La sexualité à l’hôpital : le programme fait des jaloux

Bien des sceptiques ont sourcillé en 2005 lorsque le plus important hôpital en santé mentale de l’est du Québec a mis en place un projet pilote visant à faciliter et à superviser les relations sexuelles entre les patients.Quatre ans plus tard, le projet est toujours en place et l’hôpital reçoit maintenant des appels d’établissements de santé, aussi éloignés que la Suisse, qui semblent impatients d’implanter des programmes similaires dans leurs murs.«Au début du programme, bien des gens ont mis en question ce que nous étions en train de faire, dit Nicole Gagnon, travailleuse sociale et ombudsman à l’Institut universitaire en santé mentale de Québec et instigatrice de la politique sur la sexualité des patients. Il semble bien que nous ayons visé juste avec notre approche avant-gardiste.»La politique, inspirée d’un programme de l’hôpital Riverview, à Coquitlam, en Colombie-Britannique, adopté en 1998, encourage ses quelque 500 patients institutionnalisés à exprimer leurs aspirations à avoir une vie sexuelle.Les relations sexuelles sont permises dans l’intimité des chambres des patients, à la condition que les participants respectent les trois principes directeurs du programme :- légalité (consentement mutuel);- éthique (le respect de l’intimité, de la dignité et de l’orientation sexuelle;- et clinique (pratiques sexuelles sûres et absence de troubles psychiatriques liés à la sexualité ou qui soulèvent des problèmes légaux ou éthiques).Un personnel spécialement formé fournit des contraceptifs ou des conseils et/ou de la documentation écrite sur les pratiques sexuelles sûres aux patients sexuellement actifs qui satisfont aux critères du programme.«Chaque cas est traité différemment, il n’y en a pas deux pareils», dit la Dre Hélène Bussières, psychiatre en charge du programme. Spécialiste de l’anxiété et des troubles de l’humeur, la Dre Bussières estime que le programme a eu un impact positif sur la vie à l’intérieur de l’établissement.«Le programme est très respectueux de l’intimité des patients, dit-elle. Être malade ne signifie pas que l’on doive abandonner toute vie sexuelle. Cette politique contribue à briser certains tabous à propos de la sexualité.»Les temps changent, ajoute Nicole Gagnon. «La sexualité a toujours été considérée avec suspicion dans les milieux hospitaliers comme le nôtre. En facilitant la vie sexuelle chez les patients, nous voulons en faire un élément positif et non négatif.»Aucune plainte Au cours des quatre dernières années, elle dit n’avoir reçu aucune plainte des patients ni de la part du personnel. Elle reçoit par contre quantité d’appels de façon régulière d’hôpitaux, de cliniques et de professionnels de la santé désireux d’en connaître plus sur le programme. L’un d’entre eux était le Dr Pierre Assalian, directeur de l’unité de sexualité humaine du Centre universitaire de santé McGill. Il explique que les nouveaux médicaments antipsychotiques rejettent les anciennes notions selon lesquelles les patients psychiatriques n’ont aucune libido.«Les médecins doivent se sortir de l’idée que les patients schizophrènes, par exemple, n’ont pas de vie sexuelle, dit le Dr Assalian. Ils en ont une.»Bien que des patients parmi les plus atteints de maladie mentale vivent dans la communauté, ceux qui doivent demeurer en établissement pour de longues périodes «sont intéressés à avoir des relations sexuelles. D’autres établissements font face au même problème», dit le Dr Assalian.

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