De l’importance de la continuité des soins en première ligne

C’est un fait connu et reconnu: la prestation idéale de soins primaires repose sur une relation longitudinale entre un patient et son médecin de famille. La littérature a montré que cette continuité relationnelle est associée à de meilleurs soins, à une réduction de la surutilisation des procédures, des hospitalisations et des visites à l’urgence, à des coûts moindres ainsi qu’à des niveaux de satisfaction plus élevés chez les patients.Dans un contexte où de plus en plus de médecins de famille canadiens pratiquent à temps partiel, les patients sont de plus de plus susceptibles de recevoir des soins de la part de différents omnipraticiens au sein de la même clinique. Partant de cette prémisse, des cliniciens chercheurs des départements de médecine familiale et de santé communautaire de l’Université de Calgary ont évalué les impacts de cette continuité relationnelle partagée.Ils confirment que «la continuité relationnelle avec un médecin de famille est associée à une réduction du nombre de visites aux urgences et d’hospitalisations toutes causes confondues». Leurs résultats, publiés dans The Annals of Family Medicine, montrent également que la «continuité (au sein d’une) clinique a eu un effet similaire, bien que moins spectaculaire, que la continuité (auprès d’un médecin). Le fait de toujours voir un autre médecin de famille dans la même clinique, à défaut de voir son propre médecin, semble clairement bénéfique», écrivent les auteurs.À lire aussi: Le CRDS, toujours un irritant majeur pour les médecins de famillePour parvenir à cette conclusion, leur étude observationnelle rétrospective a inclus les 4900 omnipraticiens inscrits au registre provincial de l’Alberta qui ont été rémunérés à l’acte au cours des années 2015 à 2018. Elle a aussi inclus tous les patients albertains (adultes et enfants) qui ont effectué au moins trois visites chez le médecin au cours de la période étudiée, soit 1,2 million de personnes. Les chercheurs ont ensuite corrélé les demandes de remboursement des cliniciens aux consultations des patients auprès des médecins de famille ainsi qu’à leurs éventuelles visites à l’urgence ou admissions à l’hôpital.Ils ont mesuré la continuité à l’aide du taux de consultations par patient auprès de son médecin de famille, auprès d’un médecin de famille de la même clinique ou dans un autre milieu de soins primaires. Un taux de 0 à 40% est ainsi associé à une continuité faible (le patient consulte régulièrement dans un autre milieu); un taux de 41 à 80% est associé à une continuité modérée; et de 81 à 100% il détermine une continuité élevée (le patient consulte toujours dans la même clinique). Enfin, les chercheurs ont évalué la complexité des cas patients à l’aide de l’échelle CRG (clinical risk grouper) qui se base sur les antécédents médicaux.Les principaux résultatsUne continuité médicale élevée était associée à une utilisation moindre des services d’urgence pour tous les niveaux de complexité des patients et à moins d’hospitalisations pour les patients très complexes.L’absence de continuité clinique (0%) est associée à une augmentation de la fréquentation des urgences.La continuité clinique complète (100%) est associée à une diminution de la fréquentation des urgences, l’effet le plus important étant observé chez les patients les plus complexes.Les niveaux de continuité clinique compris entre 1 et 50% étaient généralement associés à une utilisation légèrement supérieure des services hospitaliers, et les niveaux compris entre 51 et 99% à une utilisation légèrement inférieure.Les auteurs soulignent que les données auxquelles ils ont eu accès ne leur ont pas permis d’attribuer avec certitude chaque visite aux urgences ou chaque hospitalisation à un médecin partenaire de la clinique ou à un médecin extérieur. «Nous ne pouvons donc pas déterminer si le désavantage apparent d’une moindre continuité des soins est dû au fait de voir un partenaire ou (de ne pas en voir un)», écrivent-ils.En revanche, ils estiment que «la valeur d’une continuité clinique à 100% est probablement attribuable à un certain nombre de facteurs dont il a été démontré qu’ils améliorent la qualité et les résultats pour la santé». Les chercheurs citent par exemple le fait que les omnipraticiens qui pratiquent ensemble dans la même clinique partagent l’accès aux dossiers de santé électroniques des patients dont ils s’occupent, «ce qui assure la continuité de l’information et de la prise en charge». Ils sont également plus susceptibles de s’engager dans une communication directe, «plus riche et plus complète que ce qui est disponible dans un dossier de santé électronique».Enfin, les auteurs mentionnent un possible «effet d’équipe» quand le patient voit les mêmes infirmières, assistants médicaux et autres professionnels, alors qu’il consulte un médecin de famille différent au sein de la clinique.

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