Dérapages du Dossier santé numérique: à qui la faute?

Santé Québec annonçait récemment la mise sur pause du déploiement du Dossier santé numérique (DSN), ce qui inclut aussi le projet de mise à jour des logiciels de gestion du réseau. Les raisons justifiant le report ou l'arrêt du projet du DSN ne sont pas tout à fait transparentes.Santé Québec affirme que de certaines conditions essentielles pour assurer un déploiement optimal ne sont plus réunies. Le moyen de pression des médecins de boycotter les formations sur le DSN a aussi été l'une des raisons évoquées.On rapporte qu'il pourrait avoir des problèmes en lien avec la gouvernance, les coûts et l'échéancier1. Bref, les moyens de pressions des médecins ne serait qu’un petit facteur.Nous avons par la suite appris que la décision de suspendre le déploiement du système financier pourrait coûter très cher en pénalités2.Mais que se passe-t-il donc au Québec lorsqu'il s'agit d'informatiser de grands secteurs de notre société? Le fiasco de SAAQClic était-il la pointe de l'iceberg ? Les problèmes reliés à ces grands projets au Québec sont devenus carrément gênants…Dans de tels projets il y a plusieurs étapes critiques. La première est l'élaboration d'un cahier de charge qui définit nos besoins et les attentes qui devront être livrées par le système informatique. Par la suite, il devrait y avoir un appel d'offres au cours duquel les fournisseurs proposent des solutions, et dans quelle mesure ils peuvent rencontrer les demandes et les échéanciers du cahier de charge. Ces appels d'offres sont bien sûr attachés à une facture. Il y a par la suite signature d'un contrat.Comment se fait-il qu'après un processus qui doit être rigoureux et passablement élaboré que nous nous plantions autant?Sommes-nous des cancres dans l'élaboration du cahier de charge? Il est possible que l'ambition nous fasse perdre de vue l'essentiel et que le phénomène du «tant qu'à y être» nous fasse ajouter une série de fonctionnalités qui deviennent parfois monstrueuses.Si un DSN constitue sans l'ombre d'un doute une base de données énorme, il en va autrement du système financier, qui est la base de l'opération de toute entreprise. Cela nous rappelle le dossier Phénix du gouvernement fédéral. Inutile de rappeler que ce système avait été développé par IBM. L’entreprise est aussi derrière LGS, la filiale qui a obtenu des contrats au cœur des controverses actuelles. C'est comme si ce fournisseur de logiciels n'avait pas fait ses devoirs ni appris ses leçons. Au niveau fédéral, la solution est finalement passée par un changement de fournisseur3.Quant au DSN, le logiciel retenu est celui de la compagnie américaine EPIC, considéré comme l'un des plus importants fournisseurs de ce type de solutions informatiques. Une recherche sur le web ne semble rapporter aucune crise liée au coût de l’instauration de ce logiciel dans plusieurs hôpitaux en Ontario. Il y a donc tout lieu de s'interroger sur les dépassements de coûts récurrents au Québec. De toute évidence, les contrats signés ne sont pas du style clé en main. Le fournisseur de logiciels semble avoir toutes les portes de sortie pour gonfler sa facture.Même si les dossiers médicaux électroniques ont des bénéfices en termes d’accessibilité de l’information et de standardisation, et qu’ils évitent à leurs utilisateurs de déchiffrer les pates de mouches des notes manuscrites, les études démontrent néanmoins une certaine ambivalence des professionnels face à ces solutions4.Il est clair pour tous cependant que la fragmentation actuelle des données médicales et que l’utilisation des fax sont choses intolérables en 2025.Il y a de l’incompétence quelque part, de mauvaises préparations de cahiers de charges, des contrats mal rédigés, ou des fournisseurs profiteurs. On peut bien critiquer les ministres et les gouvernements qui sont ultimement responsables, mais, dans les faits, ces personnes ont peu ou pas de compétences pour juger de ces détails et ces derniers doivent s’en remettre à des experts dans ces domaines. Il y a clairement un problème de ce côté… Sinon, nous faisons face à une collusion abominable entre le politique et d’autres acteurs.Il est grand temps que les bottines suivent les babines et qu’on applique concrètement le principe d’imputabilité. Il faut démasquer les incompétences ou les problèmes systémiques et prendre les actions qui permettront la réalisation d’une informatisation efficace et efficiente. Et il faut cesser de dilapider les fonds publics.Références[1] https://www.journaldequebec.com/2025/10/02/le-deploiement-du-dossier-sante-numerique-reporte[2] https://www.journaldequebec.com/2025/10/07/transformation-numerique-en-sante-la-suspension-dun-projet-coutera-tres-cher-a-quebec[3] https://www.canada.ca/fr/services-publics-approvisionnement/nouvelles/2025/06/le-gouvernement-du-canada-met-de-lavant-la-transformation-des-ressources-humaines-et-de-la-paye-avec-dayforce.html[4] Upadhyay S, Hu HF. A Qualitative Analysis of the Impact of Electronic Health Records (EHR) on Healthcare Quality and Safety: Clinicians' Lived Experiences. Health Serv Insights. 2022 Mar 3

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Marc Parent

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