Grand forum citoyen: les milles visages de la maladie cœliaque

Citoyens, parents, médecins, pharmaciens… Plusieurs individus se sont rassemblés au campus MIL de l’Université de Montréal (UdeM) en novembre pour discuter et témoigner des impacts de la maladie cœliaque sur le quotidien dans le cadre d’un grand forum citoyen.La maladie cœliaque est une maladie auto-immune chronique qui pousse les personnes atteintes à développer une réaction immunitaire «anormale et disproportionnée» après la consommation d'aliments contenant du gluten, explique l’organisme Cœliaque Québec. À lire aussi: Maladie cœliaque et sensibilité au gluten non cœliaque: quelle est la différence?Cette maladie affecte 1% de la population québécoise – soit plus de 82 000 personnes. Ces dernières ont accès à un seul «traitement»: un régime sans gluten à vie.Un tel régime vient avec son lot de défis. Des activités normales, telles que faire l’épicerie ou aller au restaurant, peuvent rapidement devenir complexes pour les personnes atteintes de la maladie cœliaque. Les produits sans gluten sont souvent moins accessibles et plus chers.Divers fardeaux sociauxCe régime est souvent accompagné d’un sentiment d’exclusion, qui à son tour influence la santé psychologique et financière des personnes vivant avec la maladie cœliaque. En 2021, l’organisme Cœliaque Québec a déployé un sondage visant à mesurer les impacts de cette maladie sur la qualité de vie des adultes québécois. Ce sondage fait partie d’une étude réalisée en partenariat avec le Département de nutrition de l’Université de Montréal et a permis l’analyse de 733 questionnaires. À consulter: Syndrome de l’intestin irritable: et si le gluten n’était pas en cause?Les résultats mettent en valeur les divers fardeaux sociaux impactant le quotidien des individus cœliaques: 80% évitent ou limitent les visites au restaurant, 62% font de même pour les voyages et 70% ont ressenti un sentiment d’exclusion dans le mois précédant l’étude. Cette exclusion peut aussi survenir dans la famille ou l'entourage de la personne diagnostiquée: 54% ont déjà refusé d’aller manger chez un proche et 42% ont vécu une incompréhension par un proche.L’étude révèle également les lacunes du soutien financier offert par le gouvernement, via un crédit d’impôt. Alors que 52% des individus devant suivre un régime strict sans gluten déboursent de 1000$ à 2500$ de plus que ceux qui ne le suivent pas, 72% des individus cœliaques ne sont éligibles qu'à un crédit d’impôt de moins de 500$. Plus du trois quarts sont toutefois d’avis que la demande du crédit d’impôt ne vaut simplement pas la peine d'être faite, en raison de sa complexité et du temps qu’elle requiert. À lire aussi: Maladie cœliaque: un nouveau guide alimentaire gratuit à destination des professionnels de santéPlus de 200 signes et symptômesLa Dre Dominique Deschênes, omnipraticienne, professeure de clinique agrégée à la Faculté de médecine de l’Université Laval et conseillère médicale au conseil d’administration de Cœliaque Québec, a elle-même reçu ce diagnostic. Elle a expliqué que ses premiers symptômes ont d'abord été attribués à d’autres conditions, comme le psoriasis, puis le reflux gastrique œsophagique. La Dre Deschênes a éventuellement reçu son diagnostic dans un autre contexte médical, celui de l’infertilité. Une prise de sang a notamment dévoilé un taux d’anticorps anti-transglutaminases de type immunoglobulines A (IgA) légèrement élevé. Son histoire n’en est qu’une parmi tant d’autres, car cette maladie peut s'exprimer à travers plus de 200 signes et symptômes, comme des ballonnements, de la diarrhée, une fatigue chronique, des troubles de fertilité, de l'anémie ferriprive, ou une dermatite herpétiforme. «Dans cette panoplie de symptômes, 25% des symptômes sont digestifs bas et 75% sont autre chose», souligne la Dre Deschênes.«Il va falloir qu’on optimise les connaissances médicales, c’est vraiment urgent», affirme la Dre Deschênes.Ainsi, si une prise de sang révèle des IgA chez un patient, par exemple, elle recommande fortement de le référer en gastroentérologie. Elle encourage d'ailleurs les médecins de famille à s'informer sur cette maladie, afin de l’inclure dans leurs diagnostics différentiels. «Si on ne connaît pas la maladie [cœliaque], on a le devoir d'apprendre, de la connaître, de l'intégrer dans le diagnostic dans notre raisonnement clinique», exhorte la Dre Deschênes. Plus de 80% des gens vivant avec cette maladie l’ignorent, et deux enquêtes d’envergures menées au Canada indiquent qu’environ 12 ans s’écoulent entre l’apparition des premiers symptômes et le diagnostic.1,2L’étude conjointe de Cœliaque Québec et du Département de nutrition de l’Université de Montréal a aussi révélé comment les patients ont perçu le niveau de connaissance des professionnels de la santé qu'ils ont eu l'occasion de consulter. Plus de la moitié d'entre eux ont remarqué des lacunes, que ce soit parce que les professionnels de la santé ne semblaient pas détenir beaucoup d'informations sur le sujet ou parce qu'ils avaient l'impression que leurs symptômes n'avaient pas été pris au sérieux ou considérés plus globalement. «Quand la maladie est mal diagnostiquée, les visites [chez le médecin] peuvent s'additionner rapidement», remarque la médecin de famille. «Le coût en soins de santé que cela représente est énorme.»Références:Cranney A, Zarkadas M, Graham ID, Butzner JD, Rashid M, Warren R, et coll. The Canadian Celiac Health Survey. Digestive Diseases and Sciences. 2007 Feb 22;52(4):1087–95. doi:10.1007/s10620-006-9258-2 Pulido O, Zarkadas M, Dubois S, MacIsaac K, Cantin I, La Vieille S, et coll. Clinical features and symptom recovery on a gluten-free diet in Canadian adults with Celiac Disease. Canadian Journal of Gastroenterology. 2013;27(8):449–53. doi:10.1155/2013/741740

Grand forum citoyen: les milles visages de la maladie cœliaque

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes