Le mode de rémunération est-il un frein à la collaboration interprofessionnelle?

Plusieurs médecins ont fait part de leur surprise en découvrant les résultats du sondage de l’Association médicale du Québec (AMQ), présenté pendant son congrès annuel, en avril dernier.Le sondage révèle en effet que la population considère les médecins comme n'étant pas très enclins à travailler en interdisciplinarité. À l'inverse, les médecins se jugent plutôt ouverts et favorables à collaborer avec d’autres professionnels de la santé.Le Dr Laurent Marcoux, président sortant de l’AMQ, se demande ainsi si les difficultés à implanter l’interdisciplinarité sur le terrain ne sont pas tout simplement dues un problème de rémunération.«Tout le monde est assujetti aux mêmes règles en matière de mode de rémunération», a rappelé le Dr Jean-Bernard Trudeau, secrétaire adjoint au Collège des médecins du Québec (CMQ). Selon lui, c’est plus une question de temps pour que les équipes collaborent plus, car l’interdisciplinarité est déjà très présente à certains endroits, notamment pour la prise en charge des maladies chroniques.Mais ce n’est pas pour rien non plus que le CMQ a changé son code de déontologie: «Le médecin DOIT collaborer avec les autres professionnels.» En effet, ce n’est pas normal qu'en dépit d'autant de promotion sur les ordonnances collectives, elles soient aussi peu utilisées dans certaines communautés.«Les outils et les leviers sont là, mais sous-utilisés, et il va falloir travailler avec nos gens, car ce sont souvent les infirmières et les pharmaciens qui arrivent avec des ordonnances collectives et les proposent au médecin pour que celui-ci les regarde et les entérine», a souligné le Dr Jean-Bernard Trudeau.Le représentant du CMQ a aussi tenu à aviser les médecins que s’ils n’utilisent pas davantage les ordonnances collectives nationales, cela revient à envoyer le message que le seul moyen que cela change sera de permettre aux autres professionnels d’avoir le droit de les utiliser directement, sans passer par un médecin. «Dans la logique gouvernementale actuelle, si un outil efficace existe et n’est pas utilisé, il faut nous forcer à le faire ou nous contourner.»Du côté des infirmières et des pharmaciens, on reconnaît plus volontiers que le mode de rémunération est effectivement problématique. Bertrand Bolduc, président de l’Ordre des pharmaciens du Québec estime que, même si ce n’est pas aux Ordres de se mêler du «niveau de rémunération», les modes de rémunération doivent être revus. «On pousse les pharmaciens vers l’interdisciplinarité, vers des prises en charge et des suivis de patients, tout en gardant un mode de rémunération axé sur la distribution des médicaments», déplore-t-il.«Si une infirmière n’a pas été affectée à son poste par un CISSS, c’est contre-productif pour le médecin: cela lui coûte quelque chose et il n’est pas rémunéré pour les actes qu'elle fait», note, quant à elle, Lucie Tremblay, présidente de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.Il y a aussi une question d’imputabilité, estime-t-elle. Même entre infirmières et infirmières auxiliaires, c’est difficile de ne pas aller surveiller ce que fait l’autre professionnelle, parce qu’on se sent responsable. «Quand une infirmière auxiliaire prend une action, elle est imputable de son action, et quand une infirmière prend une action qui peut aussi être faite par un médecin, elle est imputable de ce qu’elle fait», a-t-elle souligné.

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