De l’argent frais pour le système, oui. Une franchise, non.

De plus en plus de médecins s’élèvent contre l’idée d’une franchise santé proposée par le gouvernement Charest et soutenue par le ministre de la Santé et des Services sociaux, le Dr Yves Bolduc. L’actualité médicale a demandé au président du Collège des médecins du Québec (CMQ), le Dr Yves Lamontagne, sa position sur le sujet.La franchise santé est-elle une bonne idée pour augmenter le financement du réseau ? Que pensez-vous de la coalition de médecins qui s‘est prononcée contre ?Si on m’avait demandé de participer à la coalition, j’aurais dit oui. J’avoue avoir reculé sur cette question, car j’ai publié un livre en 2006, Et si le système de santé vous appartenait?, dans lequel je me prononçais pour le ticket modérateur. Je prenais pour exemple la Suède où il coûte 25 $ pour voir un omnipraticien et 35 $, un spécialiste. La Suède est un des pays les plus avancés sur le plan social en ce qui a trait aux services de santé. Les gouvernements québécois successifs s’en sont beaucoup inspirés, jusqu’à ce que la Suède décide de privatiser les hôpitaux. Sauf que la Suède est un pays riche, plus que nous, avec un faible taux de chômage et ses citoyens sont habitués à payer pour les nombreux services dont ils bénéficient.Pourquoi avez-vous changé d’avis ?J’ai appris qu’au Québec, 40 % de gens ne paient pas d’impôt. Et on ne peut pas vraiment comparer les deux systèmes, car en Suède, il y a environ 10 fois moins de fonctionnaires pour gérer le système… Claude Castonguay parlait aussi d’un ticket modérateur dans son rapport et quand je suis allé à sa Commission, je lui ai dit qu’il coûterait plus cher à administrer que ce qu’il rapporterait. En plus, c’est compliqué à niveler. C’est pourquoi j’ai changé d’avis.Avez-vous des solutions ?Il faut prendre l’argent quelque part pour faire vivre le système de santé, quand on sait que la population vieillit, que l’on fait appel de plus en plus à la technologie, que les médicaments coûtent toujours plus cher… Le gouvernement ne peut plus suivre.Le Dr Amir Khadir propose justement de payer moins cher les médicaments.Il a raison en partie. Notamment pour les génériques. L’Ontario vient de bouger dans ce dossier. Ce sera très utile pour le Québec, car on devrait pouvoir sauver 300 millions $. Mais sur un budget qui dépasse le milliard de dollars, ce n’est rien. Si on peut économiser deux milliards comme l’a déjà dit le Dr Khadir, tant mieux, mais je ne suis pas sûr qu’il soit possible d’aller en chercher autant. En tout cas, le Dr Khadir propose une idée pour aller chercher de l’argent à mettre dans le système de santé et c’est important parce qu’il faut trouver de nouvelles solutions.Y a-t-il d’autres solutions ?Le ticket modérateur n’en est pas une. Si j’avais été au gouvernement, j’aurais laissé tomber l’idée de franchise et j’aurais proposé un montant forfaitaire, mais pas fixe à 200 $. J’aurais fait comme en Ontario où les gens paient un montant forfaitaire modulé selon leurs revenus. Ici, avec 40 % de citoyens qui ne paient pas d’impôts et qui ne paieront pas la franchise de 200 $, ce sera encore la classe moyenne qui paiera le plus. Les plus riches devraient payer davantage pour qu’on la protège.Croyez-vous que l’annonce d’une franchise à venir a été faite pour éviter que les gens ne s’insurgent contre le montant forfaitaire ?Je trouve cette idée tirée par les cheveux. Je sais que, comme toujours, quand une forte opposition se lève contre un projet, le Dr Bolduc mettra un comité sur pied pour examiner la façon de le mettre en place. Le Collège des médecins y participera et on proposera d’abandonner le ticket modérateur et de moduler le montant forfaitaire de 200 $ en fonction des revenus. Ainsi, presque personne ne verra une grande différence au bout de l’année. Et si on appliquait aussi l’idée d’Amir Khadir, au moins on avancerait et on ferait rentrer de l’argent. Il est paradoxal que les médecins se disent contre le fait de prendre de l’argent à l’extérieur du système, alors que les deux fédérations sont en négociations et demandent au gouvernement de leur en donner davantage. On sait qu’il n’y a plus d’argent. Il faudra se réveiller et s’apercevoir que l’État Père Noël, c’est fini, et que si on ne va pas chercher d’argent ailleurs, le système crèvera.

De l’argent frais pour le système, oui. Une franchise, non.

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