La série Prozac à V télé: Un nouvel antidépresseur pour contrer le blues automnal

La nouvelle série télévisée Prozac, la maladie du bonheur, présentée à la chaîne V, a pris l’affiche le 7 septembre dernier. Le comédien Patrice Robitaille y joue le rôle d’un journaliste talentueux qui vit une crise existentielle et qui sombre dans une dépression majeure. Entouré de ses proches, il suivra une thérapie de groupe et dévoilera ses états d’âme à une galerie de personnages tous plus colorés les uns que les autres.L’originalité de cette série réside avant tout dans le choix d’un protagoniste masculin. On le sait et on le voit dans notre pratique, la dépression touche deux fois plus de femmes que d’hommes. Celles-ci en parlent d’ailleurs plus aisément, mais les hommes, eux, comment la vivent-ils ? C’est cette terra incognita que Prozac nous promet d’explorer.En entrevue avec L’actualité pharmaceutique, les deux coscénaristes de la série, Karina Goma et Sophia Borovchyk, affirment que la série est d’abord et avant tout axée sur les rapports humains et sur l’impact de cette maladie sur l’entourage du personnage principal. Curieusement, même si la série porte le nom d’un des antidépresseurs autrefois les plus prescrits et les plus associés au bonheur en capsule, l’aspect « médication » y est peu traité : il est évoqué brièvement dans le premier épisode où Philippe (Robitaille) consulte un psychiatre et se fait prescrire des médicaments, dont il décide assez rapidement de se débarrasser. Il le fait d’ailleurs de façon très convenue (et peu écologique !) en jetant les pilules dans la cuvette. Pourquoi alors donner un titre tel que Prozac ? Les deux scénaristes cherchaient un intitulé accrocheur; et celui-ci leur est venu tout à fait spontanément car, pour la population en général, « il évoque la recherche du bonheur ».Au journal La Presse le printemps dernier, le réalisateur de la série, François Bouvier, décrivait la série comme une comédie dramatique : « On y montre des gens vulnérables, c’est un sujet grave que l’on va traiter avec légèreté, sans prendre tout cela à la légère. » Après le visionnement de presse des deux premiers épisodes, force est de constater que cette affirmation se révèle juste. Côté drame, il y a d’abord la justesse du propos, en particulier dans la présentation des symptômes de la dépression : troubles de l’humeur, perte de contrôle de soi, manque de concentration et d’intérêt, idées suicidaires. Exemple éloquent du parfait croisement comédie-drame dès le premier épisode : dans le but de se pendre, Philippe apprend à nouer une corde autour de son cou en suivant les instructions d’un écureuil parlant sur Internet; une fois la corde nouée bien solidement, il veut répondre à la porte d’entrée mais n’arrive plus à défaire le nœud !Pour un pharmacien, il peut être intéressant de se demander si le choix de traiter de la dépression sous un angle uniquement psychologique et humain est lié à la persistance d’un certain tabou par rapport au médicament… Certes, le traitement par antidépresseur n’exclut pas une visite chez le psychologue, ni le contraire, et la combinaison de ces deux formes de traitement constituerait, dans la réalité de la pratique, un scénario idéal, surtout dans les cas sévères. Pourquoi alors disposer de cette option si rapidement ?Est-ce plutôt parce que le recours au médicament tuerait la situation dramatique ? Une chose est sûre, le fait de l’évacuer dès le premier épisode permet de structurer une intrigue susceptible de se développer en onze épisodes. Si Philippe, le héros de la série, avait décidé de poursuivre sa médication, son état se serait déjà amélioré après quatre à six semaines de traitement, ce qui n’est certes pas très favorable au déploiement de cette tragi-comédie.Par ailleurs, ce choix « scénaristique » laissera-t-il croire aux télé-spectateurs que ce trouble psychiatrique peut être guéri sans traitement pharmacologique ? La série conforterait-elle l’idée qu’on peut guérir la dépression sans médication ? Que ceux qui ont recours aux médicaments manquent de force ou de volonté ? Et que, par conséquent, ceux qui n’en prennent pas s’en sortent parce qu’ils sont plus forts ?Malgré de légers progrès, la dépression demeure un sujet sensible dans notre société. Les patients dépressifs ne se sentent pas toujours à l’aise de discuter de ce problème avec les pharmaciens et encore moins avec leur entourage. Ils font souvent face à un déni, à un manque d’acceptation ou au sentiment d’impuissance de leurs proches. En milieu communautaire, nous servons le médicament en tenant compte surtout de l’aspect scientifique de la maladie sans toujours connaître les détails de la situation personnelle du patient. Pourtant, il faut prendre en considération la condition de celui qui commence un antidépresseur à la suite d’un deuil, d’une perte d’emploi ou de harcèlement psychologique au travail, ou de celle qui, dépressive, doit composer avec un conjoint peu empathique. La série Prozac favorisera assurément une meilleure compréhension de la composante humaine de la dépression.Souhaitons que la série réussisse, malgré les limites imposées par une fiction, à changer la perception de cette maladie dite psychiatrique et qu’elle donne envie aux gens d’en parler plus aisément. Chose certaine, les premiers épisodes de Prozac devraient déjà prouver leur efficacité clinique dans la lutte contre le blues automnal !

La série Prozac à V télé: Un nouvel antidépresseur pour contrer le blues automnal

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