Fiscalité: L’exercice de la pharmacie en société, peu populaire auprès des pharmaciens propriétaires

Les deux tiers des 1810 pharmaciens propriétaires du Québec ont préféré continuer à exploiter leur pharmacie en leur nom personnel ou en société en nom collectif plutôt que de profiter des nouvelles possibilités que leur offrait le Règlement sur l’exercice de la pharmacie en société.Selon le Rapport annuel 2009-2010 de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ), 609 pharmaciens ont choisi d’exercer leur profession en société par actions (SPA) ou en société en nom collectif à responsabilité limitée (SENCRL) depuis l’entrée en vigueur du Règlement sur l’exercice de la pharmacie en société en juin 2008. De ce nombre, la majorité des pharmaciens propriétaires ou consultants, soit 599 (98,4 %), a opté pour la SPA (synonyme d’incorporation) au lieu de la SENCRL au 31 mars 2010.Ainsi, seulement un tiers des 1810 pharmaciens propriétaires ont converti l’exercice de leur profession en SPA ou en SENCRL. Pourquoi si peu d’entre eux ?« Le Règlement sur l’exercice de la pharmacie en société est tellement strict que, sur le plan fiscal, il peut y avoir des désavantages à s’incorporer et aucun avantage fiscal à exercer en SENCRL », explique Michel Dallaire, comptable, fiscaliste et associé de la firme de comptables agréés Dallaire Forest Kirouac, qui conseille de nombreux pharmaciens propriétaires. « Les pharmaciens propriétaires incorporés qui gagnent des revenus et se versent des dividendes de leur compagnie peuvent même avoir à payer plus d’impôts. De plus, en cas de vente, les acheteurs ne sont pas intéressés à acheter les actions, mais les actifs, compte tenu des nombreuses restrictions du règlement. »Le fiscaliste poursuit : « C’est le règlement sur l’incorporation des professionnels le plus strict que j’ai vu. Contrairement à celui des médecins, par exemple, celui des pharmaciens ne permet ni la création d’une compagnie de gestion ni le fractionnement de revenus avec des non-pharmaciens. Il enlève aussi de la flexibilité dans la planification fiscale quant au report du paiement d’impôts et en cas de vente des actions. »Me Stéphane Lemieux, avocat chez Garneau Verdon Michaud Samson de Québec, cabinet qui représente plusieurs pharmaciens propriétaires, partage cette explication. « Dans les bureaux d’avocats, la SENCRL a été très populaire parce que les associés de chacune des compagnies de gestion de chaque avocat peuvent être des non-avocats, par exemple l’épouse et les enfants des avocats. Quant aux pharmaciens, le code de déontologie et la Loi sur la pharmacie ne leur permettent pas de s’associer à des non-pharmaciens, ce qui leur enlève certains avantages fiscaux. »Selon Me Lemieux, les coûts supplémentaires qu’exige la création d’une compagnie ont peut-être aussi limité le changement. « C’est plus compliqué de créer une compagnie, notamment en raison des frais de constitution, de l’obligation de produire annuellement des états financiers et de tenir une comptabilité différente. Le pharmacien doit alors se demander s’il vaut vraiment la peine de mettre en place une compagnie, compte tenu des profits qui y seront laissés. »Il ajoute que les pharmaciens n’ont pas besoin de SPA ou de SENCRL pour se protéger contre d’éventuelles poursuites judiciaires. « Les pharmaciens détiennent déjà une assurance responsabilité professionnelle. Il faudrait commettre une faute très importante pour que le montant d’une poursuite dépasse la protection de cette assurance responsabilité. »Selon Michel Dallaire, « l’incorporation est avantageuse pour les pharmaciens qui achètent une pharmacie ou qui ont une dette importante. Le report d’impôts leur permet de rembourser leur emprunt parce que le taux d’impôts d’une compagnie pour les premiers 500 000 $ de revenus était de 19 % en 2010, et de près de 30 % pour l’excédent de 500 000 $, par rapport à près de 48 % pour un individu. » La pratique en SENCRL ne permet pas de reporter le paiement d’impôts, précise-t-il, ce qui explique pourquoi la grande majorité des pharmaciens ont opté pour une SPA. Les pharmaciens exerçant en SENCRL doivent payer le taux d’impôts individuel avoisinant les 48 %.L’OPQ a rédigé le Règlement sur l’exercice de la pharmacie en société en respectant la Loi sur la pharmacie, notamment la propriété exclusive d’une pharmacie à un pharmacien (article 27).

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