Impact économique des immunoglobulines en administration sous-cutanée au Québec et analyse d’impact budgétaire
- Auteur(e)s
Thi Thanh Yen Nguyen, B.Pharm., DESS Pharmacienne et pharmacoéconomiste, Richard Lavoie, M.Sc., Économiste
Dans le contexte actuel, les services de santé accaparent une part croissante des dépenses publiques et le système subit une pénurie de personnel, notamment infirmier.3-4-5 À cet égard, plusieurs analyses ont souligné les avantages économiques d’une utilisation accrue des IgSC, entrainant une réduction des coûts directs du système de santé et une économie en personnel infirmier.6-7-8
Le Québec présente une bonne disponibilité de statistiques sur l’utilisation des Ig. L’INSPQ a publié chaque année, entre 2015/16 et 2020/21, un rapport détaillé sur l’utilisation des Ig.1 On peut ainsi évaluer l’impact économique des IgSC de manière assez réaliste. L’objectif de cette analyse est d’évaluer l’impact des IgSC en termes qualitatifs sur l’expérience des utilisateurs et des professionnels de la santé, et en termes économiques pour le gouvernement et la société québécoise. De manière plus précise, cette étude vise à:
- Faire une description qualitative de l’expérience réelle des utilisateurs et des professionnels en soins infirmiers avec les IgSC.
- Estimer rétrospectivement l’impact budgétaire des IgSC au cours des dernières années.
- Estimer prospectivement l’impact budgétaire des IgSC sur les prochaines années.
REVUE DE LITTÉRATURE
Préférence des utilisateurs
Des résultats cliniques rapportés par les patients ontariens atteints de DIS recevant des Ig ont récemment été publiés par Abadeh et coll. (2023). Il s'agit du premier rapport provenant du plus grand registre ontarien (ONIT), un programme gouvernemental visant à soutenir l’utilisation des IgSC à domicile. Dans le cadre de ce programme, un registre de cas cliniques provenant de trois grands hôpitaux universitaires de l'Ontario a été créé afin d’évaluer l’utilisation des IgSC, leur efficacité et les résultats cliniques rapportés par les patients.10
Les résultats de cette étude indiquent que le traitement substitutif par les IgIV ou IgSC réduit de 82,6% le nombre moyen annuel d’infections, de 84,6% les visites aux urgences et de 83,3% les hospitalisations. De plus, 84,6% des patients ont déclaré que leur santé était meilleure avec l’utilisation des Ig. En particulier, les patients ayant reçu un traitement avec les IgSC ont signalé une diminution de 82,5% du taux d’infection, de 90,9% des visites aux urgences et de 80,0 % des hospitalisations comparativement à leur situation avant le traitement. Parmi les patients qui sont passés de l’administration intraveineuse (IgIV) à celle sous-cutanée (IgSC) (N = 35), 62,9% (2/3) ont déclaré que leur état de santé était meilleur et seulement 33,3% (1/3) des patients déclarent que leur état est demeuré le même.10
Ces données concordent avec les résultats du questionnaire SF-36 d’une autre étude, qui a rapporté une amélioration globale de la qualité de vie, chez 33 patients atteints de DIS qui sont passés d’un traitement IgIV à un traitement IgSC.11 Les résultats de cette étude indiquaient que les IgSC étaient associées à moins d'effets secondaires systémiques, des taux résiduels d'Ig plus stables tout en offrant aux patients la commodité de l'auto-injection à domicile. De plus, l’administration des IgSC à domicile a permis d'améliorer l'observance au traitement et réduire considérablement les coûts en diminuant le besoin de se rendre à l'hôpital pour obtenir des IgIV mensuellement et de s’absenter du travail. Selon les auteurs de cette étude, l'impact positif des IgSC sur l'état de santé général des patients implique que l’administration des IgSC à domicile devrait devenir plus largement disponible aux patients.10
Dans un autre récent sondage réalisé en juin 2022 par l’Association des patients immunodéficients du Québec (APIQ) auprès de 234 répondants, plus de 85% des patients ont affirmé avoir une préférence pour les seringues d’IgSC préremplies. Si un choix leur était offert, plus de 70% préfèreraient les seringues préremplies alors que seulement 4% considéreraient recevoir les IgIV. Plus de 80% des répondants ont affirmé que les seringues préremplies sont plus simples et faciles d’utilisation. Par ailleurs, 70% des répondants ont affirmé qu’ils étaient plus confortables avec les IgSC préremplies et que ceux-ci comportent moins de risques de contamination que la manipulation des fioles IV.13
Dans une revue systématique effectuée par Overton et coll en 2021, les chercheurs ont évalué les raisons expliquant la préférence des utilisateurs pour l’administration des Ig par voie SC comparée à la voie IV.14 Les principales raisons pour expliquer la préférence de la méthode d’administration sous-cutanée ont été classées dans l'ordre d’importance suivant :
- Plus pratique et plus convenable pour le traitement à domicile.
- Permet d’éviter d'avoir à se déplacer ou de se rendre à l'hôpital.
- Économie de temps et moins d'interférences avec la vie quotidienne.
- Méthode d'administration simple à utiliser.
- Procure un plus grand sentiment d’indépendance et de liberté.
- Préférence pour l'auto-injection.
Selon l'étude de prolongation de PATH est un essai clinique de phase III mené par van Schaik et coll. (2018) dans lequel 172 patients atteints de polyneuropathie démyélinisante inflammatoire chronique étaient répartis de façon aléatoire pour recevoir une dose faible (0,2 g/kg) ou une dose élevée (0,4 g/kg) d'une solution d’IgSC à 20% (Hizentra®) ou d’un placebo pour une durée de suivi de 2 ans, 82% des patients préféraient le traitement par IgSC. Les raisons invoquées pour expliquer cette préférence étaient l’autonomie (71,6%), l’économie de temps (40,5%), la rapidité d’injection (37,8%) et moins d’effets secondaires (31,1%). Les résultats indiquaient que seulement 12,2% des patients préféraient le traitement par IgIV et que 5,4% n'avaient aucune préférence lorsqu’interrogés à la fin de l’étude de prolongation.16
En 2014, Samaan et coll. ont mené une étude rétrospective à l'Hôpital Sainte-Justine de Montréal auprès de 143 enfants atteints de DIP afin d'évaluer leur préférence entre un traitement par IgIV ou IgSC. Dans la première cohorte, 51 patients déjà sous traitement par IgIV ont eu le choix de rester sous IgIV ou de passer en IgSC, avec un suivi moyen sur 52 mois. Dans une seconde cohorte, 92 patients nouvellement diagnostiqués ont eu le choix entre un traitement par IgIV ou IgSC avant de recevoir leur première dose. Dans la première cohorte, 50 des 51 (98%) patients ont choisi de passer à l’IgSC et 44 des 51 (88%) patients ont préféré demeurer avec l’IgSC durant la période de suivi. Dans la secon de cohorte, 44 patients (48%) ont initialement choisi l'IgSC et 42 (95%) de ces patients sont restés avec l’IgSC après un suivi moyen de 33 mois. En revanche, sur les 48 (52%) patients nouvellement diagnostiqués ayant choisi l'IgIV, 35 (73%) sont passés à l'IgSC au cours de la période de suivi.17
ÉVALUATION DES COÛTS
Préalablement à l’évaluation de l’impact budgétaire des IgSC au Québec, on a estimé les volumes d’utilisation qui constituent le socle auquel on appliquera ensuite les facteurs de coûts. On doit tenir compte de l’effet perturbateur de la COVID-19 sur les volumes d’Ig administrés. Le tableau 1 rapporte les chiffres historiques ainsi que la prévision du nombre d’utilisateurs et des volumes d’Ig dispensés au Québec. Les volumes des périodes 2015/16 à 2020/21 proviennent des statistiques publiées par l’INSPQ.1-29-30-31-32