser cette problématique qui pourrait enrayer la mise en place des nouvelles activités en pharmacie communautaire.«C’est ce que tout le monde souhaitait. Mais on risque d’être inefficaces en première ligne et de diminuer l’accessibilité si on continue dans cette voie», anticipe le porte-voix des pharmaciens propriétaires. «On a beaucoup à y perdre.»À consulter: La fin du bordelLe remplacement et le modèle économique des agences, basé sur l'incorporation, mettent selon lui en péril la capacité humaine et financière des pharmaciens communautaires à livrer des services et à maintenir des heures d’ouverture étendues. Mais si les pharmaciens remplaçants reviennent dans le système en tant que salariés ou propriétaires, «il y aura encore une pénurie, mais ce sera plus facile.»Cette initiative est donc un appel à l’aide pour des pharmaciens propriétaires qui se disent au pied du mur, en l’absence de solutions efficaces mises en place – ce, malgré des rencontres avec les universités pour augmenter les cohortes, ou avec l’Ordre des pharmaciens du Québec pour établir des stratégies. «J’aurais souhaité que, en tant qu’entreprises privées, nous puissions régler nos choses par nous-mêmes. Mais on n’y arrivera pas seuls», concède Benoit Morin. De l’aide, oui, mais sous quelle forme? Si rien n’est encore défini pour l’instant, le président de l’AQPP appelle à «freiner, voire éliminer» le recours aux agences de remplacement. «Ou alors, le réserver à des situations exceptionnelles».

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