Conseils de pros pour une retraite épanouie

La retraite n’est pas un long fleuve tranquille qui fait naturellement suite au torrent bouillonnant d’une carrière de médecin ou de pharmacien. C’est un changement de vie, plus ou moins bien vécu, qui ne coule pas de source. «On ne peut pas rouler à 300 km/h pendant 30 ou 40 ans et enclencher du jour au lendemain la position “parking” pour s’arrêter sur la bande d’urgence. La retraite, ça s’anticipe», affirme la psychologue organisationnelle Josée Blondin qui anime des ateliers intitulés «Pratiquer sa retraite… Maintenant!» destinés aux médecins et aux pharmaciens encore en exercice.Au-delà des aspects déontologiques et financiers, la retraite doit aussi se préparer sur un plan psychologique. «Le plus tôt est le mieux. Ça a l’air un peu excessif dit comme ça, mais c’est une transition qui nécessite un vrai processus de réflexion. Il faut prendre le temps de l’analyser pour faire des choix conscients», observe la Dre Marie-Chantale Brien, directrice de l’intervention, de la prévention et de la recherche du Programme d’aide aux médecins du Québec (PAMQ).Voici donc quelques lignes directrices pour anticiper ce tournant de vie attendu par certains, redouté par d’autres.Mise en gardeDans l’inconscient collectif, la fin de la vie active est forcément heureuse et ce qui vient après rime avec liberté, tranquillité, loisirs et vie de famille. «La retraite est devenue dans notre société un archétype figé du bonheur et de l’épanouissement personnel», constate le psychologue Jean-Claude Tremblay. Dans les faits, «elle aussi synonyme de vide», tempère le président de Cogitas, une société de conseil qui accompagne les organisations et les individus dans la conduite du changement. «Notre profession est quelque chose qui nous définit, poursuit-il. Quand elle n’est plus là, on est qui?» Selon lui, ce sentiment de vide est prégnant parmi les médecins et les pharmaciens à la retraite. «Ce ne sont pas des métiers qu’on choisit, mais qui nous choisissent. C’est une profession de foi qui les habite et vient avec un statut social qu’il n’est pas évident de perdre», prévient-il.Lire aussi: À chaque médecin sa retraiteSe réinventerLe médecin comme le pharmacien «a une aura très forte dans la société, mais aussi auprès de sa famille. Pour aller vers autre chose au moment de la retraite, il ne faut pas se limiter à cette identité professionnelle — ce qu’on appelle “contrer l’identité rétrécie” —, mais développer tout au long de sa vie d’autres habiletés», recommande la Dre Marie-Chantale Brien. Elle encourage les futurs retraités à réévaluer leurs habitudes de vie et à dresser l’inventaire de leurs valeurs profondes: pourquoi ai-je choisi ce métier, et dans quoi voudrais-je m’investir ensuite? «Souvent, les médecins choisissent cette voie pour contribuer à la société et acquérir un statut social, une reconnaissance… On va donc leur suggérer d’aller vers des activités de retraite qui vont dans ce sens.»«Il ne faut pas se chercher coûte que coûte une passion, mais trouver des activités en périphérie de son métier», précise Jean-Claude Tremblay. On peut par exemple faire du bénévolat dans un organisme de solidarité pour continuer à prendre soin des autres. On peut s’impliquer dans l’accompagnement de la relève ou dans l’enseignement pour passer le flambeau. «La retraite, ce n’est pas un arrêt. C’est une transformation. Chacun doit trouver la sienne», mentionne le psychologue.«Qu’est-ce qui me nourrit et quels sont mes prochains rêves?» sont les deux questions fondamentales à se poser, résume pour sa part Josée Blondin qui considère que l’erreur serait de croire qu’il suffit juste d’identifier des activités sportives et sociales pour occuper ses journées. «Le temps peut-être long à la retraite. Au bout de six mois, un an à jouer au golf, la petite balle blanche peut vite taper sur les nerfs.»Lire aussi: «J’avais hâte de ralentir»: en pharmacie, la retraite à son rythmeSe fixer une date et lever le pied progressivement«Il faut pratiquer ce que les professionnels de la santé prêchent: prévenir plutôt que guérir», observe Jean-Claude Tremblay. Il insiste d'ailleurs sur la notion de planification anticipée pour ne pas se laisser prendre au dépourvu et décider à l’improviste: «L’objectif, c’est de trouver un nouvel équilibre qui nous satisfait et ça peut prendre plus ou moins longtemps.» Sa consœur Josée Blondin évoque un horizon de cinq à dix ans. Un laps de temps nécessaire pour se permettre de ralentir, de penser à soi et à ses vieux jours, mais aussi pour prévoir le transfert de sa patientèle quand on est médecin ou de son entreprise quand on est pharmacien. «Décider de prendre sa retraite sur un coup de tête, en considérant que c’est une étape facile, qui va se faire de même, c’est le meilleur moyen de faire des erreurs, d’avoir des regrets et de vivre un profond sentiment d’inutilité», signale la psychologue.Expérimenter sa retraiteLa clé d’une retraite épanouie, selon Jean-Claude Tremblay, «c’est de se créer un nouvel environnement et de le tester. Si on veut partir dans le bois parce qu’on est tanné de Montréal, il vaut mieux se louer un chalet et y vivre plus qu’une fin de semaine pour valider son choix. Ça évitera les mauvaises surprises». Josée Blondin envoie le même message. «Il faut pratiquer sa retraite en expérimentant ce qu’on veut faire pour se rendre compte si on est vraiment fait pour ça. Partir faire le tour du monde en backpack ou en voilier, c’est un beau projet qui n’est cependant pas donné à tout le monde», avertit la psychologue.«Ce n’est pas parce que vous êtes à la retraite que vous allez pouvoir faire tout ce que vous n’avez pas fait dans votre vie!» prévient de son côté la Dre Marie-Chantale Brien. «Il ne faut pas non plus occulter le sujet du vieillissement, et de notre capacité à faire telle ou telle chose.» Au cas où, il est donc utile un plan A, B et même C. Lire aussi: 5 conseils pour bien choisir vos nouveaux passe-temps à la retraiteS’y préparer à deux«On a tendance à l’oublier, mais la dimension couple est à prendre en considération», signale Josée Blondin. Nouveaux rythmes de vie, nouvelles habitudes, la retraite nécessite de se réinventer à deux pour que chacun trouve ses repères et réussisse à s’épanouir. Forcément, le temps passé ensemble va augmenter. «Il ne faut pas non plus fusionner au risque de s’étouffer mutuellement», prévient la psychologue fondatrice du cabinet Transfert 360. «On doit garder son espace et trouver un équilibre entre activités personnelles et activités de couple.»

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