Étude sur la pilule abortive: l’accessibilité n'est pas le réel enjeu, dit le Collège

Le Dr Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins du Québec.À la suite de la publication d’une étude affirmant que les normes de pratiques entourant la pilule abortive rendent son implantation difficile dans la province, le Collège des médecins du Québec (CMQ) réfute les conclusions rapportées.L’objectif de l’étude, supervisée par les docteures Édith Guilbert, de la Faculté de médecine de l’Université Laval, et Marie-Soleil Wagner, de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, était de déterminer les facteurs ayant facilité l’implantation de la pilule abortive dans les soins de santé de première ligne au Québec et ceux y ayant fait obstacle.Or, elles visent directement le CMQ en affirmant que les normes de pratiques entourant la pilule abortive mise en place par le CMQ sont «confuses et exagérées» et que «le réseau actuel de médecins des cliniques d’avortement du Québec ciblés pour adopter cette pratique a non seulement peine à offrir cette nouvelle option, mais ne répond possiblement pas à la demande de la population».Or, le Collège dénonce les conclusions de l’étude qui, selon lui, indique que les femmes ont moins d’accès à l’avortement dans les autres provinces.«On semble oublier le fait que la moitié des cliniques d’avortement au Canada se trouvent au Québec. Une femme qui veut se faire avorter ici peut le faire en quelques jours. Le Québec est de loin la province où l’avortement est le plus accessible et où il y en a le plus. On fait en moyenne 30 000 avortements par année», a affirmé le Dr Yves Robert, secrétaire du CMQ, en entrevue à ProfessionSanté.ca.L’étude en question compare également le Québec aux autres provinces quant à la part d’avortements faits à l'aide de la pilule abortive. En Colombie-Britannique, par exemple, 40 % des avortements se sont faits par la pilule abortive, et ce 18 mois après son accessibilité, contre 9 % au Québec.Selon le Dr Robert, ces chiffres ne démontrent pas nécessairement un problème d’accès. Il convient de nuancer à la comparaison, selon lui. «Le chiffre plus élevé peut aussi montrer que la pilule est la seule façon pour la femme d’avorter dans la province où elle est. Ça ne démontre pas qu’elle a un réel choix entre l’avortement chirurgical et la pilule abortive. Ce n’est pas parce que les chiffres sont hauts que ça va bien et ce n’est pas parce que les chiffres sont bas que ça va mal. Il faut être prudent dans les comparaisons et ce n’est pas une compétition.»Il ajoute que la proportion des femmes québécoises qui ont opté pour la pilule abortive montre que les femmes ont un réel choix et que les deux options sont sur un pied d’égalité.« Formation non adaptée à la réalité » L’étude en question affirme aussi que la formation donnée aux médecins pour les rendre aptes à utiliser la pilule abortive dans leur pratique est la plus exigeante au Canada et qu’elle n’est pas adaptée aux besoins ni aux préférences des médecins.Selon les directives de Santé Canada, les médecins qui souhaitent prescrire la pilule abortive doivent suivre une formation en ligne de 45 minutes conçue par la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada.Au Québec, «seul le médecin ayant reçu une formation initiale en matière d’avortement peut actuellement offrir les soins relatifs à l’avortement médical pratiqué à l’aide de la pilule abortive», peut-on lire dans les directives du CMQ. Les formations en lignes ne sont pas jugées comme suffisantes.Ainsi, pour prescrire la pilule au Québec, le médecin traitant doit donc avoir suivi une formation initiale et s’assurer de posséder toutes les ressources afin d’évaluer les risques, les bénéfices et autres facteurs pouvant déterminer si la pilule abortive est une option appropriée pour la patiente.Cette formation en IVG aura été acquise lors du parcours universitaire de la formation médicale, par exemple, lors d’une résidence pour les obstétriciens-gynécologues ou durant un stage en centre de planification familiale.Le CMQ n’a pas l’intention pour l’instant d’assouplir les critères et défend leur nécessité. En effet, avant de prescrire la pilule abortive, il faut faire une échographie. «On ne prescrit pas la pilule si la grossesse est de plus de 9 semaines et si elle est ectopique. Une formation en ligne ne nous apprend pas à faire une échographie ou encore du counseling», explique le Dr Robert.Il ajoute que l’échographie se fait sans ordonnance et directement par le médecin sur les lieux.Un choix éclairéL’étude citée mentionne qu’en date du mois d’avril 2019, 23 des 49 cliniques d’avortement au Québec n’offraient pas l’option de la pilule abortive. Le Collège affirme qu’il n’est pas responsable de ces chiffres.«On accuse le Collège de façon un peu abusive et biaisée. Faire la formation que l’on demande pour pouvoir prescrire la pilule prend une ou deux journées. Ce n’est pas de la faute du Collège si les médecins ne suivent pas la formation. Les auteures veulent une ordonnance débridée sans limites, et nous voulons des ordonnances facilitées, mais sécuritaires», se défend le Dr Robert.Selon le médecin, le réel enjeu est non pas de savoir combien de femmes choisissent la pilule abortive, mais plutôt de s’assurer que les patientes se font présenter tous les aspects des deux pratiques abortives pour qu’elles fassent un choix éclairé.«Une prescription de la pilule abortive ne peut pas se faire rapidement sur le coin d’une table dans une clinique sans rendez-vous. Il faut prendre le temps d’expliquer et laisser du temps à la femme pour qu’elle choisisse l’option qui lui convient. On veut laisser un vrai choix à la femme.»Le Dr Robert croit finalement qu’il aurait été intéressant de demander aux femmes les raisons qui les ont poussées à choisir une méthode plutôt qu’une autre.

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