Innovation en santé: «Nous sommes à la croisée des chemins» – Dr Gaétan Barrette

L’innovation en santé a fait l’objet d’une semaine de réflexion et d’échanges, réunissant, à Québec, des acteurs de tous les milieux concernés: industrie, médecine, décideurs, gestionnaires et, dans un faible pourcentage, usagers. Trois événements majeurs ont été organisés afin de discuter de l’évaluation et de l’intégration des innovations en milieu de santé: le Forum évaluation et technologies innovantes, tenu par l’INESSS, le Forum de l’industrie de la santé et Le Québec en mode solutions, édition santé.«Nous sommes loin de l’époque où les radiologistes ne voulaient plus se rendre dans des congrès internationaux parce qu’il y était beaucoup question de résonance magnétique et qu’un seul hôpital québécois en possédait», a raconté le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), le Dr Gaétan Barrette.En effet, le Québec a comblé une grande partie de son retard en matière de technologies, affirmait récemment un haut dirigeant du CHU de Québec à L’actualité médicale, et les progrès se poursuivent à vitesse grand V.Les secteurs de la santé et de la médecine se trouvent au cœur d’une explosion des innovations technologiques, mais ce boom s’accroît en même temps qu’augmentent les contraintes budgétaires, a souligné une participante du panel auquel prenait part le Dr Barrette.D’où la nécessité, pour les décideurs, d’être vigilants avant de sélectionner les technologies qui vont représenter un véritable progrès et une valeur ajoutée, et de ne pas succomber aux prétentions de l’industrie. À ce sujet, le Dr Barrette a mentionné le cas de la thermoablation, une technique visant à détruire les tumeurs. Quand elle est apparue sur le marché, «c’était de la magie, le bout du bout», a-t-il dit. Toutefois, dans la pratique, elle n’a pas donné exactement les résultats que laissait entrevoir la recherche, de sorte que nous sommes toujours dans une zone grise.Faire les bons choixComment faire les bons choix alors que certaines technologies de pointe coûtent souvent des centaines de milliers de dollars, parfois même des millions?En réalisant des évaluations neutres et objectives, comme en réalisent l’INESSS et les unités d’évaluation des technologies des hôpitaux, croit le Dr Barrette. Selon lui, «nous sommes à la croisée des chemins».«Dans une problématique à la fois clinique et économique, alors que nous sommes tous en compétition pour les dollars, il faut sélectionner des technologies prometteuses et qui vont donner les bénéfices recherchés, a-t-il commenté. La dernière chose qu’on veut, c’est acquérir un équipement qui ne livre pas la marchandise. L’évaluation devient alors une espèce d’arbitre. Ce que j’ai vu de plus correct, ce sont des évaluations neutres par des organisations comme l’INESSS.»Pas un freinL’évaluation ne doit pas devenir un frein à l’innovation, croit de son côté le Dr Marc Rhainds, coordinateur médical et scientifique d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé (ETMIS) du CHU de Québec. Du même souffle, il a lancé un message très important à l’assistance:«Ce n’est pas au réseau de la santé d'utiliser ses fonds pour pouvoir expérimenter les technologies développées par l’industrie.»Le défi qui attend des gestionnaires de terrain comme lui, dit-il, «ce serait de pouvoir, dans un cycle de désinvestissement, sortir des établissements des appareils obsolètes et d’y introduire des choses prometteuses plutôt que de nouveaux équipements sans valeur ajoutée qui ajoutent aux coûts du système».Et le patientAu milieu de tous ces enjeux, où se heurtent intérêts financiers, cliniques, recherches et innovations, quelle place occupe le patient? a soulevé Vincent Dumez, directeur du Bureau de l’expertise patient partenaire de l’Université de Montréal, et lui-même atteint de trois maladies chroniques.Durant ses deux interventions lors du panel, il déploré que ces secteurs travaillent en silos. Il a aussi insisté sur le fait que les patients doivent être impliqués dans l’évaluation.«Il reste beaucoup de travail pour intégrer la perspective des patients dans les processus d’évaluation, a-t-il fait valoir. Les données probantes sont importantes pour arriver à un certain niveau de qualification, mais ce n’est pas une raison pour rejeter le savoir exponentiel des patients. L’enjeu majeur de l’innovation, c’est de trouver l’équilibre entre la réalité des personnes qui vivent au quotidien avec le résultat des attentes générées par les technologies.»

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