La radiothérapie à fraction unique pour le traitement des métastases osseuses : une nouvelle norme ?

Marc Gaudet marc.gaudet.1@ulaval.ca Kim Anh Sonia Nguyen kim-anh-sonia.nguyen.1@ulaval.ca Radio-oncologie Critique et pratique fait école. Des résidents de première année en spécialité de l’Université Laval ont rédigé un résumé critique d’un article récent d’intérêt dans leur domaine. Le responsable du cours d’apprentissage de la lecture critique, le Dr Michel Cauchon, a invité des cliniciens enseignants en spécialité et en médecine familiale à collaborer à la révision de ce travail de synthèse. Quelques-uns de ces travaux seront publiés au cours des prochaines semaines. Article de référence Hartsell WF, Scott CB, Bruner DW, Scarantino CW, Ivker RA, Roach M, et coll. Randomized trial of short- versus long-course radiotherapy for palliation of painful bone metastases. J Natl Cancer Inst. 1er juin 2005; 97(11):798-804. RÉSUMÉ Objectif L’étude devait déterminer l’équivalence du soulagement de la douleur due à des métastases osseuses à la suite du traitement relativement courant de 30 Gy en 10 fractions par comparaison à 8 Gy en une fraction unique. Conception Étude de phase III, prospective randomisée ouverte. Contexte Patients recrutés par certains groupes collaboratifs en oncologie(le RTOG et le NCCTG)dans plusieurs centres nord-américains. Participants Patients de 18 ans et plus atteints d’un cancer du sein ou de la prostate avec des métastases osseuses uniques ou multiples(jusqu’à trois)démontrées radiologiquement et souffrant de douleur modérée à grave en lien avec elles. Interventions En tout, 949 patients ont été assignés au hasard à recevoir des traitements de radiothérapie locale de 8 Gy en une fraction ou de 30 Gy en 10 fractions. Principales mesures de résultats La principale était la douleur telle que perçue par le patient et évaluée au moyen d’un questionnaire autoévaluatif(Brief Pain Inventory)ainsi que par la prise d’analgésiques. Les secondaires étaient : toxicités du traitement, fréquence de retraitement, fractures pathologiques, survie globale mesurée par analyse Kaplan-Meier. Résultats Il y avait 455 patients dans le groupe à 8 Gy en une fraction et 443 dans celui à 30 Gy en 10 fractions. Les deux groupes étaient similaires quant à leurs diverses caractéristiques. Les taux de réactions complètes à trois mois étaient de 15 % dans le groupe 8 Gy et de 18 % dans le 30 Gy(p = 0,6). Les taux de réactions partielles à trois mois étaient respectivement de 50 % et de 48 %. Les toxicités aiguës – surtout cutanées et gastro-intestinales – de degrés 2 à 4 étaient plus fréquentes dans le groupe à 30 Gy(p = 0,002). L’incidence de fractures pathologiques était relativement équivalente dans les deux groupes(4 % pour 8 Gy et 5 % pour 30 Gy). Finalement, le taux de retraitements était plus significativement fréquent dans le groupe 8 Gy(18 % vs 9 % p < 0,001). Conclusion Les deux traitements étaient équivalents en termes de soulagement de la douleur à trois mois et bien tolérés. Il y avait néanmoins une incidence plus élevée de retraitement dans le groupe à 8 Gy. Comme on a noté un soulagement de la douleur équivalent en bout de ligne, un traitement unique de 8 Gy pourrait être une option valable pour le traitement symptomatique des métastases osseuses. Cependant, d’autres données sur la qualité de vie de ces patients sont à venir et pourraient servir d’appuis supplémentaires. COMMENTAIRE Pertinence de l’étude Les métastases osseuses sont très fréquemment rencontrées en radio-oncologie. La radiothérapie est un moyen efficace pour soulager la douleur. Un traitement plus court a l’avantage d’impliquer moins de déplacements et d’inconvénients pour les patients. Des études randomisées ont déjà démontré qu’un traitement plus court pouvait soulager la douleur, possiblement de façon équivalente au traitement plus long. Cependant, la méthodologie de ces études a été critiquée, à un point tel que le traitement à une fraction n’a jamais été adopté comme norme par la majorité des radio-oncologues, d’où la pertinence de cette étude. Importance des résultats L’étude a démontré qu’un traitement de 8 Gy en une fraction était équivalent à celui de 30 Gy en 10 fractions pour le soulagement de la douleur à trois mois. Le groupe 8 Gy a également présenté moins de toxicités aiguës secondaires au traitement. Le groupe recevant 8 Gy avait, par contre, un plus haut taux de retraitement sans effet sur le soulagement de la douleur. Un traitement unique serait donc tout aussi efficace qu’un plus long sans effets néfastes notables. Critique de la méthodologie Premièrement, il s’agit d’un essai clinique dont les patients étaient randomisés de façon aléatoire au groupe de traitement. Des 949 patients éligibles, 898 ont été randomisés. Les groupes de randomisation étaient comparables. L’analyse finale portait sur 573 patients(60,4 %). La quantité de cas non analysés est élevée, ce qui peut être expliqué par l’état précaire de cette population. Il est à noter qu’il n’y a pas eu d’analyse de type intention to treat et que de nombreux patients(12,6 %)ont été perdus au suivi. La mesure principale, la douleur, a été évaluée par un questionnaire, méthode plus fiable que celles utilisées dans des études antérieures. Il faut noter que les patients éligibles étaient uniquement ceux atteints d’un cancer de la prostate ou du sein, ce qui ne permet pas de généraliser ces résultats à des métastases osseuses d’autres histologies. L’étude présente certaines limitations. Il faut d’abord noter que les patients devaient remplir le questionnaire à deux et à quatre semaines après le traitement, puis à 2, 3, 6, 9, 12, 18 mois, etc. Cependant, seules les données à trois mois sont connues, ce qui informe peu sur la rapidité de la réaction au traitement, paramètre important pour les patients. Aussi, dans le groupe ayant reçu 8 Gy, il y avait une proportion relativement élevée de patients qui ont été retraités et ce, de façon statistiquement significative(18 % vs 9 %; p < 0,01). Il y a deux biais possibles. Premièrement, la décision de retraiter relevait du médecin et non de l’évaluation de la douleur. Ensuite, le fait que certains patients aient été retraités avant de remplir le questionnaire à trois mois pourrait introduire un certain biais de confusion. Mise en perspective selon l’état des connaissances Le traitement des métastases osseuses à dose unique est présentement un sujet d’intérêt dans le domaine de la radiothérapie. Plusieurs études ont évalué la pertinence d’une telle intervention, dont une méta-analyse 1 qui concluait à l’équivalence des traitements à dose unique versus ceux à multiples fractions. On avait également noté une fréquence accrue de retraitement dans le groupe à dose unique. Référence 1. Wu JS, Wong R, Johnston M, Bezjak A, Whelan T; Cancer Care Ontario Practice Guidelines Initiative Supportive Care Group. Meta-analysis of dose-fractionation radiotherapy trials for the palliation of painful bone metastases. Int J Radiat Oncol Biol Phys. 1er mars 2003; 55(3):594-605. CONTRIBUTION À LA PRISE DE DÉCISION CLINIQUE Cette étude apporte un argument de plus en faveur du traitement à fraction unique des métastases osseuses des cancers du sein et de la prostate, mais on doit s’interroger sur la possibilité de généraliser les résultats à tous les types de métastases osseuses. Tous les textes de Critique et pratique sur Internet http ://machaon.fmed.ulaval.ca/medecine/cetp

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