Dépendance et toxicomanie: pourquoi les médecins sont-ils généralement réticents à intervenir?

Les médecins sont censés intervenir dans les cas de toxicomanie et de dépendance, mais nombre d’entre eux hésitent à le faire. C’est ce qui ressort d’une revue systématique publiée dans le JAMA Network Open, qui a examiné les raisons invoquées par les médecins américains pour ne pas aborder ces questions dans leur pratique clinique.Dans un contexte d’épidémie de surdoses, il est d’autant plus nécessaire que les médecins mettent en œuvre des pratiques fondées sur des données probantes pour les troubles liés à l’utilisation de substances psychoactives, selon l’étude. Cependant, l’adoption de ces interventions — qui comprennent le dépistage, le traitement, la réduction des risques et le soutien au sevrage — reste faible.Cette réticence crée des «occasions manquées» d’intervenir et d’éviter que la consommation de substances du patient n’évolue vers un trouble grave.Selon l’étude, les surdoses sont l’une des principales causes de «décès liés à des blessures» (injury-related death, en anglais) aux États-Unis, avec 107 941 décès en 2022. De 2015 à 2019, les décès dus à l’alcool ont dépassé le nombre de 140 000 par année.Au Canada, on estime que 67 000 décès par an sont «attribuables» à la consommation de substances, selon les données fournies par le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH). Ce chiffre comprend plus de 47 000 décès attribuables au tabac et près de 15 000 attribuables à l’alcool.Face à cette crise permanente, les médecins ont décrit de nombreux obstacles à la prise en charge de la consommation de substances et de la toxicomanie dans leur pratique. La revue a examiné un total de 283 études publiées entre 1960 et 2021 (97,3% d’entre elles ayant été publiées en 2000 ou après). Les raisons invoquées pour ne pas intervenir sont les suivantes:Manque de soutien institutionnel: «Les raisons de la réticence liées à l’environnement institutionnel comprenaient le manque de personnel formé ou de ressources pour former le personnel, ainsi que le manque d’acceptation des interventions en matière de toxicomanie parmi le personnel ou la direction.»Manque de connaissances: «Les connaissances étaient plus déficientes pour le traitement que pour le dépistage ou le diagnostic, et pour la consommation de drogues plus que pour la consommation d’alcool et de tabac. Les médecins ne connaissaient pas les données probantes relatives aux troubles liés à l’utilisation de substances en tant que conditions biomédicales, aux stratégies de réduction des risques et au dépistage de l’utilisation de substances à risque. Certains médecins n’étaient pas conscients de l’ampleur de la consommation de substances par leurs patients.»Manque de compétences: Les médecins ont déclaré ne pas avoir les compétences nécessaires pour intervenir de manière suffisamment efficace pour modifier le comportement de leurs patients. «Ils ont également décrit un manque de compétences nécessaires pour initier ou gérer un traitement, en particulier pour les troubles liés à la consommation de substances autres que l’alcool ou le tabac. Dans certaines études, ils ont assimilé leur manque de compétences à un manque d’expérience dans l’observation ou la mise en œuvre d’une intervention pour troubles liés à la consommation de substances sous supervision.»Défaut de capacité cognitive (charge mentale): «Le défaut de capacité cognitive n’a pas souvent été caractérisé au-delà d’un sentiment général d’être débordé par les tâches cliniques [...] et de la nécessité d’établir des priorités entre les besoins concurrents des patients.»Selon les auteurs, il existe plusieurs moyens de surmonter ces obstacles et de faciliter l’intervention des médecins. Ils devraient notamment recevoir «de l’information et une formation adéquates dans des domaines tels que la gestion de la pharmacologie». Il est également utile que le médecin comprenne que la toxicomanie fait partie de son champ d’activité.En outre, les systèmes de santé devraient «s’engager fermement à apporter des modifications essentielles au flux de travail et à la dotation en personnel», autrement dit augmenter les ressources humaines.Les barrières entre les services d’addictologie, les soins médicaux et les soins de santé mentale doivent également être levées.

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