La petite histoire de l’infirmière de colonie qui a donné son nom au premier avion-ambulance de l’ÉVAQ

La présentation récente du nouvel avion-hôpital de l’ÉVQAQ qui sera mis en opération dans quelques semaines a braqué pendant quelques instants les projecteurs sur le premier avion-ambulance qui avait assuré ce service de 1981 à 1988.Cet appareil avait été baptisé Valentine-Lupien en l’honneur d’une infirmière de colonie recrutée par le ministère de la Colonisation et des Terres pour pratiquer en Abitibi au milieu des années 30.Mais qui était Valentine Lupien? Elle est loin d’avoir la notoriété de sa consœur Blanche Pronovost, qui travaillait aussi en Abitibi à la même époque. Étrangement, même si elle a prêté son nom à un avion-ambulance, un parc à Rouyn-Noranda, un CLSC à Louiseville et une zone pastorale en Mauricie, on sait assez peu de choses sur cette infirmière qui a donné sa vie à sa profession et à ses patients, et qui est décédée le jour de ses 34 ans. Profession Santé a dû multiplier les recherches auprès de plusieurs sources et dans plusieurs régions afin d’en apprendre plus à son sujet.Son parcoursValentine Lupien est née en 1907, à St-Léon-de-Maskinongé, en Mauricie. Fille aînée de la famille, elle fait ses études à l’École des infirmières de l’Hôpital St-Jean-de-Dieu de Montréal, de 1930 à 1993. De 26 à 30 ans, Valentine travaille dans plusieurs hôpitaux de la métropole, fait des sauts en Ontario, puis revient pratiquer au Québec, à Rivière-du-Loup durant un an, puis à Rimouski une autre année.En mai 1937, elle réalise son rêve en obtenant un poste d’infirmière de colonie, en Abitibi. Elle est affectée au dispensaire de Destor, situé à environ 30 milles au nord de Noranda. Cette bourgade se trouve au cœur d’un territoire de 50 milles carrés où résident environ 700 colons.La vie peut s'avérer dangereuse pour les infirmières. Sa prédécesseure, «garde» Léonie Lafrance, meurt par noyade dans la rivière Lépine alors qu'elle se rend chez des patients. Valentine n’y travaille que quatre ans avant d’emportée par une maladie.145 dollars par moisComme toutes les infirmières de colonie, elle est chargée de réaliser les accouchements et de «fournir un service médical aussi complet que possible». On dit de ces infirmières qu’elles constituent les personnes les plus importantes de ces territoires, après le curé.Le dispensaire où elle loge et reçoit des patients n’a pas l’électricité et l’éclairage est rudimentaire. Il ne possède pas de puits et l’eau doit être puisée à la rivière située à un demi-mille. Elle touche un salaire de 145$ par mois et 5$ par accouchement, payé en argent ou à défaut, en bois de chauffage. Elle procède à une trentaine de naissances par année. Le 12 mai 1938, elle écrit au sous-ministre pour l’informer qu’elle est prête à acheter le fonds de pharmacie de Camille Vachon pour la somme de 50$ qu’elle fera parvenir au ministère de la Santé.Les malades les plus éloignés se trouvent à 9 milles du dispensaire. Pour les atteindre, elle utilise, selon la saison, son attelage de poney, un traîneau à chiens ou un «sleigh» en bois, voyageant seule, même la nuit. Une ligne téléphonique qui longe quelques rangs permet de la faire appeler en cas d’urgence.Les rapports avec le gouvernement semblent tout aussi difficiles qu’aujourd’hui. Le même sous-ministre à qui elle a écrit, un médecin, l’informe qu’il refuse d’honorer le compte de son fournisseur en glace et en bois parce que ces deux nécessités sont à la charge de l’infirmière.Appel du devoirEn 1941, Valentine Lupien commence à ressentir elle-même des problèmes de santé. En avril, elle revient dans sa famille lors du décès de sa mère, et en profite pour consulter des médecins spécialistes. Ils diagnostiquent une urémie et on lui conseille de prendre un mois de repos complet.L’appel du devoir est cependant plus fort que sa propre vie. Comme ses tâches durant son absence sont accomplies par une de ses collègues d’un autre dispensaire, elle décide de retourner à Destor. Insensible à la progression de sa maladie, relate sa sœur, infirmière elle aussi, elle continue de s’occuper de ses patients même si sa santé se dégrade de façon sévère en deux mois à peine.Le 18 juin, une amie vient lui rendre visite et la trouve à moitié paralysée dans son bureau. Transportée d’urgence à l’hôpital de Noranda, elle tombe dans un état comateux et meurt le lendemain, le jour même de son 34e anniversaire.Hommage généralEn donnant le nom de Valentine-Lupien à l’avion-ambulance, expliquait le ministre des Affaires sociales du Québec en 1981, le Québec ne visait pas uniquement à rappeler le souvenir de cette infirmière. Il cherchait à travers elle «à honorer la mémoire des centaines de personnes qui dans des conditions absolument héroïques, ont joué un rôle essentiel dans le développement des régions éloignées».Valentine Lupien ne l’a jamais su, mais l’infirmière dévouée et anonyme qu’elle était aura laissé une trace profonde de son passage.

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