Financement des hôpitaux à l’activité: «Davantage collé aux besoins du patient» -- Lise Denis

Le financement des hôpitaux à l’activité est-il un moyen inventé par Québec pour forcer les médecins à «produire plus»? Et d’où en vient l’idée, au fait?«C’est une demande formulée par un grand nombre d’établissements de santé. Non, il ne s’agit pas de contrôler les médecins, mais de prendre acte que l’actuel mode de financement, historique et populationnel, a atteint ses limites», répond à ProfessionSanté.ca la DG de l’Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux (AQESSS), Lise Denis.Le financement à l’activité tient compte du nombre d’interventions médicales réalisées par chaque hôpital. À chacune d’elles est attaché un paiement prédéterminé.«Voilà un mode de financement davantage collé aux besoins du patient. Une façon aussi de lier volumes, coûts et qualité, ce qu’on ne fait pas pour l’instant», commente Lise Denis.Le patient, un revenuTraditionnellement, le malade est vu comme une dépense, puisqu’il entame le budget de l’hôpital.Le financement à l’activité en ferait plutôt une source de revenus. «Si l’on veut que l’allocation budgétaire repose sur les besoins réels de la clientèle, l’équité, la facilité d’accès, alors, c’est clair, il faut vraiment changer les choses», explique Lise Denis.Le financement à l’activité implique une culture de comparaison entre établissements et entre équipes médicales.«Comparaison des données financières, certes, mais aussi de la qualité des services rendus, du climat régnant dans les établissements, de l’accès aux soins, de la justesse des services rendus, etc.», précise Lise Denis.Aux critères de coûts et de volumes s’ajoutent ceux de sécurité et de qualité. «Les attentes de la population vieillissante sont élevées en matière de suivi et de sécurité des soins. Des infections nosocomiales dans nos hôpitaux par exemple, c’est de moins en moins accepté et acceptable», explique la DG de l'AQESSS.Groupe d’expertsLe ministre des finances Raymond Bachand a annoncé ce printemps la création d’un groupe d’experts* chargé d’évaluer les modèles de financement à l’activité.Le comité produira sous peu son plan de match, avec suggestion d’expériences pilotes à préparer cet automne. On envisage leur mise en place graduelle dès le printemps 2013. L’AQESSS a applaudi.Prenons appui sur ceux des hôpitaux qui ont amorcé le travail, poursuit Lise Denis, car du financement à l’activité, il s’en fait déjà, autour de la chirurgie surtout.«Il s’agirait de l’extensionner au pré et au post-opératoire et d’évaluer ainsi toute la chaîne de soins, pas juste l’intervention ponctuelle. Ce type d’évaluation, on peut aussi l’appliquer pour la longue durée, en considérant des épisodes de soins, comme l’Alberta le fait déjà», explique-t-elle.À droite…À l’Institut économique de Montréal, par exemple, on se réjouit de l’éventuel recours au financement à l’activité.Une façon, dit-on, de susciter, ou de renforcer, la conscience des coûts, dans un réseau qui doit se discipliner financièrement, sur fond de crise des finances publiques.Et à gaucheÀ l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS), par contre, on s’en inquiète comme d’«une étape vers l'élargissement de la place du privé en santé.»Un chercheur de l'IRIS, Guillaume Hébert, estime que le nombre de gestionnaires a augmenté de 77% quand l’Angleterre l’a implanté. Il fait valoir qu’aux États-Unis, où ce type de financement est une réalité, l’«Obamacare» en cours vise justement à s'en éloigner.Avec les médecins «Nous ne parviendrons pas à instaurer le financement à l’activité si l’on n’associe pas les médecins. Et pour cela, ils doivent être davantage impliqués dans la gestion. Pas juste pour contrôler les coûts et les volumes, mais aussi pour assurer la qualité des services rendus», poursuit Lise Denis.La condition de départ du succès, selon elle, c’est l’accès réussi au médecin de famille.«C’est le cœur du service, affirme-t-elle. Nos établissements ont conclu des ententes avec les GMF à ce sujet, et de plus en plus avec des cliniques privées. Mais pourquoi ne pas prévoir d’étendre le financement à l’activité à la première ligne et au maintien à domicile, par exemple?»Lise Denis compte par ailleurs sur «le pouvoir scientifique et de conviction» de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESS) pour faire évoluer la mentalité des médecins au sujet des vertus du financement à l’activité, y compris pour le mieux-être des patients.L’AQESSS elle-même ne part pas de zéro en matière de réflexion face au financement à l’activité, indique-t-elle. L’Association sortira à l’automne son propre Rapport Performance.«Espérons enfin que les travaux du groupe d’experts bénéficieront d’une certaine pérennité, au-delà des aléas de la prochaine période électorale!», conclut la DG de l'association.ConcurrenceLe financement à l’activité instaurerait une concurrence entre les fournisseurs de services. On tiendrait désormais compte de facteurs élargis, les taux de réadmissions par exemple.Et c’est là que les médecins tiquent, eux qui, jusqu’ici n’ont de compte à rendre à personne en matière de coût/efficacité de leurs services. Et qui sont par ailleurs souvent vus par les administrateurs comme des «générateurs de coûts».Tout changement exigera de revoir, à terme, les modes de rémunération des médecins, afin de mettre les incitatifs à la bonne place.*Wendy Thompson (McGill), présidente, Pierre Schedler et Roger Paquette. Budget d’environ 8,5 M$ pour un mandat de trois ans. Voir aussi le document Allocation des ressources aux établissements de santé et services sociaux : pistes et balises pour implanter le financement à l’activité (AQÉSSS, février 2012).

Financement des hôpitaux à l’activité: «Davantage collé aux besoins du patient» -- Lise Denis

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes