Commotions cérébrales: «On devrait traiter tous les athlètes de sports de contact selon les mêmes principes, peu importe le niveau»

Les nombreuses commotions cérébrales subies par des athlètes professionnels ont fait prendre conscience à toute la société de la gravité et des impacts majeurs que peuvent entraîner ces traumatismes crâniens. Il est maintenant temps que nous soyons également sensibilisés aux commotions cérébrales qui surviennent chez les adolescents, et que nous prenions des mesures pour les diagnostiquer et les traiter, dit le président de l’Académie canadienne de la médecine du sport et de l’exercice, le Dr Pierre Frémont.Depuis deux ans, ce médecin de famille de Québec spécialisé en médecine sportive s’investit beaucoup dans ce type de blessures qui n’épargnent pas les adolescents pratiquant des sports de contacts, comme le hockey, le soccer et le football. Il s’active d’ailleurs comme médecin dans un établissement secondaire de Québec possédant son équipe de football et qui lui sert à la fois d’école d’intervention et de champ d’étude.Son message est clair: «En matière de commotions cérébrales, on devrait traiter tous les athlètes de sports de contact selon les mêmes principes, peu importe le niveau». Entrevue.D’où provient votre intérêt pour les commotions cérébrales?De l’époque où j’étais médecin d’équipe du Rouge et Or, de 1995 à 1999. Nous étions probablement aussi attentifs qu’aujourd’hui aux commotions cérébrales, mais je pense qu’on les identifiait beaucoup mieux au niveau universitaire il y a 15 ou 20 ans qu’on le fait actuellement chez les étudiants du secondaire.Qu’observez-vous en 2014?Ce qu’on a appris aux niveaux professionnels et universitaires, on tarde à bien l’appliquer de façon uniforme chez nos plus jeunes. Depuis deux ans, je me suis intéressé à l’encadrement des commotions cérébrales aux plus bas niveaux de participation, en particulier au niveau secondaire. En raison des succès du Rouge et Or, il y a eu explosion du football collégial et secondaire dans la région de Québec. On y joue même au primaire. Il y a des ligues de football sur lesquelles il faut se questionner.Les ados sont-ils plus à risque de commotions cérébrales que les adultes?La ligne est difficile à établir. Certains la tracent au primaire, d’autres à 12 ans ou 14 ans. Ça dépend aussi de chaque individu. Mais clairement, les jeunes de niveau primaire et ceux qui sont moins développés au secondaire présentent une disproportion entre le volume et le poids du crâne et la capacité musculaire de garder le contrôle lors d’un coup sur la tête. Chez les tout jeunes, si on ajoute le poids du casque, on empire le problème.Êtes-vous en train de dire que le casque serait un facteur aggravant?Chez les tout jeunes, oui. Le casque protège de plusieurs types de blessures, les lacérations, les fractures, les traumatismes aux yeux. Mais ils ne protègent pas énormément des commotions cérébrales. Qu’il y ait un casque ou pas, le cerveau subit le même ballotement.Existe-t-il des casques qui protègent plus que d’autres?Pas vraiment. Il y a des casques auxquels on attribue une meilleure capacité d’absorption, mais ils donnent une fausse impression de protection. Ils ont un effet minime sur les commotions cérébrales. Dans plusieurs sports, l’équipement donne aux athlètes qui les portent le sentiment de porter une armure et d’être invincibles.En ce qui concerne les commotions cérébrales, le football est-il plus risqué que le hockey, le soccer et le basketball?Ce n’est pas une question de classification. A leur façon, tous les sports de collision doivent être l’objet d’une éducation et d’une sensibilisation au phénomène des commotions cérébrales. Toutes sortes d’avenues peuvent être combinées pour rendre les sports de contact plus sécuritaires, comme limiter les coups à l’entraînement par exemple. Et surtout, il faut démontrer que lorsque ce type de blessures survient, nous sommes capables de bien nous en occuper. Le défi actuel, c’est que les patients qui consultent pour une commotion cérébrale puissent rencontrer quelqu’un de compétent.Les médecins de famille sont-ils suffisamment formés pour les diagnostiquer et réagir correctement?Ça prend un effort d’éducation pour y parvenir. Plusieurs organismes, dont l’Académie canadienne de la médecine du sport et de l’exercice et l’Association québécoise des médecins du sport, donnent beaucoup de formation sur le sujet. On travaille à augmenter les probabilités qu’une personne qui consulte dans une urgence, un sans rendez-vous ou une clinique familiale soit accueillie par un médecin compétent pour gérer une commotion cérébrale. Ce travail est long, mais il progresse. Dans des forums de médecine familiale, il y a un intérêt immense pour les commotions cérébrales.L’autre défi, c’est de mettre en place un environnement qui possède cette expertise dans les milieux où une bonne proportion des commotions survient. D’où la notion de protocole (voir autre texte).Les séquelles d’une commotion cérébrale chez un enfant ou un jeune adolescent sont-elles plus graves que chez un adulte?On ne le sait pas de façon évidente. On sait en revanche qu’il y a souvent une fragilité qui s’établit chez la jeune victime qui ne guérit pas bien et qui enchaîne les commotions cérébrales de façon rapprochée. A l’inverse, l’objectif que nous devons viser est qu’un jeune qui est retourné au jeu soit parfaitement guéri et qu’il puisse encaisser les impacts qui caractérisent son sport sans fragilité accrue aux commotions.Existe-t-il un nombre limite de commotions cérébrales qu’un jeune ou un individu peut supporter?La littérature nous dit à ce sujet qu’il faut considérer une série de facteurs aggravants pour recommander de mettre un terme à une carrière en sports de contacts. Un exemple, la répétition de commotions dans des contextes de plus en plus anodins. Ça doit nous rendre encore plus prudents.Êtes-vous opposé au fait que l’on introduise le football chez des jeunes du primaire? Ça fait partie des questions qu’il faut se poser. Je n’ai pas d’analyses qui permettraient de donner une réponse définitive à ce moment-ci. Je crois toutefois qu’il faut faire cette analyse et statuer dès que possible.Comment réagissez-vous comme médecin du sport devant la multiplication des commotions cérébrales chez les athlètes professionnels?Ce qui est encourageant, c’est l’impact médiatique qui met en évidence le fait que ces blessures doivent être prises au sérieux. Maintenant, tout le monde est sensibilisé à ce phénomène. On en sait suffisamment pour agir et définir des exigences associées à l’organisation des sports à plus haut risque.Barack Obama disait que s’il avait des garçons, il les empêcherait de jouer au football en raison du niveau de violence que ce sport a atteint. En feriez-vous autant?Ma conjointe et moi avons quatre enfants qui ont joué ou qui jouent au football. Je crois que les sports de contact doivent être mieux encadrés. Est-ce que ça m’amène à empêcher mes jeunes de pratiquer ce sport alors qu’ils ont le goût de le faire et qu’il vient avec de belles valeurs? Non, mais ça me donne une belle motivation pour essayer de faire évoluer les choses, pas seulement au niveau des programmes scolaires de mes enfants, mais aussi de façon beaucoup plus large.Comment avez-vous accueilli l’annonce de la création d’un groupe de travail sur les commotions cérébrales même si aucun médecin n’en fait partie?Il y a un éveil du monde politique à ce phénomène. On ne peut que voir cela très positivement afin d’aboutir à de meilleures façons de faire et de meilleurs standards pour protéger nos jeunes. Il y a un alignement des planètes. J’espère que le Québec deviendra le premier endroit à mettre en place des exigences d’encadrement des commotions cérébrales.A LIRE AUSSI:Des outils pour diagnostiquer des commotions cérébrales chez les jeunes sportifs

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