La complexité des modalités de rémunération augmente les risques d’erreurs de facturation, dit la VG

Les ententes de rémunération des médecins sont demeurées aussi complexes qu’elles l’étaient en 2015 et cette complexité contribue à augmenter les risques d’erreurs de facturation ainsi que les délais lorsque vient le temps d’effectuer des modifications. C'est ce que note la Vérificatrice générale du Québec dans son rapport 2021 portant sur le domaine de la santé qu'elle a déposé le 2 juin à l’Assemblée nationale.Pour les omnipraticiens, l’entente générale présentement en vigueur date de 1976 et est constituée de plus de 350 documents. L’accord-cadre des spécialistes remonte à 1995 et il s’y greffe plus de 225 documents. Au fil du temps, ces ententes sont devenues de plus en plus complexes en raison des mises à jour qui consistent généralement en l’ajout de nouvelles ententes sous-jacentes.En plus, la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) produit neuf manuels et sept guides pour accompagner les médecins dans leur facturation, souligne la Vérificatrice générale.Non seulement l’enchevêtrement de la mécanique de gestion de la rémunération des médecins engendre des délais d’application importants, mais elle rend aussi difficile le traitement de la facturation et elle est la cause d’erreurs, soulève Guylaine Leclerc. Le fait que le gouvernement et les fédérations médicales aient historiquement voulu prévoir une rémunération associée à plusieurs particularités, comme le lieu de pratique ou la complexité de la clientèle, a des conséquences sur l’efficacité de la gestion de cette rémunération, ajoute-t-elle.Explosion des codes de facturationDepuis l’adoption de l’entente générale et de l’accord-cadre, le nombre de codes de facturation a augmenté de façon vertigineuse, passant d’environ 500 lors des premières ententes à plus de 12 300 en 2021. À ces codes peuvent se greffer plus de 375 éléments de contexte ainsi que le moment où le service a été rendu. Les manuels de facturation des omnipraticiens et des spécialistes totalisent aujourd’hui 4 075 pages, dont 577 concernent uniquement les instructions de facturation.Bien que les médecins demeurent responsables de l’exactitude de leur facturation, plus de 90 % d’entre délèguent maintenant cette tâche aux quelques 180 agences de facturation de la province. En outre, au cours des deux dernières années, le Centre d’assistance aux professionnels de la RAMQ a répondu à plus de 155 000 appels liés à la facturation provenant de médecins et d’agences de facturation.Cette complexité, relève la VG, a des conséquences multiples, notamment dans l’adaptation de la facturation à l’évolution des technologies. Les changements nécessaires à cet arrimage exigent beaucoup de temps. Les vérificateurs notent par exemple qu’il a fallu cinq ans pour négocier la révision d’un code de facturation parce que l’évolution des rôles faisait en sorte que le médecin ne devait plus être rémunéré pour une prise en charge complète. Or, même après cinq ans, les modalités de mise en œuvre de ce changement sont toujours en cours.La multiplication des codes de facturation et son impact sur les systèmes de facturation de la RAMQ nuisent à la capacité de produire une information de gestion pertinente, déplore Guylaine Leclerc. Il s’ensuit que même le MSSS est incapable de suivre des indicateurs de base, comme le nombre de visites par médecin. À titre d’illustration, une baisse de 23 % du nombre de visites par jour par omnipraticien a été observée entre 2007 et 2020. Étant dans l’incapacité de compiler l’intégralité des visites, le MSSS n’est pas en mesure d’évaluer la diminution réelle du nombre de visites et d’en comprendre les causes et mesurer l’effet sur l’accessibilité des services.Croissance annuelle 8% de la rémunération Les dépenses en santé au Québec, apprend-on toujours dans le rapport 2021 de la VG sur la santé, ont atteint 40,2 milliards de dollars au 31 mars 2020. De ce montant, 36,9 milliards ont été principalement consacrés au financement des établissements et à la rémunération des médecins.Voici quelques autres données tirées du rapport 2021 de Guylaine Leclerc:- Au 31 mars 2021, plus de 10 000 omnipraticiens et plus de 11 000 spécialistes étaient rémunérés par la RAMQ. Pour l’année financière 2019-2020, les coûts associés à leur rémunération s’élevaient à 7,5 milliards de dollars.- Depuis 2009-2010, la part de ces coûts dans les dépenses de programmes en santé et services sociaux a varié entre 16 et 22 % . Pendant la même période, le coût par habitant en dollars constants de la rémunération des médecins a augmenté de 32 %, alors qu’ils ont crû de 13% pour les autres dépenses de programmes.-La croissance de la rémunération des médecins a atteint un rythme annuel moyen de 8 % entre 2007 et 2017, alors que celle des autres dépenses du portefeuille du MSSS s’élevait à 3 % par année.-La croissance de leur rémunération a accaparé une part importante de l’augmentation du portefeuille de la santé et des services sociaux, de 44 % en moyenne.-Entre 2007 et 2017, les enveloppes budgétaires destinées à la rémunération des médecins québécois ont été augmentées de 2 milliards de dollars afin que leur rémunération rattrape celle de leurs collègues des autres provinces- L’application de l’indicateur du niveau de richesse a permis au gouvernement du Québec de conclure que la rémunération de ses médecins spécialistes a été supérieure à la moyenne de la rémunération de leurs collègues des autres provinces à partir de 2015 et que cette situation devrait perdurer jusqu’en 2023.Risque d’une croissance de la rémunérationLa Vérificatrice générale lance un message de vigilance au gouvernement : le MSSS aura intérêt à réaliser un suivi rigoureux des enveloppes budgétaires dans le contexte de l’après-pandémie. Elle croit que dans les années à venir, le rattrapage des soins à prévoir en raison du délestage de certaines activités risque d’entraîner une augmentation des dépenses de rémunération des médecins et ainsi d’entraîner un dépassement de leurs enveloppes budgétaires.

La complexité des modalités de rémunération augmente les risques d’erreurs de facturation, dit la VG

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