À faibles doses aussi, la quétiapine peut entraîner des effets indésirables néfastes

Les patients traités à la quétiapine pour leur trouble du sommeil présentent un risque accru d’effets indésirables sérieux, selon une étude publiée ce mois-ci dans World Psychiatry, la revue scientifique de l’Association mondiale de psychiatrie. Ses auteurs, des chercheurs danois, concluent que «l’utilisation de la quétiapine à faible dose, à des fins sédatives ou hypnotiques, doit être découragée». Pour en arriver là, ils ont analysé les effets secondaires répertoriés auprès de 60 584 patients, âgés de 18 à 85 ans, ayant pris de la quétiapine à faible dose (50 mg et moins) entre 2003 et 2017 pour soigner leur insomnie, passagère ou chronique. Ils ont au préalable exclu ceux qui ont pris un autre antipsychotique durant leur traitement, ainsi que ceux qui avaient des antécédents tels qu’un infarctus du myocarde, un accident vasculaire cérébral, un cancer ou une maladie mentale grave. Ils les ont ensuite comparés à 454 552 patients aux mêmes caractéristiques, qui avaient quant à eux été traités exclusivement avec des «Z drogues» (zaleplon, zolpidem, zopiclone, etc.) pour leur trouble de sommeil. Résultat, les Danoises et les Danois traités avec de la quétiapine étaient 1,52 fois plus susceptibles de vivre un événement cardiovasculaire indésirable majeur (ou MACE, en anglais) que leurs concitoyens ayant pris des «Z drogues». S’agissant des accidents vasculaires cérébraux ischémiques, leur risque était 1,37 fois plus élevé tandis qu’ils avaient 1,90 fois plus de malchance de subir un décès cardiovasculaire. «Le risque d’événements cardiovasculaires indésirables majeurs était plus élevé chez les femmes et chez les personnes âgées de 65 ans», soulignent par ailleurs les chercheurs. Un usage répandu hors indication «Nous soupçonnions qu’il y avait de tels risques, mais nous n’avions jamais eu une confirmation aussi spectaculaire», observe le Dr Marc-André Roy, très concerné par les résultats de cette étude. «L’utilisation de ce médicament est souvent banalisée pour le traitement des troubles de sommeil, qui n’est pas une indication reconnue», poursuit le psychiatre spécialiste des premiers épisodes psychotiques. «Cependant, les effets indésirables ne sont pas anodins du tout. Ça ne doit pas remettre en question l’utilisation de la quétiapine dans les cas où elle est indiquée, mais certainement cet usage tous azimuts», déclare le directeur médical de la Clinique Notre-Dame des Victoires, à Québec. Antipsychotique le plus prescrit dans le monde, la quétiapine est officiellement indiquée pour la prise en charge de la schizophrénie, du trouble bipolaire et du trouble dépressif majeur à des posologies variant de 150 à 800 mg par jour. Ses effets indésirables sont connus et documentés: somnolence, prise de poids, augmentation du cholestérol ou des triglycérides dans le sang, troubles hématologiques, neurologiques ou encore cardiaques, etc. Lire aussi: Trop, c’est comme pas assez: combien d’heures devons-nous dormir? S’ils sont nombreux et peuvent être sévères, «les bénéfices l’emportent sur les effets indésirables pour les personnes présentant un trouble psychotique. Elles s’en tirent mieux à long terme sur les plans mental et physique», signale le Dr Roy. «Pour une période de grosse anxiété ou pour un stress post-traumatique, l’usage de la quétiapine peut être justifié. Le problème, c’est quand elle est prescrite comme traitement de première intention de l’insomnie. C’est très, très fréquent, alors que ce n’est pas pertinent et peut être dangereux», insiste le clinicien-chercheur, aussi professeur à la Faculté de médecine de l’Université Laval. Au moins 140 000 Québécois sous quétiapine cette année Selon des données communiquées à ProfessionSanté.ca par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), 141 867 personnes ont eu une ordonnance ou un renouvellement d’ordonnance pour de la quétiapine entre le 1er janvier et le 2 octobre 2022. Elles étaient 152 829 en 2021, sur une année complète, un chiffre en augmentation de 16% par rapport à 2017. «Ces données ne concernent que les assurés du régime public, soit un peu moins de 50% de la population québécoise», et «peuvent inclure d’autres conditions médicales que celle de l’insomnie», précise la porte-parole de la RAMQ, Caroline Dupont. En rappelant les indications thérapeutiques officielles de la quétiapine (prise en charge de la schizophrénie, du trouble bipolaire et du trouble dépressif majeur), elle ajoute qu’il est ainsi «possible qu’une très faible proportion des consommateurs de quétiapine l’utilisent dans le but de traiter l’insomnie». Titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les troubles du sommeil, et sommité mondiale en la matière, le Dr Charles Morin ne partage pas l’avis de la porte-parole de la RAMQ. Comme le Dr Roy, il soutient que l’usage de la quétiapine pour le traitement de l’insomnie est «très répandu, plus au Canada qu’aux États-Unis d’ailleurs, alors qu’il n’est appuyé par aucune donnée probante». D’autres avenues thérapeutiques Le professeur-chercheur à l’École de psychologie de l’Université Laval est toujours étonné quand il interroge spontanément ses étudiants en médecine sur le traitement de l’insomnie. «C’est la quétiapine qui revient en premier lieu», affirme-t-il, en estimant que «cette pratique clinique se transmet de clinicien à résident alors qu’elle n’est pas guidée par la science». Vu les risques associés à la prise de quétiapine révélés par l’étude danoise, les médecins devraient cependant «y penser à deux fois avant d’en prescrire, surtout qu’il y a d’autres solutions». Lire aussi: Testez vos connaissances sur l'apnée obstructive du sommeil (quiz) Le spécialiste du sommeil explique ainsi que la psychothérapie est recommandée en première intention par les diverses lignes directrices et guides d’intervention, et plus spécifiquement la thérapie comportementale et cognitive (TCC). «On traite alors le problème en profondeur. Ça prend plus de temps pour avoir des résultats, mais ils persistent dans le temps. Avec un médicament, quand on l’arrête, l’insomnie revient.» Si l’insomnie est situationnelle ou passagère, une thérapie médicamenteuse peut être prescrite à court terme, pour une durée inférieure à un mois. Plutôt que la quétiapine, «il existe d’autres molécules plus efficaces et plus sécuritaires, tout en prenant garde au risque de dépendance», prévient le Dr Morin. «Et si on prévoit un sevrage de la quétiapine, ajoute-t-il, il faut accompagner le patient.» À bon entendeur.

À faibles doses aussi, la quétiapine peut entraîner des effets indésirables néfastes

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