Des combinaisons spécifiques de maladies chroniques associées à une hausse des hospitalisations et des décès en hiver

La période hivernale est toujours synonyme de pression accrue sur les hôpitaux, découlant d'une hausse de la fréquentation des services d’urgence, des temps d’attente et d'une occupation maximale des lits. Selon Index Santé, le taux d'occupation des urgences au Québec était de 137% au 10 janvier 2024. Ceci est notamment dû à une mortalité et des besoins plus importants des patients atteints de multiples affections chroniques. Un adulte sur quatre est aujourd’hui atteint de multimorbidité, (deux maladies chroniques ou plus), et un sur six de multimorbidité complexe (trois maladies chroniques ou plus) dans la province. La multimorbidité augmente avec l’âge et atteint 50% chez la population de 65 ans et plus, selon les données 2023 de l’INSPQ. Les personnes atteintes de multiples maladies chroniques ont davantage recours aux services de santé, des études antérieures suggérant un risque six fois plus élevé de se rendre aux urgences que les personnes ne souffrant d’aucune maladie chronique. Mais de quelles maladies parle-t-on? Pour savoir quelles combinaisons de multiples maladies chroniques étaient associées à un plus fort taux d’hospitalisation et de décès pendant la période hivernale, et ainsi permettre de mettre en lumière des groupes de patients à risque pour prioriser les interventions préventives, une équipe de chercheurs du Centre de recherche sur les soins primaires de l’Université de Southampton (Angleterre) et du Centre de recherche sur le diabète de l’Université de Leicester (Angleterre) a examiné des dossiers médicaux électroniques de 48 253 125 patients adultes anglais issus du General Practice Extraction Service Data for Pandemic Planning and Research (GDPPR) lors de la 3e vague de COVID-19. L'étude a été publiée dans le British Medical Journal1.À lire aussi: Entente entre le CISSS et la Ville de Rivière-Rouge: l'urgence restera ouverte 24h/24Ils ont enregistré les admissions à l’hôpital, toutes causes confondues, ou les décès à partir du 1er décembre 2021 et jusqu’à la fin de la période hivernale, soit le 31 mars 2022. Le suivi a été censuré au premier événement de décès ou à la date de fin de l'étude. La durée médiane de suivi était de 120 jours. Au cours de la période d'étude, les chercheurs ont enregistré 4 710 675 admissions à l'hôpital et 176 895 décès. Leur principale variable d’exposition était la combinaison des affections chroniques. L’équipe a d’abord décrit la prévalence de multiples affections chroniques à partir de 59 affections sélectionnées sur la base d’un consensus récent de chercheurs britanniques. Dix patients adultes souffrant de multiples maladies chroniques ont pris part aux discussions sur l’élaboration de la recherche et ont permis d’affiner la méthodologie de l’étude, précisent les auteurs. Mais, afin d’équilibrer la charge de calcul avec l’utilisation clinique et compte tenu de l’objectif principal du projet, l’équipe du Dr Nazrul Islam a fini par rapporter 10 combinaisons de plusieurs affections chroniques (et non des affections chroniques individuelles) associées au nombre absolu le plus élevé d’admissions à l’hôpital ou de décès (séparément) pendant la saison hivernale.Les chercheurs ont ensuite utilisé des modèles de régression de Poisson surdispersés et estimé les ratios de taux d'incidence avec des intervalles de confiance (IC) à 95% des admissions à l'hôpital ou des décès en hiver associés aux combinaisons de multiples affections chroniques par rapport à ceux sans affection chronique. Les modèles de régression ont ensuite été ajustés en fonction de l'âge, du sexe, du groupe ethnique et de la privation socio-économique basé sur la zone.Dans l'ensemble, 19,7 millions de personnes (40,5%) ne souffraient d'aucune affection chronique, 13,5 millions de personnes (27,9%) souffraient d'une affection chronique et 15,1 millions (31,2%) de personnes souffraient de plusieurs affections chroniques. Les personnes atteintes de multiples affections chroniques étaient plus âgées (âge moyen de 61,4 ans, écart type [ET] ±17,9 ans) par rapport à celles n'ayant aucune affection chronique (39,9 ±15,5 ans) ou une seule affection chronique (47,4 ±16,9 ans), avec une proportion plus élevée de femmes et d'individus du groupe ethnique blanc. À lire aussi: Un patient atteint d'un cancer sur trois se rend aux urgences dans les 90 jours précédant le diagnostic«Nous avons constaté que le risque d'hospitalisation le plus élevé en hiver était observé chez les personnes atteintes à la fois d'un cancer, d'une maladie rénale chronique, d'une maladie cardiovasculaire et d'un diabète sucré, et chez celles atteintes à la fois d'un cancer, d'une maladie rénale chronique, d'une maladie cardiovasculaire et d'arthrose», concluent les auteurs. «Le taux de décès le plus élevé était toutefois observé chez les personnes atteintes à la fois d'un cancer, d'une maladie rénale chronique, d'une maladie cardiovasculaire et de démence, et chez celles atteintes d'une maladie rénale chronique, d'une maladie cardiovasculaire, de démence et d'arthrose.»Les maladies cardiovasculaires, principal facteur d’augmentation du recours aux services de santéDans le détail, parmi les 10 combinaisons de maladies chroniques multiples qui ont contribué aux taux les plus élevés d'hospitalisations pendant la période hivernale, les maladies cardiovasculaires (MCV) sont apparues dans toutes les combinaisons sauf une, l’insuffisance rénale chronique (IRC) dans huit combinaisons et le cancer dans six. «Le taux d'hospitalisations (pour 1000 personnes-années) était plus élevé chez les personnes atteintes de multiples affections chroniques que chez celles n'en souffrant pas», écrivent les chercheurs.Voici les combinaisons pour lesquelles les taux bruts d’hospitalisation relevés étaient les plus élevés:1643 pour 1000 personnes-années pour la combinaison cancer avec IRC, MCV et diabète sucré de type 2 (DT2)1552 pour 1000 personnes-années pour la combinaison cancer avec IRC, MCV et arthrose.Voici les combinaisons pour lesquelles les taux d’incidence ajustés d’hospitalisation relevés étaient les plus élevés, comparé aux personnes sans affection chronique:personnes atteintes d'une combinaison de cancer, d'IRC, de MCV et de DT2: taux d’incidence ajustés d’hospitalisation 11,0 (IC à 95% 9,4 à 12,7) fois plus élevé;personnes atteintes d'un cancer, d'une IRC, d'une MCV et d'arthrose: taux ajusté d’hospitalisation 9,8 (8,3 à 11,4) fois plus élevé;personnes atteintes d'un cancer, d'une IRC et d'une MCV: taux ajusté d’hospitalisation 9,6 (8,6 à 10,7) fois plus élevé;personnes atteintes d'une IRC, d'une MCV et de DT2: taux ajusté d'hospitalisations 6,1 (IC à 95% 5,5 à 6,8) fois plus élevé, et 8,4 (7,0 à 10,0) fois plus élevé lorsque l'anxiété ou la dépression était ajoutée aux combinaisons de plusieurs affections chroniques.Concernant les décès, les maladies cardiovasculaires sont apparues dans les 10 combinaisons et les insuffisances rénales chroniques dans sept des dix principales combinaisons de maladies chroniques multiples qui ont contribué aux taux de mortalité les plus élevés pendant la période hivernale. Les MCV avec démence semblaient être la combinaison clé qui apparaissait dans les cinq premières combinaisons de multiples affections chroniques. «Cette combinaison de deux maladies était associée à un taux de mortalité nettement plus élevé que de nombreuses combinaisons de trois, quatre et cinq maladies», précisent les auteurs.Voici le nombre et les taux d'incidence bruts des décès associés aux combinaisons de conditions chroniques: taux de décès de 1 pour 1000 personnes-années chez les personnes sans affection chronique; de 346 pour 1000 personnes-années chez les personnes atteintes d'une combinaison de cancer, d'IRC, d'une MCV et de démence;de 333 pour 1000 personnes-années chez les personnes atteintes d'une combinaison d'IRC, d'une MCV, de démence et d'arthrose. Voici les combinaisons pour lesquelles les taux d’incidence ajustés de mortalité étaient les plus élevés, comparé aux personnes sans affection chronique:personnes atteintes d'une MCV et de démence: taux de mortalité 14,6 (IC à 95% 12,0 à 17,8) fois plus élevé;ce taux est passé à 21,4 (IC à 95% 17,5 à 26,0) chez les patients qui souffraient également d'une maladie rénale chronique (IRC avec MCV et démence);personnes atteintes de cancer avec IRC, MCV et démence: taux ajusté de mortalité 23,2 (IC à 95% 17,5 à 30,3) fois plus élevé;Patients atteints d’une IRC avec MCV, démence et arthrose: taux ajusté de mortalité 24,3 (IC à 95% 19,1 à 30,4) fois plus élevé.«Les directives cliniques et politiques actuelles considèrent le risque d’hospitalisation et de décès pour plusieurs affections chroniques pendant la saison hivernale comme une seule affection homogène. En mettant en évidence des combinaisons spécifiques à haut risque, nos résultats éclaireront la planification des pressions hivernales sur le NHS et aideront les décideurs politiques à allouer les ressources là où elles sont le plus nécessaires», concluent les auteurs, tout en indiquant ne pas avoir pris en compte la durée ou la gravité de la maladie ou de la fragilité, ni la séquence des affections de longue durée. Référence: Islam N, Shabnam S, Khan N, Gillies C et coll. Combinations of multiple long term conditions and risk of hospital admission or death during winter 2021-22 in England: population based cohort study. BMJ Medicine 2024;3:e001016. DOI: https://doi.org/10.1136/bmjmed-2024-001016

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