Projet de loi 31: à leur tour, les médecins spécialistes craignent les conflits d’intérêts chez les pharmaciens

La FMSQ était représentée en commission parlementaire par le pédiatre Yohann St-Pierre, représentant des régions éloignées au C.A., et sa présidente, la Dre Diane Francoeur.Comme l’avaient fait les médecins de famille la semaine dernière, les médecins spécialistes ont exprimé de vives inquiétudes sur les possibles conflits d’intérêts chez les pharmaciens si ces derniers peuvent à la fois prescrire et vendre des médicaments comme les y autoriseraient des dispositions contenues dans le projet de loi 31, dont l’étude en commission parlementaire a pris fin mardi à Québec.Devant les élus, la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) a repris l’expression «deux poids, deux mesures» utilisée par les omnipraticiens quelques jours plus tôt.«Comment concilier la possibilité accordée aux pharmaciens de vendre des produits qu’ils prescrivent eux-mêmes, alors que le Code de déontologie des médecins leur interdit de vendre des médicaments ou des dispositifs médicaux?» s’est étonnée la Dre Francoeur.La FMSQ affirme qu’il est impératif d’assurer la neutralité des pharmaciens dans le choix des produits vaccinaux et des médicaments qu’ils prescrivent en interdisant la publicité de toute marque ou produit pour lequel ils bénéficieraient d’un avantage pécuniaire ou d’une ristourne directe ou indirecte. Elle croit donc que la Loi sur la pharmacie et le Code de déontologie des pharmaciens devraient mieux encadrer le risque de conflits d’intérêts des pharmaciens découlant des pouvoirs élargis par le projet de loi.Non à l’évaluation physique et mentale par les pharmaciensAutre aspect sur lequel la FMOQ avait émis aussi de gros bémols, la disposition du PL 31 qui devrait permettre aux pharmaciens d’évaluer la condition physique et mentale d’une personne afin d’assurer l’usage approprié de médicaments.À lire aussi: Le PL 31 instaure un système «deux poids, deux mesures», selon la FMOQLe Collège des médecins ne s’y est pas opposé, mais la FMSQ estime qu’une pharmacie n’est pas appropriée pour faire une évaluation physique et que l’évaluation mentale exige un questionnement prolongé qui va conduire à un diagnostic. La Fédération est allée cependant plus loin que la FMOQ et a réclamé le retrait pur et simple de cet ajout à la loi.Un élargissement majeur et surprenantLe projet de loi 31 accorderait aux pharmaciens un pouvoir de substitution des médicaments dans certaines circonstances et supprimerait l’encadrement qui limite la substitution à une même sous-classe thérapeutique. La FMSQ y voit un «élargissement majeur et surprenant» et croit que cela engendre des risques pour la santé des patients qu’elle juge potentiellement dommageables.«Ouvrir la possibilité de substituer au médicament prescrit (…) pourrait occasionner des situations où un pharmacien de bonne foi procéderait à la substitution alors que la situation clinique du patient exige plutôt une réévaluation médicale ou une révision du diagnostic, met-elle en garde. Cela équivaudrait à procéder à un traitement sans diagnostic établi, ce qui outrepasse, selon nous, le champ d’exercice de la pharmacie.» Elle réclame donc le statu quo en ce domaine et rappelle qu’en aucun cas, un médicament ne devrait être substitué si l’ordonnance initiale porte la mention «Ne pas substituer».La vaccination pour les six ans et moins La Dre Francoeur s’est questionnée sur les possibles conflits d’intérêts chez les pharmaciens qui pourront administrer et vendre des médicaments.La FMSQ se dit toutefois favorable à ce que les pharmaciens puissent vacciner, ce qui devrait contribuer à accroître le taux de vaccination dans la province. Elle va même plus loin que la proposition contenue dans le projet de loi qui prévoit que les pharmaciens pourront vacciner des personnes âgées de six ans et plus. Elle serait en faveur qu’ils puissent vacciner tous les enfants.La Dre Francoeur note toutefois qu'elle trouverait surprenant que les pharmaciens soient payés pour administrer des vaccins alors que le MSSS a empêché les médecins, par l’abolition des frais accessoires, d’être dédommagés pour ce service à leurs patients.De meilleurs outils de communication avec les pharmaciensLa Fédération se dit ouverte à ce que les pharmaciens puissent référer directement à un médecin spécialiste un patient ayant besoin d’un ajustement de médication complexe plutôt que de modifier ses médicaments. Un gros obstacle les empêche toutefois de le faire facilement, le manque d’outil bidirectionnel. Elle a répété qu’elle souhaitait la mise en place d’outils adéquats pour assurer une communication en temps réel, ce qui s’avère extrêmement important lorsqu’il s’agit d’ajuster la médication ou une ordonnance.Lors des périodes d’échanges, la ministre de la Santé, Danielle McCann, s’est dite surprise des divergences de vues entre le Collège et la FMSQ sur divers aspects du PL 31. Ces séances se terminent toujours par une traditionnelle poignée de mains entre les élus et les représentants du groupe qui a déposé son mémoire. Celle entre la ministre Danielle McCann et la Dre Francoeur aura été aussi courte que tiède.

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