Dépression majeure réfractaire : La potentialisation d'un antidépresseur par la rispéridone est-elle efficace ?

Critique et pratique fait école. Des résidents de première année en spécialité de l’Université Laval ont rédigé un résumé critique d’un article récent d’intérêt dans leur domaine. Le responsable du cours d’apprentissage de la lecture critique, le Dr Michel Cauchon, a invité des cliniciens enseignants de diverses spécialités à collaborer à la révision de ce travail de synthèse. Quelques-uns de ces travaux seront publiés au cours des prochaines semaines. christine.bastien-chrétien.1@ulaval.ca catherine.lebel.1@ulaval.ca Article de référence Mahmoud RA, Pandina GJ, Turkoz I, Kosik-Gonzalez C, Canuso CM, Kujawa MJ, et coll. Risperidone for treatment-refractory major depressive disorder. Annals of Internal Medicine, novembre 2007;147 :593-602. RÉSUMÉ Objectif Mesurer l’efficacité et la tolérabilité de l’ajout de la rispéridone chez les patients ne réagissant pas à un traitement adéquat avec un antidépresseur. Conception Essai clinique randomisé à double insu avec groupe témoin placebo. Contexte L’étude s’est déroulée dans 41 centres de soins primaires et 34 centres psychiatriques aux États-Unis du 19 octobre 2004 au 17 novembre 2005. Participants En tout, 463 patients de 18 à 65 ans suivis en clinique externe pour dépression majeure et recevant un antidépresseur en monothérapie. Pour être inclus dans l’étude, ils devaient rencontrer les critères suivants : un score ≥ 4 à l’échelle CGI-S (score de 1 à 7) et ≥ 20 à l’échelle de dépression de Carroll, après quatre semaines d’essai thérapeutique. Critères d’exclusion : grossesse, risque suicidaire élevé, problèmes de santé sérieux, maladie neurologique, abus de drogues et d’alcool, traitement avec antidépresseurs tricycliques, IMAO, stabilisateurs de l’humeur, antiépileptiques ou psychostimulants. Intervention Après une période de prérandomisation ouverte de quatre semaines de monothérapie à base d’un antidépresseur, 274 patients ont été randomisés pour recevoir la rispéridone (n = 141) à dose progressive (0,25 mg x 3 jours, 0,5 mg aux jours 4 à 15 et 1 mg aux jours 16 à 28) ou le placebo (n = 133) sur une période de six semaines. Après quatre semaines, la dose de rispéridone pouvait être majorée à 2 mg. Principales mesures de résultats La mesure principale d’efficacité est la modification du score par rapport à la valeur de base sur l’échelle HAMD-17 (score variant de 0 à 52, réaction : diminution de 50 % du résultat initial; rémission : valeur ≤ 7). À chaque visite de suivi (semaines 1, 2, 4 et 6), le HAMD-17 et le CGI-S étaient administrés par des cliniciens. Les mesures secondaires sont : l’amélioration de la qualité de vie (à l’aide de différents questionnaires) et l’évaluation de l’innocuité (vérifiée par des examens physiques, la prise de signes vitaux ainsi que par les effets secondaires rapportés spontanément). Résultats Il y a eu 268 patients qui ont été inclus dans l’analyse (rispéridone n = 137, placebo n = 131). On a noté une amélioration plus importante sur le plan du score moyen pour le groupe traité avec la rispéridone par rapport au groupe placebo à la quatrième semaine (15,4 ± 0,52 vs 17,3 ± 0,52, soit une différence de -1,9 ± 0,69; IC 95 % : -3,3 à -0,5) de même qu’à la sixième semaine (13,4 ± 0,54 vs 16,2 ± 0,53, soit une différence de -2,8 ± 0,72; IC 95 % : -4,2 à -1,4). Les pourcentages de réaction et de rémission étaient significativement plus élevés avec la rispéridone qu’avec le placebo (respectivement, réaction : 46,2 % vs 29,5 %, p = 0,004; rémission : 24,5 % vs 10,7 %, p = 0,004). Les mesures de la qualité de vie étaient toutes améliorées de façon significative. Le traitement par la rispéridone a été en général bien toléré. Quelque 55 % des patients sous placebo vs 46 % sous rispéridone ont rapporté des effets secondaires, pour la plupart mineurs et de courte durée. Par ailleurs, on souligne un pourcentage d’abandon global et en relation avec des effets secondaires plus élevé dans le groupe rispéridone (respectivement : 19 % et 5,8 %) que dans le groupe placebo (respectivement : 12,2 % vs 2,3 %). Conclusion L’ajout de la rispéridone est associé à une amélioration du pourcentage de réaction et de rémission de même que de la qualité de vie chez les patients ayant une réaction insuffisante à un traitement antidépresseur sur une période de un mois, tout en étant bien toléré. COMMENTAIRE Pertinence de l’étude Cet article traite d’un sujet important et d’actualité. La résistance au traitement antidépresseur est fréquente et touche de 30 % à 40 % des patients déprimés. Plusieurs options thérapeutiques s’offrent aux cliniciens : optimiser les doses, substituer pour un autre antidépresseur, associer deux antidépresseurs ou potentialiser avec d’autres médicaments. En clinique spécialisée, on utilise de plus en plus les antipsychotiques atypiques dans cette indication. Par contre, il y a très peu d’essais cliniques portant sur cette stratégie de potentialisation. S’agit-il d’une option valable ? Importance des résultats La combinaison d’un antidépresseur à la rispéridone (comparativement au placebo), s’est avérée statistiquement et cliniquement plus efficace sur le plan de la diminution de la gravité des symptômes ainsi que de l’amélioration du pourcentage de réaction et de rémission dans cette étude. On a obtenu deux fois plus de rémissions dans le groupe rispéridone que dans le groupe placebo. Selon les résultats de cet essai, il est nécessaire de traiter environ six patients pour obtenir une réaction supplémentaire (NNT = 6), alors que ce chiffre est d’environ sept en ce qui concerne la rémission (NNT = 7). Le traitement est en général bien toléré bien qu’environ un patient sur cinq l’ait abandonné durant l’étude comparativement à environ un sur huit pour le groupe placebo. Critique de la méthodologie L’étude est de bonne qualité méthodologique. Le processus de randomisation est explicite et adéquat. Il s’agit principalement de femmes (environ 73 %) âgées en moyenne de 46 ans ayant un score HAMD-17 moyen de 24,3 et traitées avec un antidépresseur de type ISRS, INRS, ou autre agent (bupropion ou trazodone). La population des sujets, qui inclut des patients provenant de cliniques de première ligne et de centres de psychiatrie, augmente la validité externe de l’étude et la généralisation des résultats. Les analyses statistiques ont été effectuées selon le respect du groupe d’assignation des participants. Les résultats ont été mesurés à double insu avec des échelles reconnues et un algorithme bien défini. Une des principales faiblesses de cette étude est que les auteurs ne précisent pas la nature exacte du traitement antidépresseur reçu par les patients (dosage et durée de traitement avant l’entrée dans l’étude). Nous ne pouvons conclure que les malades ont eu un traitement optimal permettant de les considérer comme des patients résistants au traitement de première intention. Nous aurions apprécié que les auteurs précisent davantage la définition de la résistance au traitement. D’autre part, l’étude est de courte durée et ne permet pas de prouver que les bénéfices sont maintenus à long terme. Par ailleurs, soulignons un pourcentage plus élevé d’abandon général et en relation avec des effets secondaires dans le groupe rispéridone. Mise en perspective selon l’état des connaissances Les résultats de cette étude viennent confirmer ceux provenant d’autres études publiées 1,2 sur le sujet. Les guides de pratique clinique3 suggèrent la potentialisation des antidépresseurs avec les antipsychotiques atypiques comme une des stratégies de traitement de la dépression majeure résistante, malgré le peu de données de la documentation. Contribution à la prise de décision clinique L’utilisation à court terme de la rispéridone comme agent potentialisateur est une option valable chez les patients n’ayant pas obtenu une réaction satisfaisante après un mois de traitement avec un antidépresseur. Références 1. Ostroff RB, Nelson JC. Risperidone augmentation of selective serotonin reuptake inhibitors in major depression. J Clin Psychiatry. 1999;60 :256-9. 2. Rapaport MH, Gharabawi GM, Canuso CM, Mahmoud RA, Keller MB, Bossie CA, et coll. Effects of risperidone augmentation in patients with treatment-resistant depression : results of open-label treatment followed by double-blind continuation. Neuropsychopharmacology. 2006;31 :2505-13. 3. Guidelines and protocols (advisory committee). Depression (MDD) – Diagnosis and management. www.health.gov.bc.ca/gpac/pdf/depression_full_guideline.pdf Vous voulez répondre efficacement à vos questions cliniques ? Vous désirez apprécier de façon critique la qualité de l’information scientifique ? Inscrivez-vous aux modules interactifs d’autoapprentissage des habiletés de lecture critique et de gestion de l’information d’InfoCritique en visitant le infocritique.fmed.ulaval.ca et en cliquant sur Développement professionnel continu dans le menu de gauche. InfoCritique vous permet d’obtenir 18 heures de crédits de DPC.

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