«Faites un suivi avec votre médecin de famille d’ici une à deux semaines»

Il s'agit d'une phrase de décharge par défaut souvent lancée par réflexe. Une formule fourre-tout qui renvoie à la responsabilité et à l'obligation. Chers collègues, il faudrait vraiment y réfléchir à deux fois avant de l’énoncer, plaide le Dr Adam Stewart. Il est vrai que nous, médecins de famille, sommes très compétents et expérimentés, comme le reconnaissent gentiment de nombreuses demandes de consultation (tout en délestant vers la médecine de famille). Les patients nous font confiance. C'est nous qui connaissons le mieux nos patients. Et la continuité des soins est particulièrement importante. Mais quelque chose doit changer. Les médecins de famille s'épuisent. Ils prennent une retraite anticipée ou changent de carrière. Il n'y a pas assez de recrues parmi les étudiants en médecine pour combler le vide qui ne cesse de s’accroître. Il suffit de lire les manchettes des journaux sur la crise de la médecine familiale et sur les millions de Canadiens qui n'ont pas de médecin de famille. La médecine familiale est devenue une option peu attrayante pour les étudiants en médecine. Une étude récente a montré que les médecins de famille ont théoriquement besoin de 27 heures par jour pour remplir les tâches qui leur incombent. (Il s'agit de 27 heures de travail par jour, et non de 27 heures par jour). Pour alléger ce fardeau, la médecine familiale doit cesser d'être une décharge pour le travail des autres. Trop souvent, le conseil de «faire un suivi auprès de son médecin de famille» fait partie de cette décharge. C'est souvent tout à fait inapproprié Quelqu'un peut-il m'expliquer pourquoi il est conseillé aux patients de «faire le suivi avec leur médecin de famille» après une intervention chirurgicale? Je suis peut-être trop pragmatique, mais cela n'a aucun sens logique quand on y réfléchit. Prenons l'exemple d'un patient que j'ai vu dans ma clinique la semaine dernière. On venait de lui retirer sa vésicule biliaire gangrenée. Vient ensuite le conseil de décharge commun, bien qu’énoncé à l'envers: Le suivi avec votre médecin de famille doit se faire dans un délai d'une semaine. Le suivi avec le chirurgien se fait ensuite dans les six semaines. Lorsqu'un patient consulte son médecin de famille après une opération, deux situations sont possibles: (A) Le patient va très bien. Aucune inquiétude. Pas de douleur. Pas de fièvre. Les intestins fonctionnent bien. Tout va bien. Alors pourquoi le patient consulte-t-il le médecin de famille en premier lieu? Il occupe un créneau de rendez-vous qui aurait pu être utilisé pour quelqu'un qui en a vraiment besoin! ou (B) Le patient présente une complication post-opératoire. Qu'il s'agisse d'une douleur, d'une infection, d'une fièvre ou de tout autre problème. Dans ce cas, pourquoi le patient est-il assis devant son médecin de famille après l'opération et non devant le chirurgien? Les gens ne voient-ils pas l'illogisme de cette situation? Et pourtant, cette consigne de sortie est donnée tous les jours. Tout cela sans parler du cauchemar logistique et du fardeau administratif qui retombent sur les épaules des médecins de famille et de leur personnel pour coordonner les rendez-vous urgents et imprévus avec les spécialistes, le cas échéant. D'autres fois, c'est loin d'être dans l'intérêt du patient Imaginons un autre scénario réaliste. Une patiente est hospitalisée pour une nouvelle fibrillation auriculaire aggravée par une insuffisance cardiaque congestive et une insuffisance rénale aiguë. La patiente est mise sous une multitude de nouveaux médicaments. Une patiente assez complexe. Il est compréhensible qu'elle ait eu besoin de l'unité de soins intensifs et de l'expertise de spécialistes en médecine interne tout au long de son séjour à l'hôpital. Certains des médicaments qu'elle a commencé à prendre dépassent le champ d'action et l'expertise de la plupart des médecins de famille. Et pourtant, voici que reviennent les mêmes instructions de sortie: Faites un suivi avec votre médecin de famille d’ici une semaine. Puis, dans 6 semaines, avec votre cardiologue. C'est un peu à l'envers, non? Ne serait-il pas dans l'intérêt de cette patiente de consulter ses spécialistes pour un suivi immédiat? Parfois, c'est tout simplement inutile On peut s'attendre à ce que certaines affections se résolvent d'elles-mêmes, et c'est bien ainsi. Les hôpitaux et les services d'urgence peuvent en effet fournir des soins définitifs et des conseils. Une entorse de la cheville dont la radiographie est négative ne doit pas nécessairement faire l'objet d'un «suivi par votre médecin de famille» dans une ou deux semaines, du moins pas par défaut. Il en va de même pour une banale douleur dorsale d'origine mécanique. On peut s'attendre à ce qu'une exacerbation légère de la MPOC qui a été traitée de manière appropriée avec des antibiotiques et des stéroïdes se rétablisse simplement sans aucune autre intervention. Qu'en est-il de la responsabilité du patient et des consignes claires pour la sortie de l'hôpital? Je comprends. Nous voulons que les patients soient en sécurité. L'idéal serait que tous les patients consultent systématiquement leur médecin de famille pour s'assurer qu'il n'y a pas de fièvre, d'infection, d'essoufflement, de douleur, etc. Mais les médecins de famille, et le système médical en général, n'ont franchement plus la capacité de défendre de tels idéaux. Est-il insensible et déraisonnable de croire que les patients pourraient en fait être responsabilisés dans leur prise en charge? Ne pourrait-on pas donner aux patients des conseils clairs à leur sortie de l'hôpital, en leur indiquant les éléments inquiétants qu'ils doivent surveiller? Et en les invitant à consulter un médecin s’ils se manifestent? Au lieu de simplement conseiller aux patients de: «Faire un suivi avec votre médecin de famille.» Pourquoi pas: «Consultez votre médecin de famille *si* vous avez de la fièvre, une infection ou une douleur intense»? Je tiens néanmoins à souligner que si un patient en phase postopératoire présente l'un de ces signaux d'alerte, c'est le chirurgien qu'il doit consulter immédiatement, et non le médecin de famille. Et si le patient médical ultra-complexe subit des complications, il doit s’adresser aux spécialistes en priorité. Si le patient se rétablit comme prévu sans complications, comme c'est souvent le cas, cela évite à l'ensemble du système une visite et la mobilisation de précieuses ressources. Si vous devez le faire, réfléchissez-y à deux fois et soyez explicite Si vous estimez toujours qu'il est approprié de conseiller à un patient d'effectuer un suivi auprès de son médecin de famille, expliquez clairement pourquoi, à la fois au patient et à son médecin de famille. Le simple fait d'y réfléchir vous aidera. Soyez précis dans vos instructions de sortie: Y a-t-il des signes vitaux spécifiques qui doivent être vérifiés à nouveau? Et pourquoi? Des analyses de sang doivent-elles être refaites? Lesquelles? Et pourquoi? Y a-t-il des symptômes spécifiques à vérifier à nouveau? Lesquels? Pourquoi? Y a-t-il des résultats d'examen physique spécifiques que vous devriez vérifier à nouveau? Lesquels? Et pourquoi? Les doses de médicaments doivent-elles être adaptées? Lesquelles? Et pourquoi? Dans le même ordre d'idées, y a-t-il des tests ou des choses que vous pourriez (et devriez) organiser avant que le patient ne consulte son médecin de famille? Avez-vous fourni au patient la requête d'analyses sanguines requise? Avez-vous planifié à l'avance les examens d'imagerie de suivi dont le médecin de famille aura besoin? Avez-vous orienté le patient vers les spécialistes que vous lui avez recommandés? En tant que médecins de famille, le fait de disposer de toutes ces informations dès le départ nous aidera à trier et programmer la visite du patient de manière appropriée. En toute honnêteté, j'ai vu d'excellents résumés de consignes de sortie de certains hôpitaux. Ils contiennent des instructions claires et précises à l'intention du patient. Ils contiennent également une liste détaillée de choses à faire pour le médecin de famille. À plus grande échelle, nous devons changer de culture Si nous commençons à remettre en question la phrase instinctive «faites un suivi avec votre médecin de famille», cela permettra de préserver la capacité des soins primaires et de notre système de soins de santé dans son ensemble. Ce n'est peut-être qu'une petite partie de la solution. Mais dans une perspective plus large, cela s'inscrit dans le cadre d'un changement de culture plus que nécessaire. Nous devons réduire la surutilisation inappropriée des médecins de famille. Car que se passera-t-il s'il n'y a plus de médecins de famille pour assurer les suivis? Le Dr Adam Stewart est médecin de famille et exerce à Madoc, en Ontario. Cet article a d’abord été publié sur son blogue. Vous souhaitez vous aussi faire valoir votre point de vue sur un enjeu du système de santé? Apporter une réflexion vis-à-vis de votre profession? 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