Demande de moratoire sur l’uranium: Deux médecins déposent un mémoire au nom de 50 médecins

La psychiatre Isabelle Gingras et le pneumologue Bruno Imbeault, deux médecins de Sept-Îles opposés à l’exploration et à l’exploitation de l’uranium sur la Côte-Nord, ont réitéré leur demande d’un moratoire sur cette ressource minière à l’occasion de la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi 79 sur les mines.Le 19 août dernier, ils ont en effet présenté à l’Assemblée nationale, en présence du ministre responsable du dossier, Serge Simard, un mémoire scientifique très bien documenté, d’une cinquantaine de pages, qui a été signé par cinq médecins et endossé par 50 autres exerçant partout au Québec.Ce moratoire sur l’uranium est exigé au moins jusqu’à ce que le comité de travail sur l’industrie uranifère sur la Côte-Nord, mis sur pied par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) après les menaces de démission émanant de médecins de Sept-Îles en décembre 2009, ait fait connaître ses conclusions. Or, le rapport de ce comité, dont font partie les Drs Gingras et Imbeault, n’est pas attendu avant 2011, voire 2012.La Virginie, un État américain également préoccupé par l’exploration de l’uranium, a aussi demandé à un groupe d’experts, dont font partie quelques lauréats de prix Nobel, d’étudier cette question. Ses recommandations sont attendues en 2012.Danger pour la santéDans leur mémoire présenté devant les élus, les Drs Gingras et Imbeault ont rappelé que les mines d’uranium créent des millions de tonnes de résidus qui conservent environ 80 % à 85 % de la radioactivité présente à l’origine dans le minerai. Ces résidus de déchets radioactifs doivent être complètement isolés par des barrières physiques suffisamment étanches et résistantes à l’érosion pendant des millénaires.Les médecins craignent que des fuites probables dans ces barrières et de possibles déversements accidentels d’éléments radioactifs ne représentent une grave menace pour la santé actuelle, l’environnement et les générations futures. De tels accidents se sont déjà produits dans le monde. Les résidus miniers sont aussi polluants à bien d’autres égards. On y trouve des matériaux lourds, comme du nickel, du cuivre, de l’arsenic et du sélénium. Selon les médecins québécois, l’exploitation de l’uranium ne sera bénéfique que pour une minorité d’industriels et sera inutile pour la majorité des Québécois, car il existe d’autres solutions énergétiques plus responsables.À ceux qui prétendent que l’uranium pourra servir à la production d’isotopes médicaux, les médecins ont rappelé qu’en mars 2010 le gouvernement Harper a décidé de ne pas remplacer le vieux réacteur nucléaire de Chalk River et d’investir plutôt dans la recherche et le développement de cyclotrons et d’accélérateurs linéaires spécialisés dans la production de plusieurs isotopes utilisés en médecine nucléaire. C’est un argument majeur de moins en faveur de l’uranium.Atmosphère de suspicionLa présentation du mémoire en commission parlementaire s’est faite dans une atmosphère de suspicion entre le ministre Serge Simard et les deux médecins représentant leurs pairs. Le ministre Simard est ouvertement favorable à l’exploitation de l’uranium pour des raisons socio-économiques, alors que les médecins réclament un moratoire complet. Les positions étaient donc irréconciliables entre les deux parties; d’ailleurs, le ministre ne s’est jamais arrêté aux arguments scientifiques et médicaux présentés par les médecins. Des députés de l’Opposition ont toutefois appuyé la démarche des Drs Gingras et Imbeault, et soutenu leur point de vue.

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