De nouvelles recommandations pour l’évaluation et la prise en charge de la constipation chronique

L’American Society of Colon and Rectal Surgeons (ASCRS) vient de publier dans la revue Diseases of the Colon & Rectum une mise à jour de ses lignes directrices de pratique clinique relatives à l’évaluation et la prise en charge de la constipation chronique, dont la précédente version datait de 2016. Le groupe d’experts de l’ASCRS énonce en préambule que «l’étiologie complexe et la gravité variable des symptômes de la constipation exigent une approche individualisée» et que compte tenu de la diversité des spécialités qui peuvent la prendre en charge, «une approche collaborative est souvent justifiée pour obtenir des résultats optimaux pour le patient».La constipation est l’un des troubles gastro-intestinaux les plus courants et lorsqu’elle se chronicise, elle constitue un motif fréquent d’orientation vers un chirurgien colorectal. Sa prévalence mondiale est d’environ 15% et son diagnostic est plus fréquent en Amérique du Nord et en Europe qu’en Asie, «probablement en raison des différences de régime alimentaire, de culture et d’environnement», indiquent les auteurs.La constipation se caractérise par un dysfonctionnement de la motilité colique et/ou un dysfonctionnement de l’évacuation des selles. Selon les critères de Rome IV, elle se définit par la présence d’au moins deux des éléments suivants: moins de trois défécations spontanées par semaine, des selles en scybales ou dures, des efforts de poussée, une évacuation incomplète, une sensation de blocage anorectal ou la nécessité de manœuvres manuelles pour aider à la défécation. La constipation est dite chronique quand elle persiste depuis six mois.Le groupe d’experts de l’ASCRS a analysé les données de 134 études publiées sur le sujet entre 2014 et 2024. À partir de cette méta-analyse, ils ont formulé 13 recommandations, chacune étant qualifiée de «forte» ou de «conditionnelle» selon le niveau de certitude des preuves de la littérature médicale.Les six recommandations «fortes»La nécessité de procéder à une anamnèse et à un examen physique personnalisésBien que la constipation soit en soi une affection bénigne, les auteurs soulignent que «l’anamnèse et l’examen physique permettent de s’assurer qu’une maladie grave, voire mortelle, n’est pas la cause sous-jacente des symptômes liés à la constipation.» Les patients souffrant de constipation qui signalent également des saignements rectaux, une modification du calibre des selles, la présence de sang dans les selles, une perte de poids, une anémie ou des antécédents familiaux de cancer colorectal doivent, selon eux, faire l’objet d’une évaluation endoscopique à la recherche de lésions néoplasiques dans les intestins.En premier lieu, la modification du régime alimentaireLa modification du régime alimentaire, notamment l’augmentation de la consommation d’eau et de fibres, est considérée comme des traitements de première intention dans la prise en charge de la constipation. Elles sont «généralement recommandées avant de procéder à des examens de la fonction du plancher pelvien et de la motilité colique».Les laxatifs osmotiques comme traitement médical de première intention Les agents osmotiques utilisés dans le traitement de la constipation comprennent les solutions à base de polyéthylène glycol (PEG) et les produits à base de sel de magnésium. «Une méta-analyse de 10 essais randomisés contrôlés ayant comparé les solutions de PEG au lactulose a démontré la supériorité (des premières) en termes d’amélioration de la fréquence et de la consistance des selles, de soulagement des douleurs abdominales et de réduction de l’utilisation d’autres laxatifs», indiquent les auteurs. «Les laxatifs à base de sels de magnésium, tels que le sulfate de magnésium, se sont également révélés efficaces pour améliorer la fréquence et la consistance des selles», ajoutent-ils en mentionnant que les laxatifs stimulants, tels que le bisacodyl, peuvent être envisagés comme traitement de secours ou de deuxième intention, si nécessaire.La motilité et le transit coliques doivent être mesurés avant d’envisager une intervention chirurgicale«L’évaluation du transit colique peut élucider la cause sous-jacente de la constipation», explique le groupe d’experts de l’ASCRS. Ils estiment que la mesure du temps de transit des marqueurs radio-opaques dans le côlon «reste la modalité de test de motilité la plus courante en raison de sa grande disponibilité, de son faible coût et de sa facilité d’utilisation».La thérapie par biofeedback à considérerSelon un avis de l’Ordre des psychologues du Québec, le terme biofeedback «recouvre l’ensemble des techniques qui permettent de mesurer et d’enregistrer, à l’aide de capteurs, des signaux physiologiques comme la température du corps, la respiration, le rythme cardiaque, la tension musculaire ou les ondes cérébrales. L’information ainsi obtenue est transmise au client sous forme de signaux visuels ou auditifs (rétroaction ou feedback) en direct sur un écran d’ordinateur, par exemple. Avec l’aide d’un intervenant adéquatement formé, le client s’entraîne alors à moduler ses réactions physiologiques, le but étant de réguler le comportement au quotidien.»Le groupe d’experts de l’ASCRS affirme que «la thérapie par biofeedback est considérée comme un traitement de première intention pour les patients souffrant de dyssynergie symptomatique du plancher pelvien». Après la formation initiale, un renforcement périodique est nécessaire pour maintenir l’efficacité du biofeedback dans le temps, soulignent-ils en spécifiant que «le succès de la thérapie par biofeedback du plancher pelvien repose sur la motivation et la participation du patient à un plan individualisé, adapté à ses besoins».La résection rectale transanale agrafée du bas rectum (STARR) n’est pas recommandée pour la réparation de la hernie rectale ou de l’intussusception rectale Cette non-recommandation s’appuie sur les résultats d’une revue systématique portant sur les résultats postopératoires de la STARR effectuée pour une hernie rectale (rectocèle) ou une intussusception rectale. Celle-ci a mis en évidence des taux élevés de complications associés à cette procédure, notamment des saignements, des infections, des douleurs, des urgences fécales et une incontinence.Lire aussi: Le dysfonctionnement du plancher pelvien en 5 pointsLes sept recommandations «conditionnelles»Des mesures objectives évaluant la nature et la gravité de la constipation peuvent être utiles lors de l’évaluation des patients.Les patients dont l’état ne s’améliore pas avec les changements alimentaires, la consommation de fibres et les laxatifs osmotiques doivent faire l’objet d’un examen visant à déterminer s’ils souffrent d’un dysfonctionnement de l’évacuation des selles. Des tests de physiologie anorectale, une imagerie dynamique par fluoroscopie, une IRM dynamique du plancher pelvien (ou déféco-IRM) ou une échographie dynamique peuvent permettre d’identifier les étiologies fonctionnelles ou structurelles liées à un trouble de l’évacuation.L’injection de toxine botulique dans le muscle puborectal et le sphincter externe peut être envisagée chez les patients présentant une constipation due à un dysfonctionnement de l’orifice de sortie lié à l’absence de relâchement du muscle puborectal. Une réparation chirurgicale peut être envisagée chez les patients présentant un dysfonctionnement important de l’orifice de sortie dû à une rectocèle, après avoir traité toutes les étiologies fonctionnelles concomitantes telles que l’absence de relâchement du muscle puborectal. La réparation de l’invagination rectale peut être envisagée chez les patients présentant une défécation sévère obstruée et chez lesquels les traitements non chirurgicaux ont échoué.Les patients souffrant d’une constipation colique réfractaire isolée à transit lent peuvent bénéficier d’une colectomie totale avec anastomose iléo-rectale.La dérivation fécale peut être envisagée chez les patients souffrant d’une constipation intraitable réfractaire aux autres options de traitement.Les lignes directrices de pratique clinique de l’ASCRS relatives à l’évaluation et la prise en charge de la constipation chronique peuvent être consultées ici.

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