Dextrométhorphane: des coroners recommandent d’inclure le produit à l’annexe II

Les coroners Pierre Guilmette et Andrée Kronström demandent à l’Office des professions du Québec de modifier le Règlement sur les conditions et modalités de vente des médicaments afin d’inclure le dextrométhorphane (DM) dans l’annexe II de ce règlement.Ces derniers, respectivement médecin et avocate, « s’interrogent sur la disponibilité d’une panoplie de produits pharmaceutiques qui contiennent du DM, et ce, sans prescription ni avis professionnel ». C’est l’Office des professions du Québec qui est responsable au Québec du classement des médicaments dans l’une des cinq annexes de ce règlement. Actuellement, le DM figure à l’annexe III (en vente libre uniquement en pharmacie).En attendant une éventuelle modification réglementaire, les deux coroners recommandent que l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) « incite ses membres à placer volontairement tous les produits contenant du DM sous leur contrôle ».Responsable de deux décès Ces recommandations ont été formulées à la suite du décès au printemps 2011 de deux hommes dans la soixantaine en raison du DM.Le premier homme a pris simultanément du Prozac, du DM et du Biaxin. Deux flacons de sirop contenant du DM (NyQuil et Benylin DM) ont été retrouvés à son domicile.Son médecin de famille, qui lui avait prescrit le Biaxin, avait inscrit la mention « continuer sirop » dans sa note médicale. Le coroner mentionne aussi que la victime « a acheté son Biaxin dans une pharmacie autre que celle où il avait son dossier régulier. Cependant, le pharmacien doit vérifier les interactions possibles des médicaments qu’il sert ».Le Dr Guilmette attribue la cause du décès à une intoxication accidentelle au DM (taux sanguin de 2300 nmol/L, le seuil toxique étant de 370 nmol/L), mais il n’exclut pas un syndrome sérotoninergique. Il souligne que la combinaison DM-Biaxin-Prozac était très dangereuse, voire contre-indiquée, en raison de ces deux effets potentiels.« Ces conditions ont amené une défaillance cardiaque ayant provoqué un œdème aigu des poumons létal », précise-t-il dans son rapport d’enquête.Le Dr Guilmette s’inquiète de la vente libre du DM avec la grande utilisation des antidépresseurs (25 millions de prescriptions de la même famille chimique que le Prozac au Canada) et du Biaxin, « d’autant plus que son efficacité pour calmer la toux n’a jamais été franchement démontrée, malgré près de 60 ans de disponibilité de ce produit ».C'est pourquoi il demande à l’OPQ de vérifier si tous les standards de la profession ont été atteints dans ce dossier. De plus, il suggère au Collège des médecins du Québec de sensibiliser ses membres « aux dangers de recommander/prescrire le DM aux patients prenant un macrolide et un inhibiteur sélectif du recaptage de la sérotonine [ISRS] ».Dans le cas du second décès, le DM se trouvait aussi dans « une concentration supérieure au seuil toxique dans l’organisme de la victime [1500 nmol/L] ».Me Andrée Kronström pense que l’homme a acheté du sirop pour soulager ses fortes quintes de toux, « sans obtenir les conseils du pharmacien » et qu’il « a probablement forcé la dose, faisant fi des indications générales se trouvant sur le contenant ».L’OPQ réfléchit sur les actions à prendreL’OPQ étudie les recommandations des deux coroners. « Nous devons trouver la meilleure solution entre un accès raisonnable à des médicaments en vente libre (MVL), dont l’accès est reconnu un peu partout dans le monde, et la dimension de protection du public que nous voulons assurer », explique Diane Lamarre, présidente de l’OPQ.Pour le moment, l’OPQ recommande aux pharmaciens :d’obtenir la liste complète des médicaments (MVL inclus) que prennent les patients;d’informer les patients sur les interactions médicamenteuses possibles avec certains MVL, notamment les antidépresseurs;de les inciter à respecter la posologie inscrite sur l’étiquette d’un produit en mesurant la quantité recommandée de liquide.Pour plus d’informations sur les interactions médicamenteuses avec le DM, trois articles de formation continue de la pharmacienne Chantal Morissette ont été publiés en 2010 dans L’actualité pharmaceutique (février, mars et juillet). La deuxième partie porte de façon plus spécifique sur les événements soulevés par les coroners.

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