Erreur d’exécution d’une ordonnance: 4500$ d’amende pour une pharmacienne débutante

Six mois après le début de sa carrière, Mariam Ghabbour s’est trompée en exécutant l’ordonnance d’une fillette vulnérable qui présentait plusieurs problèmes de santé. Une infraction dont la «gravité objective» est soulignée à gros traits par le Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) qui estime qu’elle ne peut être excusée par l’inexpérience de la pharmacienne, «car il s’agit de l’application d’une simple règle de calcul et de notions de base». Pour cette absence de «rigueur et (de) minutie», la professionnelle se voit imposer une amende de 4500$, auxquels s’ajoute le paiement de l’ensemble des déboursés.Le fait reproché à Mariam Ghabbour remonte au 17 mars 2023. Il s’est produit à la pharmacie Uniprix d’Evelyne Lemay et Daniel Vermette, à Saint-Constant, sur la Rive-Sud de Montréal, où la jeune femme exerce à plein temps depuis son inscription au tableau de l’Ordre en août 2022. En poste derrière le comptoir, elle reçoit la mère d’une enfant âgée d’un peu plus de deux ans qui vient d’obtenir son congé après avoir été hospitalisée pour une détresse respiratoire.Le médecin a diagnostiqué une crise d’asthme couplée à une otite. Il a prescrit un traitement de 10 jours d’Amoxi-Clav, à à raison de 450 mg deux fois par jour (BID), à cette jeune patiente dont la santé est fragile. Elle souffrait alors d’un retard de croissance, d’épilepsie et possiblement d’hypoglycémies sévères et récidivantes. En outre, elle était alimentée par sonde entérale.Après avoir validé cette ordonnance, Mariam Ghabbour l’exécute en remettant à la mère 9,2 ml BID d’Amoxi-Clav 400+57 mg/5 ml, alors que la dose d’amoxicilline aurait dû être de 5,7 ml BID. Les doses recommandées pour un enfant sont de 90 mg d’amoxicilline par kilo et par jour dans le traitement de l’otite. En l’occurrence, la patiente a reçu 141 mg d’amoxicilline par kilo et par jour, soit un total quotidien de 1472 mg d’amoxicilline. La fillette commence immédiatement son traitement d’Amoxi-Clav. Dès le lendemain, elle souffre de vomissements et de diarrhées qui l’empêchent de prendre sa médication pour l’épilepsie. Deux jours plus tard, elle est hospitalisée et l’on constate à son arrivée que sa glycémie est basse (2,8 mmol/L).Durant l’enquête du syndic de l’OPQ, déclenchée à la demande de la mère, Mariam Ghabbour a reconnu sa culpabilité à la première occasion. La pharmacienne n’a aucun souvenir des informations recueillies ni des questions posées à la mère le 17 mars 2023. Elle ne retrouve pas non plus le calcul qu’elle a effectué pour déterminer le dosage de l’antibiotique et elle n’est pas en mesure de le reproduire.Lire aussi: Mais d’où viennent ces ordonnances?Pour le Conseil de discipline, la négligence et l’absence de vigilance de la pharmacienne constituent une «infraction sérieuse, mettant en péril la protection du public et la confiance envers la profession». Dans un contexte où le risque de préjudice était élevé, considérant la vulnérabilité de la jeune fille, Mariam Ghabbour aurait dû s’assurer deux fois plutôt qu’une de lui remettre «une médication bénéfique et non nocive», insistent ses pairs.Facteurs de stressÀ l’audience, l’intéressée a présenté des excuses à la mère et exprimé des regrets. De plus, elle a expliqué qu’elle avait depuis apporté des changements à sa pratique. Dorénavant, elle inscrit au verso de l’ordonnance son calcul qu’elle vérifie et double valide avec sa calculatrice ainsi qu’un logiciel afin de s’assurer de la concentration et de la dose recommandée. La pharmacienne applique également des mesures visant à diminuer les facteurs de stress qui pourraient conduire à d’éventuelles erreurs. Elle considère ainsi que son risque de récidive est «presque nul».Le syndic ne partage pas cet avis. Il affirme que le risque de récidive de Mariam Ghabbour est toujours présent et que les modifications qu’elle a apportées à sa pratique «auraient dû être mises en œuvre bien avant l’événement». Le Conseil partage cette évaluation. Il juge que le risque de récidive «demeure présent sur les plans organisationnel et professionnel. En effet, les mesures visant à atténuer le stress sont extrinsèques, bien qu’elles soient généralement positives; cependant, elles n’améliorent pas sa pratique professionnelle.»Cela dit, pour le Conseil, la recommandation conjointe sur sanction présentée par le syndic et la pharmacienne «prend en compte de la gravité objective de l’infraction (qu’elle a) commise, ainsi que les facteurs subjectifs qui lui sont propres» — erreur isolée, absence d’antécédents disciplinaires. «De plus, elle assure la protection du public et envoie un message clair de dissuasion générale et d’exemplarité aux membres de l’Ordre.» Il a donc entériné le montant de l’amende proposée par les parties (4500$), celui-ci étant conforme à la jurisprudence en semblable matière.

Erreur d’exécution d’une ordonnance: 4500$ d’amende pour une pharmacienne débutante

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes

Les + populaires

Soins esthétiques: les plaintes les plus courantes des patients

À votre service sans ordonnance – Voltaren Emulgel: ses bienfaits et ses limites

Répertoire des articles de Québec Pharmacie

À votre service sans ordonnance : Les relaxants musculaires

Québec Pharmacie, novembre - décembre 2024