L'acide zolédronique donné après une fracture de la hanche permet-il de prévenir les récidives ?

Dre Marie-France Savoie marief_08@hotmail.com UMF de Gaspé Article de référence Lyles KW, Colón-Emeric CS, Magaziner JS, Adachi JD, Pieper CF, Mautalen C, et coll. Zoledronic acid and clinical fractures and mortality after hip fracture. N Engl J Med, novembre 2007; 357:1799-809. RÉSUMÉ Objectif Déterminer l’efficacité et l’innocuité de l’acide zolédronique, donné après une fracture de la hanche, dans la prévention des récidives de fracture. Conception Essai clinique randomisé à double insu avec groupe témoin placebo. Contexte Étude multicentrique menée dans plusieurs pays en Amérique du Nord, en Amérique latine et en Europe. Participants L’étude a été menée auprès de 2127 adultes de 50 ans et plus ayant subi une intervention chirurgicale pour une fracture de la hanche dans les derniers 90 jours et ne pouvant ou ne voulant pas prendre un bisphosphonate per os. La prise concomitante de calcitonine, de modulateurs sélectifs du récepteur d’œstrogènes (SERM) et d’hormonothérapie était acceptée, tandis que les bisphosphonates et la PTH devaient être cessés. Les critères d’exclusion étaient une hypersensibilité aux bisphosphonates, la grossesse, une clairance de la créatinine ≤ 30 cc/min, un calcium 2,8 mmol/L, un cancer, une maladie osseuse autre que l’ostéoporose et une espérance de vie < 6 mois. Interventions Les sujets ont été répartis au hasard en deux groupes, soit acide zolédronique à 5 mg IV (n = 1065) ou placebo (n = 1062), qu’ils recevaient dans les 90 jours suivant la chirurgie correctrice de fracture de la hanche puis annuellement jusqu’à la fin de l’étude. Tous les patients prenaient du calcium (1000-1500 mg/jour) et de la vitamine D (800-1200 UI/jour). Une dose supplémentaire de vitamine D était donnée deux semaines avant la première injection d’acide zolédronique si le dosage de la 25-OH-D était ≤ 15 ng/ml. Principales mesures de résultats La principale mesure des résultats était la survenue d’une nouvelle fracture. Les mesures secondaires étaient les changements de la densité osseuse de la hanche non fracturée mesurés à l’ostéodensitométrie annuellement, les effets néfastes du traitement et la mortalité. Résultats Il y a eu 8,6 % de nouvelles fractures dans le groupe acide zolédronique comparé à 13,9 % dans le groupe placebo, ce qui représente une diminution du risque absolu de 5,3 % et du risque relatif de 35 % (p = 0,001). Le groupe traitement a connu 1,7 % de fractures vertébrales et 7,6 % de fractures non vertébrales, alors que le groupe placebo en a présenté respectivement 3,8 % (p = 0,02) et 10,7 % (p = 0,03). Une diminution de la mortalité en général a aussi été notée dans le groupe traitement (9,6 %) comparé au groupe placebo (13,3 %) (p = 0,01). Mesurée sur trois ans, la densité osseuse a augmenté de façon marquée dans le groupe traitement, tandis qu’elle a diminué dans le groupe placebo (p < 0,001). Finalement, les effets secondaires étaient comparables dans les deux groupes. Les seules différences significatives étaient des myalgies (4,9 % vs 2,7 %), de la fièvre (8,7 % vs 3,1 %) et des douleurs osseuses (3,2 % vs 1,0 %) plus fréquentes dans le groupe acide zolédronique que dans le groupe placebo (p < 0,001). Conclusion Une injection de 5 mg d’acide zolédronique, donnée dans les 90 jours suivant une chirurgie pour une fracture de la hanche et annuellement par la suite, diminue de façon significative la survenue de nouvelles fractures ainsi que la mortalité. COMMENTAIRE Pertinence de l’étude Les fractures de la hanche sont associées à une augmentation marquée de la morbidité et de la mortalité. Il est donc nécessaire de trouver des solutions pour prévenir leurs complications. Pris de façon quotidienne ou hebdomadaire, les bisphosphonates oraux sont parfois associés à une faible fidélité au traitement. Est-ce que l’acide zolédronique, injectable annuellement, serait une solution de rechange efficace et sécuritaire pour prévenir les fractures ? Importance des résultats Cette étude a été cessée de façon prématurée après un suivi moyen de 1,9 an, car des analyses intérimaires ont montré que l’acide zolédronique était très efficace pour prévenir les récidives de fracture et diminuer le taux de mortalité générale. La prise d’acide zolédronique a permis d’obtenir une diminution du risque absolu de 5,3 % des fractures, ce qui signifie qu’il faut traiter 19 personnes (NNT = 19) pendant un peu moins de deux ans pour prévenir une fracture. De la même façon, l’acide zolédronique était associé à une réduction du risque absolu de mortalité de 3,7 %, correspondant à un NNT de 27 personnes pendant la même période pour prévenir un décès. Ces résultats étaient statistiquement significatifs. Les effets secondaires graves étaient rares et comparables dans les deux groupes. La seule différence significative consistait en des myalgies et de la fièvre plus fréquentes dans le groupe traitement. Critique de la méthodologie Ce large essai clinique respecte les règles de qualité, et la méthodologie est rigoureuse. Les objectifs sont clairement décrits, et les critères d’inclusion et d’exclusion permettent de bien cerner la population. Les groupes traitement et placebo sont comparables, et les processus de randomisation et d’assignation, bien faits. La mesure des résultats a été effectuée à partir d’instruments validés et faite à l’aveugle par un groupe d’experts. Par contre, quelques choix méthodologiques semblent discutables. Il est surprenant qu’on ait choisi de comparer l’acide zolédronique à un placebo plutôt qu’à un bisphosphonate per os chez cette population. Cette décision soulève une question éthique importante, mais les auteurs mentionnent que seuls les patients ne pouvant ou ne voulant pas prendre un bisphosphonate per os étaient recrutés. De plus, ils ont donné des suppléments de calcium et de vitamine D aux patients des deux groupes et ont permis la prise concomitante de calcitonine, de SERM et d’hormonothérapie. Bien que l’acceptation de ces derniers produits ait pu influencer les résultats, il est peu probable qu’ils expliquent les différences obtenues entre les deux groupes, puisqu’une faible proportion de patients en recevaient (11,8 % dans le groupe placebo vs 9,3 % dans le groupe traitement; p = 0,07). Les auteurs indiquent que les bisphosphonates et la PTH devaient être cessés après une période de wash out déterminée selon le type et la durée de traitement, mais aucune règle n’était énoncée clairement. De plus, les imageries étaient effectuées seulement lorsqu’il y avait des signes ou symptômes semblant indiquer une fracture, ce qui aurait pu amener à sous-estimer le nombre réel de nouvelles fractures. Finalement, la durée de cette étude limitée à 1,9 an apparaît courte pour confirmer l’innocuité à long terme de l’acide zolédronique. Mise en perspective selon l’état des connaissances L’utilisation de bisphosphonates par voie orale pour traiter l’ostéoporose est une pratique courante dont les avantages ont déjà été bien démontrés. Par contre, l’indication des bisphosphonates injectables comme l’acide zolédronique était réservée jusqu’à tout récemment à l’hypercalcémie grave. Depuis novembre 2007, ce traitement est aussi reconnu pour l’ostéoporose 1. D’autres études sur le sujet ont prouvé que l’acide zolédronique diminuait les fractures chez les femmes ménopausées 2 et qu’il était bien toléré et sécuritaire après une période de cinq ans 3. Finalement, il serait intéressant de comparer directement l’efficacité et l'innocuité des bisphosphonates par voie orale aux bisphosphonates par voie intraveineuse. Contribution à la prise de décision clinique L’administration annuelle de 5 mg d’acide zolédronique par voie intraveineuse après une fracture de hanche est une solution de rechange intéressante et sécuritaire aux bisphosphonates par voie orale pour prévenir les récidives de fracture. Référence 1. www.fda.gov/medwatch/safety/2007/Aug_PI/Reclast_PI.pdf 2. Black DM, Delmas PD, Eastell R, Reid IR, Boonen S, Cauley JA, et coll. Once-yearly zoledronic acid for treatment of postmenopausal osteoporosis. New Engl J Med 2007; 356:1809-22. 3. Devogelaer J, Brown JP, Burckhardt P, Meunier PJ, Goemaere S, Lippuner K, et coll. Zoledronic acid efficacy and safety over five years in postmenopausal osteoporosis. Osteoporosis Int 2007; 18:1211-8.

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