Désabusés de la pharmacie?

Je suis en 2e ou 3e année de pharmacie. Je suis retournée passer l’été chez moi et j’ai miraculeusement trouvé un emploi comme assistante technique qui me permet de faire mon stage et d’être rémunérée au salaire presque minimum en même temps (oui, au siècle dernier, c’était comme ça…).Je travaille dans une petite pharmacie clinique de quartier. On tape les étiquettes à la machine à écrire manuelle (comme toujours, les jeunes, consultez wikipedia pour plus de détails sur les références aux antiquités), on tape les réclamations aux assurances (RAMQ et privées), oh luxe et privilège, à la machine à écrire électrique sur des formulaires avec du papier carbone.Le pharmacien note les nouvelles ordonnances et les renouvellements à la main sur de magnifiques fiches jaunes de 20 cm sur 15 cm environ, bien classées en ordre alphabétique dans le grand classeur ouvert près du comptoir.C’est lundi soir, on m’a dit que je travaillerais avec un « vieux » pharmacien (il devait avoir tout juste la soixantaine) qui vient faire quelques heures par semaine. À mon arrivée, il me regarde et répond à mon timide bonsoir en soupirant : « Comme ça, tu es en pharmacie… Mais qu’est-ce qui t’as pris de choisir cette profession plate et ennuyante ? »Je lui ai trouvé plein d’excuses pour ces paroles si pessimistes : pharmacien à quatre chiffres, en fin de carrière, un peu dépressif, n’importe quoi pour ne pas perdre mon enthousiasme de future pharmacienne destinée à soigner avec compétence et enthousiasme la population québécoise.Lorsque j’ai finalement terminé mon bac, j’ai découvert une profession qui était beaucoup moins étriquée et technique que mes études me l’avaient laissé entrevoir. J’ai vécu le développement des techniques de communications au patient, la structure des soins pharmaceutiques, les aides informatiques, et je vivrai peut-être le dossier électronique si je continue de pratiquer jusqu’à mes 85 ans.La profession que j’ai découverte m’ouvrait tellement de possibilités que j’ai rapidement oublié le défaitisme de ce pharmacien.C’est en lisant les commentaires de mon dernier blogue que, tout à coup, il m’est apparu qu’une réalité terrifiante semblait s’insinuer dans notre profession… Ce n’est plus en fin de carrière qu’une certaine lassitude s’installe chez nos collègues… Ce sont nos jeunes finissants qui dépriment ! C’est comme si la situation était inversée.Avant, les milieux de travail étaient à l’avant-garde de la profession et l’enseignement avait peine à suivre tous ces changements. Maintenant que les universités ont développé un enseignement moderne et innovateur, ce sont nos milieux qui ont de la difficulté à s’adapter.Est-ce que nos jeunes pharmaciens seraient des victimes, « des-abusés » d'une fausse image de la profession projetée durant leurs études ?Au-delà des considérations de générations X, Y ou Z, de leur désir de qualité de vie et du choc de la fin de la vie d’étudiants, nos jeunes pharmaciens connaissent parfois des désillusions lorsqu’ils commencent à pratiquer leur profession.La réforme du bac des années 1990 puis l’avènement du Pharm.D. ont dessiné pour les étudiants le portrait d’une profession où tout est idyllique, où l’on prend le temps de parler aux patients, de faire avec chacun d’entre eux toutes les étapes des soins et d’envisager toutes les solutions.La réalité est tout autre. Nos milieux de travail stagnent dans les vieilles idées côté organisationnel. On ne délègue pas encore assez aux assistants techniques afin de libérer le pharmacien. Nos jeunes, formés pour analyser des dossiers, détecter des problèmes pharmacothérapeutiques, conseiller les patients, travailler en équipe multi se heurtent à des volumes d’ordonnances pharaoniques, de la résistance aux changements qu’ils proposent, en plus des patients pressés stationnés en double qui veulent plus d’explications sur leur facture que sur leurs comprimés et des chicanes de clocher qui n’avancent à rien.Alors, qu’allons-nous faire pour empêcher que la prochaine génération de pharmaciens deviennent moroses avant l’âge de 30 ans ? Nous avons certes une part de responsabilité pour vaincre notre crainte du changement et proposer des moyens pour améliorer les soins aux patients, pour mieux organiser nos milieux pour être plus performants sur les interventions et les suivis pour nos patients.Mais vous, les jeunes, vous avez aussi des choix à faire. Baisser les bras et ne rien faire. Ou alors, vous battre parce que vous croyez que vous pouvez faire la différence et prendre tous les moyens pour y arriver. Planifiez, demandez, proposez, osez ! Et si ça ne suffit pas, changez d’emploi.C’est certes plus facile parfois de ne rien faire que de faire la révolution quand on veut s’établir dans un quotidien loin des contraintes des années d’études. Mais accrochez-vous et foncez ! Il y a de « vieux » pharmaciens dans la profession à réveiller…

Désabusés de la pharmacie?

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Derrière ce blogue:

HELENE BLANCHETTE