Des outils pour diagnostiquer des commotions cérébrales chez les jeunes sportifs

La médecine continue de faire des découvertes majeures en matière de commotions cérébrales. Un médecin canadien, le Dr Paul Echlin, a publié, il y a deux semaines à peine, une série de trois articles dans lesquels il identifie vraisemblablement le chaînon manquant de ces blessures crâniennes.Des chercheurs ont identifié en résonnance magnétique des images mettant en évidence des anomalies correspondant probablement à des micro-saignements qui surviennent lors de commotions cérébrales. Ces syndromes ne sont pas visibles avec les séquences traditionnellement utilisées. Le président de l’Académie canadienne de la médecine du sport et de l’exercice (ACMSE), le Dr Pierre Frémont, se réjouit de cette avancée.«On soupçonnait que les commotions cérébrales provoquaient des perturbations à l’échelle cellulaire qui se soldaient par des dysfonctions du cerveau, mais nous n’avions pas d’images pour le démontrer. Nous avons maintenant cette image, une base anatomique potentielle, ce qui pourrait finir par faire tomber le scepticisme de certains face à la réalité du diagnostic.»La médecine s’intéresse de plus en plus aux commotions cérébrales chez les athlètes professionnels et universitaires, mais peu chez les jeunes de 11 à 17 ans qui pratiquent des sports de contact. C’est un segment que le Dr Frémont juge tout aussi important que celui des plus vieux. Lui-même impliqué dans une équipe de football secondaire de la région de Québec, il forme des thérapeutes et des médecins intéressés par les commotions cérébrales chez les adolescents.Bon diagnostic«L’une des clés du succès pour déterminer s’il y a une commotion cérébrale est de se donner un peu de temps, explique-t-il. Quand un jeune a encaissé un bon coup, même s’il s’est relevé instantanément, il faut l’observer et le garder sur la ligne pour s’assurer que des symptômes de commotion n’apparaîtront pas.»Il existe des signes objectifs de commotion cérébrale, décrit-il: un jeune qui a un trouble d’équilibre en se levant, qui est confus, au ralenti, se met à pleurer pour rien. Il y a aussi des signes subjectifs. La victime a mal à la tête, voit des points lumineux, etc.«Dès qu’il y a des signes de commotion cérébrale chez un jeune qui est manifestement ébranlé, il n’est plus question de le renvoyer au jeu, même s’il nie ses symptômes», insiste le Dr Frémont.D’où l’importance d’un bon diagnostic.«Si on ne l’identifie pas dès le premier choc, parfois, on confond la récidive avec la première commotion. Il faut être meilleur pour l’identifier à sa première apparition. Une fois qu’on a fait cela, on empêche la victime de retourner au jeu tant qu’elle n’est pas bien guérie.»Outil d’évaluationDes outils d’évaluation des commotions cérébrales sont disponibles sur internet. Ces examens, que l’on fait passer avec crayon et papier, comprennent des petites épreuves cognitives. Le Dr Frémont suggère de les faire passer avant le début de la saison afin de documenter la performance de chaque individu et, en cas de commotion cérébrale, de les faire repasser, une fois les symptômes disparus afin de comparer les résultats.Durée du retraitDans le passé, on a tenté d’établir une échelle de gravité des commotions cérébrales. Cependant, aujourd’hui, on considère que la seule façon de grader la sévérité de la blessure se fait par la rétrospective, dit le président de l’ACMSE. On sait si une commotion cérébrale a été complexe une fois qu’on l’a vue évoluer.Combien de temps un jeune victime d’une commotion cérébrale doit-il être tenu à l’écart du jeu? «Tant qu’il n’aura plus de symptômes à l’effort mental et physique, précise le Dr Frémont. D’abord, on attend qu’il n’y ait plus de symptômes au repos. Puis, on lui fait faire des efforts graduels et on s’assure qu’il n’y a plus de récidive de symptômes. Une fois qu’il est capable de faire les efforts physiques et cognitifs sans symptôme, à mon avis, c’est le meilleur moment pour répéter l’examen.»Dans plusieurs cas, il a retiré des élèves du jeu deux à trois matchs, ce qui représente autant de semaines s’ils disputent une partie hebdomadaire.Protocole Depuis deux ans, le Dr Frémont utilise un protocole structuré d’évaluation comprenant un test informatisé, qui avait été fait en début de saison, puis répété quand les jeunes se disent mieux. Ces tests sont très éloquents.«Sur plus de 50 commotions enregistrées en deux ans dans le programme de football de quatre équipes d’une école secondaire, dit-il, les deux tiers des jeunes avaient des tests anormaux alors qu’ils se disaient prêts à reprendre le jeu.»La mise au repos du joueur s’avère une mesure efficace, même si le jeune piaffe d’impatience.«Une fois qu’on a obtenu des tests comparables à ceux effectués en pré-saison et qu’on leur a permis de retourner au jeu, il n’y a eu aucune récidive précoce au cours de la même saison, a observé le Dr Frémont avec satisfaction. On obtient ce que l’on voulait, empêcher l’effet Sydney Crosby qui, de retour au jeu, se fait frapper et subit une autre commotion qui prend des mois à guérir».ThérapeuteToutes les écoles secondaires de la province qui bâtissent des équipes sportives ne peuvent pas avoir un médecin en médecine du sport à leur disposition. D’où l’importance de donner une formation à des thérapeutes du sport, comme des physiothérapeutes. Le Dr Frémont en forme à la Faculté de médecine de l’Université Laval, où il enseigne, et il croit beaucoup en leurs capacités.«Nous travaillons avec le concept d’actes délégués avec les physiothérapeutes, explique-t-il. Dans le cadre d’un protocole, on peut identifier des actes que nous pouvons partager. Jusqu’à maintenant, j’ai pris toutes les décisions de retour au jeu. Nous sommes en train d’analyser les données. Il est très vraisemblable que l’on identifie une large proportion des décisions évidentes de non-retour au jeu et de retour au jeu pour rendre le physio plus efficace et plus autonome. C’est un modèle que j’étudie sans prétendre qu’il doit devenir le modèle de référence. Mais pour l’instant, les modèles sont peu nombreux.»Accommodement académiqueLes médecins et les thérapeutes ne doivent pas être les seuls à se préoccuper des commotions cérébrales chez les jeunes. Les directions d’école doivent aussi s’en soucier.Au début de chaque saison, le Dr Frémont s’assoit avec la direction des études pour s’entendre sur le protocole et la notion d’accommodement académique. On prévoit des modalités en matière d’études et d’examens si un élève n’est toujours pas rétabli d’une commotion cérébrale. Des ententes du genre nécessitent un changement de culture de la part des directions d’établissement, mais elles sont bénéfiques pour les joueurs.A LIRE AUSSI:Commotions cérébrales: «On devrait traiter tous les athlètes de sports de contact selon les mêmes principes, peu importe le niveau»

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